Ici, c’est une syllabe de trop, là c’est une syllabe de moins, l’accent tombe quand il doit être soutenu, il se soutient quand il doit tomber ; la voix éclate où la chose la veut sourde, elle est sourde où la chose la veut éclatante ; les sons glissent où le sens doit les faire onduler, bouillonner.
On n’y trouve pas, sur son caractère et sur son génie, dont les diverses influences s’exercèrent en sens si contraires, l’opinion définitive que tout homme qui écrit l’histoire a pour prétention de faire accepter à l’avenir ; et cette faillance de cœur contre Châteaubriand n’est pas la seule qu’on puisse reprocher à l’auteur.
Le Morny qu’il a eu la bonne fortune de connaître, de jauger, doit être à mon sens l’objet d’une étude spéciale, étude où il pourra mettre en scène une des figures qui représentent le mieux le temps. […] Mais l’attirant de ce monde neuf, qui a quelque chose de la séduction d’une terre non explorée, pour un voyageur, puis la tension des sens, la multiplicité des observations et des remarques, l’effort de la mémoire, le jeu des perceptions, le travail hâtif et courant d’un cerveau qui moucharde la vérité, grisent le sang-froid de l’observateur, et lui font oublier, dans une sorte de fièvre, les duretés et les dégoûts de son observation.
L’oracle de ce poseur en Dieu de Gœthe n’a plus de sens même pour M. […] Gœthe, en effet, est un humanitaire dans le sens le plus niais de ce mot si niais.
Dans Cymbeline, l’imbécile Cloten devient presque fier et spirituel quand il s’agit d’opposer l’indépendance d’un prince anglais aux menaces d’un ambassadeur romain ; et dans Mesure pour mesure, le constable Le Coude, dont les balourdises ont fait le divertissement d’une scène, parle presque en homme de sens lorsque, dans une scène postérieure, un autre que lui est chargé d’égayer le dialogue. […] Castrell par un horloger de Stratford, homme de sens, qui gagna beaucoup d’argent à en faire des tabatières, des boîtes à cure-dents et autres petits meubles. […] Le poëte épique fait, pour ainsi dire, à ses lecteurs, les honneurs de l’édifice où il les introduit ; il les accompagne de ses propres discours, les aide de ses explications, et par la peinture des mœurs, des temps, des lieux, il les dispose à la scène dont il va les rendre témoins, et leur ouvre en tout sens le monde où il veut les transporter et se transporter avec eux. […] Il en connut également la nature ; il sentit qu’une illusion de ce genre, étrangère à toute erreur des sens ou de la raison, simple résultat d’une disposition de l’âme qui oublie tout pour se contempler elle-même, ne peut se soutenir que par le consentement perpétuel du spectateur à la séduction que le poëte veut exercer sur lui, et qu’ainsi il faut le séduire sans relâche.
Son Dernier Chouan, en 1829, l’avait fait remarquer pour la première fois, mais sans le tirer encore de la foule ; sa Physiologie du Mariage lui avait acquis la réputation d’un homme d’esprit, observateur sans scrupules, un peu graveleusement expert sur une matière plus scabreuse que celle dont avait traité Brillat-Savarin ; mais c’est à partir de la Peau de Chagrin seulement que M. de Balzac est entré à pleine verve dans le public, et qu’il l’a, sinon conquis tout entier, du moins remué, sillonné en tout sens, étonné, émerveillé, choqué ou chatouillé en mille manières.
Aussi foible que toi dans ta jeune saison, Elle est chancelante, imbécile ; Dans l’âge où tout t’appelle à des plaisirs divers, Vile esclave des sens, elle t’est inutile , Quand le sort t’a laissé compter cinquante hivers.
Pour donner une idée de la manière brusque et souvent grossière dont La Martinière parlait au roi, je rapporterai que le roi, déterminé à suivre son avis, lui disait, en lui parlant de sa maladie et de la diminution journalière de ses forces : « Je sens qu’il faut enrayer. » — « Sentez plutôt, lui répliqua La Martinière, qu’il faut dételer. » M. de Beauvau, M. de Boisgelin, M. le prince de Condé, qui, par le manège de M. d’Aumont dont j’ai parlé, n’avaient pas encore pu voir le roi de la journée, le virent enfin à quatre heures ; et quoiqu’ils le trouvassent très-affaissé, très-inquiet et très-plaignant, ils jugèrent son état moins inquiétant et moins douloureux qu’il ne le disait, toujours par la connaissance de sa pusillanimité.
En effet, les sens sont bouchés : l’homme primitif est content dès qu’il peut dormir et se repaître.
Bien qu’il soit impossible de diviser les facultés indivisibles de notre nature pensante, on appelle âme, dans les langues des idées, cette partie de notre être immatériel qui est la plus distincte de nos sens et qui se confond ainsi le plus avec l’essence divine.
Politien, génie vraiment antique et digne d’Horace ne s’enivra pas de cette faveur ; il était né d’une bonne famille à Montepulciano, petite ville de la Toscane, comme Flaccus, en Calabre ; c’est de là qu’il prit son nom. « Je ne me sens pas plus enorgueilli des flatteries de mes amis, ou humilié des satires de mes ennemis, disait-il, que je ne le suis par l’ombre de mon corps ; car, quoique mon ombre soit plus grande le matin ou le soir qu’elle ne l’est au milieu du jour, je ne me persuaderai point que je sois plus grand moi-même dans l’un ou l’autre de ces moments que je ne le suis à midi. » XI Le pape étant mort en ce temps-là, Laurent de Médicis fit un voyage à Rome, pour recommander Julien, son jeune frère, à Sa Sainteté, dans le but de le faire élire au cardinalat.
Par cet amour qui vous fait embrasser tout le genre humain, qui vous a fait descendre du ciel et revêtir notre humanité nue, qui vous a fait souffrir la faim, la soif, le froid, la chaleur, le labeur, les moqueries, le mépris, les coups, la flagellation, la mort enfin sur une croix ; par cet excès d’amour, ô mon Sauveur Jésus, je vous supplie et vous conjure de détourner vos regards, votre face de mes péchés, afin que cité à comparaître devant votre tribunal, ce que je sens devoir être très-prochain, je ne sois pas puni pour mes fraudes, mes péchés, mais pardonné par les mérites de votre croix : qu’il plaide, qu’il plaide en ma faveur, ce sang, le plus précieux de tous, que vous avez répandu sur ce sublime autel de notre rédemption, et pour rendre l’homme libre, donner à l’homme la liberté. » Après ces paroles et d’autres encore, devant tous les assistants en pleurs, le prêtre ordonna qu’on le relevât et qu’on le mît dans son lit pour qu’on lui administrât plus facilement le sacrement : il s’y opposa d’abord ; mais, de crainte de manquer d’obéissance au vieillard, il se laissa fléchir, et répétant avec fermeté les paroles sacramentales, déjà sanctifié et vénérable par une sorte de majesté divine, il reçut le corps et le sang du Seigneur.