La question me semble intéressante en ce que, d’abord, elle touche de près celle de la moralité dans le roman. […] Et dès lors, pour me renfermer dans le sujet que j’ai entrepris de traiter, il me semble que le romancier aura pleinement satisfait à la morale, s’il remplit deux conditions, dont l’une concerne le but et l’autre les moyens. […] S’il y a, en effet, une sorte d’incompatibilité et de disconvenance entre l’esprit de la jeunesse et le caractère moral du roman, il me semble qu’on peut en dire autant lorsque l’on considère le roman, non plus comme une œuvre morale, mais comme une œuvre d’art.
Toutes leurs opinions étoient puisées de la boutique de quelque rêveur qu’ils suivoient en tout et partout… Ils vinrent à dire beaucoup de mots anciens, qui leur sembloient fort bons et très utiles en notre langue et dont ils n’osoient pourtant se servir, parce que l’un d’entre eux1 qui étoit leur coryphée, en avoit défendu l’usage. […] Leur consécration me semble aujourd’hui définitivement acquise. […] « Les poésies couronnées peuvent inaugurer toute innovation où la majorité du jury reconnaîtrait soit un amendement rationnel, soit l’évolution normale de la poétique française, c’est-à-dire toute innovation qui lui semblerait ou respecter ou accuser la distinction de plus en plus couramment indiquée par l’oreille entre la prose et le vers. » Qu’est-ce à dire, sinon qu’en matière poétique on doit, désormais, rejeter résolument le précepte indolent et commode formulé par Horace : Quid sit futurum cras fuge quærere… 1.
La Commission n’a pas eu à examiner si les auteurs qui ont eu des ouvrages représentés en 1853 sur la scène française ne se sont pas jugés plus sévèrement qu’elle ne l’eût fait elle-même ; mais il nous semble entrevoir, si on osait porter son regard au-delà de 1853 et sans anticiper sur les jugements futurs, que le Théâtre-Français, si riche de tout temps en charmantes et vives productions, ne se dérobera pas toujours si obstinément aux autres conditions indiquées. […] C’était moins encore l’auteur de la comédie L’Honneur et l’Argent, qui envoyait sa pièce au concours, que la voix publique et l’acclamation d’un grand succès qui semblaient la désigner dès l’abord au choix de la Commission.
L’envie et les autres passions se conservent en ces pays-là ; du moins, il me semble que Didon s’enfuit dès qu’elle aperçoit Énée ; quoi qu’il en soit, n’y allons que le plus tard que nous pourrons. […] Bien que Villars semblât suffisamment connu, j’ai pensé qu’il y avait lieu de se servir, en sa faveur, des pièces positives et authentiques imprimées depuis quelques années, pour rétablir et maintenir les grandes lignes de son mérite réel, dans lequel laissaient comme une brèche ouverte les jugements de Saint-Simon et de Fénelon20.
M. de Chateaubriand, à plus de trente années de distance, réimprimant son Essai sur les Révolutions et se jugeant çà et là dans de courtes notes comme entièrement désintéressé dans la question, a pu sembler quelquefois usurper les prérogatives de ce chatouilleux public qui se pique de classer œuvres et gens à sa guise, et de ne pas accepter un jugement tout fait d’un auteur sur lui-même. […] Lerminier ce talent de personnification enflammée et d’apothéose, il nous a semblé dur, sans assez de proportion, contre certaines renommées secondaires qui gênaient le piédestal des hautes statues.
Heine était singulièrement préoccupé de cette figure maladive et moribonde de Casimir Perier, de cette frénésie d’un homme dévoué (sacer) qui, pour rendre à l’État le règne de la paix et d’Astrée, semblait avoir amassé sur sa tête la colère des dieux infernaux. […] Heine, semblent être des portraits ; mais le peintre n’a point copié la nature avec le scrupule de beaucoup de ses confrères, ni rendu les traits avec une minutie diplomatique.
Malheureusement il semble qu’on ait seulement changé de joug : la délicatesse mondaine était au moins une forme d’esprit nationale, au lieu que l’élégance antique de la littérature du premier empire n’est qu’un froid pastiche, une inintelligente copie de formes étrangères. […] De plus, cette exhibition de la réalité brute, non déformée ni préparée par l’art, telle que l’offrent les reporters, a été pour quelque chose dans le souci de moins en moins grand que le public pendant longtemps a semblé prendre des formes d’art.
Du moins Voltaire semble-t-il avoir entrevu que les variations du goût littéraire se lient aux grands événements politiques, et aussi que dans une monarchie absolue la disparition du souverain est d’ordinaire le signal d’une réaction contre les idées et les pratiques du règne précédent. […] C’est l’instant où la France, qui semble avoir dû ses dernières victoires à la vitesse acquise au siècle précédent, va déchoir de sa grandeur militaire ; le traité d’Aix-la-Chapelle, signé en 1748, est pour elle une halte, présage d’une décadence prochaine.
Il semble parfois qu’il ait fallu plusieurs essais pour faire un grand homme ou une femme supérieure. […] Un écrivain a-t-il vécu, surtout à l’âge où l’âme est de cire pour les impressions du dehors, dans un de ces climats tièdes et parfumés où la poésie semble pousser et fleurir d’elle-même en pleine terre comme les orangers et les lauriers-roses ; il y a gros à parier que son imagination en gardera quelque chose de net et de lumineux.
L’homme a pu inventer les langues dérivées, qui ne sont que les modifications d’une parole primitive et révélée ; il a pu construire et reconstruire des langues postérieures et imparfaites, avec les débris de la langue primitive et parfaite qui lui fut sans doute donnée avec l’existence par Celui qui lui avait donné la pensée, ou le verbe intérieur et extérieur ; mais avoir créé la langue avant la pensée, ou la pensée avant la langue, nous semble un effort au-dessus de tout effort humain, c’est-à-dire un miracle de la toute-puissance. […] De même qu’il y a un horizon d’espace au-delà duquel la vue se trouble et n’aperçoit plus rien, de même il y a un horizon de temps au-delà duquel la mémoire des peuples semble condamnée à ne pouvoir jamais remonter.
Il me semble que, quand on a la fantaisie d’occuper de sa personne un art imitatif, il faudrait avoir d’abord la vanité d’examiner ce que cet art en pourra faire, et si j’étais l’artiste et qu’on m’apportât un aussi plat visage, je tournerais tant, que je le ferais entendre, non à la façon du Puget ou de Falconnet, mais à la mienne, et le plat visage parti, je me frotterais les mains d’aise, et je me dirais à moi-même : dieu soit loué ! […] Elle semble s’applaudir d’une malice qu’elle a mise sur le compte d’un autre.
Racine aussi grand declamateur que grand poëte, lui avoit appris à baisser la voix en prononçant les vers suivants, et cela encore plus que le sens ne semble le demander. […] Pour entendre les passages des anciens, qui parlent de leurs représentations théatrales, il me semble necessaire de sçavoir ce qui se passe sur les théatres modernes, et même de consulter les personnes qui professent les arts lesquels ont du moins quelque rapport avec les arts que les anciens avoient, mais dont la pratique est perduë.