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697. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Ingres, sur ces crayonnages, peinés, pinochés d’un pauvre dessinateur, qui expose dans un cadre, rue de la Paix… Alors, fuyant ces choses, se trouver soudainement devant les pylônes du Palais d’Artaxerxès Mnémon, soutenus par ces hiératiques lions rosâtres sur la vétusté pâle des murs, se trouver devant la Frise des archers de la salle du trône de Darius, avec ces troublantes silhouettes de noirs guerriers de profil, aux yeux de face, à la barbe verte ! […] Il a dans le récit un comique froid, particulier et assez désarçonnant pour les interrogations ingénues, et comme il déclarait qu’au fond les prisonniers n’avaient pas eu à se plaindre des Allemands, et qu’une dame, qui se trouvait là, lui disait : « — Alors on a été très aimable avec vous ? […] Samedi 28 février Au milieu de l’embêtement de ces jours-ci, une petite satisfaction, je lis dans un journal d’art, qu’à Londres, dans la galerie de Burlington Fine Arts club, est exposée une collection d’eaux-fortes françaises, où parmi les œuvres des aquafortistes les plus illustres, figurent les eaux-fortes de mon frère, et où se trouve le « Taureau » de Fragonard. […] Elle est émerveillée de la connaissance que j’ai de la femme, et me cite le passage, où je décris le côté ankylosé que prenait le côté droit ou le côté gauche de la Faustin, quand ce côté se trouvait près d’un embêtant, déclarant qu’elle sent en elle, comme une dilatation de son être près d’une personne sympathique. […] Et c’est vrai, il y a chez Léon, un amalgame du Nord et du Midi, et le garçon est curieux aussi, parce que c’est un enfant dans la conduite de la vie, et qu’il se trouve avoir une cervelle de l’homme mûr dans les choses de l’intellect.

698. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Parmi ces manuscrits se trouvent encore trois biographies de Tamerlan, qui tout en faisant, un jour, massacrer cent mille hommes, se fit enterrer aux pieds de son maître de philosophie. […] Une vente, où se trouvent mêlés aux livres, un bon mobilier de chambre à coucher en palissandre ciré, une belle pendule Empire en bronze doré, une tête d’homme de Ribot, deux dessins de Boulanger, et une montre d’or à remontoir. […] Ma tante se trouvait être, en ces années, une des quatre ou cinq personnes de Paris, énamourées de vieilleries, du beau des siècles passés, des verres de Venise, des ivoires sculptés, des meubles de marqueterie, des velours de Gênes, des points d’Alençon, des porcelaines de Saxe. […] Et il se trouvait, que le père de Jean Lorrain, abominait la littérature, et ne voulait pas admettre que son fils en fît un jour, tandis que sa mère, portée vers les choses de l’intelligence avait mis tout son cœur et un peu de son orgueil en lui, si bien que son père jaloux de cette tendresse, l’avait fourré dans un collège à Paris, d’où il ne sortait qu’au Jour de l’An, et aux vacances. […] Et il se trouve que c’est Havet, le marchand de billets, qui donne le dénouement.

699. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Il se trouva impliqué en 1799 (an vu) dans quelque petite échauffourée politique. […] Ce fut sans doute un malheur de Nodier au début, que de Se prendre de ce côté, et de se trouver engagé par je ne sais quelle fascination irrésistible vers ces faux et troublants modèles. […] En somme, il m’est évident que Nodier se trouve originellement en France de cette famille poétique d’Hoffmann et des autres, et que s’il répond si vite sur ce ton au moindre appel, c’est qu’il a l’accent en lui. […] Il se trouve mêlé, plus on y regarde, à toutes les brillantes formes d’essai, à tous les déguisements du romantisme.

700. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

Au centre du courant tempétueux, les têtes des plus gros arbres se trouvaient forcées de prendre une direction oblique et de fléchir : au-dessous et au-dessus d’eux, une masse épaisse de branchages, de rameaux brisés et de poussière soulevée fuyait sous la même impulsion. […] Vis-à-vis de moi se trouvait un jeune Indien dont les coudes s’appuyaient sur ses genoux, et dont les mains soutenaient la tête. […] Une meule à repasser se trouvait dans un des coins ; elle la fit tourner lentement, aiguisa soigneusement son arme ; je vis l’eau tomber goutte à goutte sur la meule, et ne perdis pas un des mouvements de l’infernale créature ; le foyer à demi éteint éclairait ses traits décharnés, les jeunes gens ses complices chancelaient sur leurs jambes avinées ; le sauvage, toujours calme, restait debout ; sa main qui serrait le tomahawk fatal était prête à abattre le premier assaillant. […] Au contraire, quand l’eau se trouve basse, il n’est pas de trou écarté, pas de remous à l’abri de quelque pierre, pas de place recouverte de bois flotté, où l’on ne puisse se promettre ample capture.

701. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

Mignet évoque et introduit le souvenir de Jouffroy qui se trouve ainsi singulièrement agrandi et présenté comme un des oracles modernes, comme un puissant démonstrateur des vérités invisibles et comme le théoricien religieux de l’ordre universel. […] C’est alors qu’on apercevrait, j’imagine, combien les mailles du filet, toutes bien faites qu’elles sont, se trouvent trop larges et laissent souvent passer le poisson.

702. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Prévost de Courmières, lieutenant-colonel de dragons et chevalier de Saint-Louis, né en 1747 et mort en 1838, se trouvait auprès de l’abbé dans le temps même de sa mort. […] [NdA] Cette lettre de l’abbé Prévost à M. de Maurepas se trouve incluse dans une autre lettre de lui, également datée de Francfort, et adressée à Bachaumont, l’auteur des Mémoires secrets, les originaux font partie de la riche collection de M. 

703. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

» Pour Guillaume Favre le bonheur n’était point si court qu’un brûlant été, ni si passager qu’un jour d’orage ; il sut le fixer autant qu’on le peut ici-bas, et il se serait plu sans nul doute à répéter et à s’appliquer à lui-même, s’il l’avait connue, cette page riante et modérée que je lisais dernièrement dans le journal familier d’un homme de son âge, et qui y est inscrite sous ce titre assez naïf, Le Paradis sur terre 42 : En faisant ce matin, de bonne heure, une promenade agréable et par le temps le plus délicieux, respirant l’air le plus pur et admirant la tranquille et paisible gaieté du paysage, je me disais : Un homme de Moyen Âge, jouissant d’une bonne santé et d’une fortune un peu au-dessus de ses besoins stricts, et par là dans une situation sociale indépendante, pouvant se donner le séjour de la campagne en été, celui d’une grande ville en hiver, ayant quelque goût pour la littérature et les beaux-arts, usant de tous ces avantages qui peuvent cependant se trouver réunis assez facilement, et les appréciant avec un peu de philosophie, ne pourrait-il pas dire qu’il serait ingrat de penser avec le sage Salomon : Vanité des vanités, tout n’est que vanité ? […] C’est dans le premier volume que se trouvent les vues et aperçus élevés dont je parle : je recommande particulièrement une lettre sur la religion adressée à la duchesse de Broglie, qui l’avait plus d’une fois pressé sur ce point.

704. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Les sciences, « unies par une philosophie commune, » y sont montrées « s’avançant de front, les pas que fait chacune d’elles servant à entraîner les autres. » Plus de danger sérieux désormais pour l’ensemble des connaissances humaines ainsi liées étroitement et toutes solidaires entre elles, plus de période rétrograde possible depuis la découverte de l’imprimerie : « Lorsqu’au milieu d’une nuit obscure, perdu dans un pays sauvage, un voyageur s’avance avec peine à travers mille dangers ; s’il se trouve enfin au sommet d’une haute montagne qui domine un vaste horizon, et que le soleil, en se levant, découvre à ses yeux une contrée fertile et un chemin facile pour le reste du voyage, transporté de joie, il reprend sa route, et bannit les vaines terreurs de la nuit. […] Les savants, après s’être livrés à l’analyse la plus minutieuse, pour laquelle on leur a laissé à peine le temps nécessaire, paraissent, — j’allais dire comparaissent, — Berthollet en tête, devant le Comité assemblé : ils déclarent dans leur Rapport « que les eaux-de-vie ne sont point empoisonnées ; qu’on y a seulement ajouté de l’eau dans laquelle se trouve de l’ardoise en suspension, en sorte qu’il suffit de les filtrer pour leur ôter toute propriété nuisible : « Robespierre, qui espérait une trahison, demande aux commissaires s’ils sont bien sûrs de ce qu’ils viennent d’avancer.

705. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

Nul embarras : un désir de plaire assez marqué, mais justifié à l’instant même et de la meilleure grâce ; de la fertilité, de l’enjouement ; d’heureuses comparaisons prises dans l’art qui lui était le plus cher, dans la musique, et qui piquaient par l’imprévu et par l’ingénieux : — ainsi, dans la notice sur l’architecte Abel Blouët, la place de l’artiste au cœur modeste, à la voix discrète, comparée au rôle que joue l’alto dans un concert (« Un orchestre est un petit monde, etc. ») ; — des anecdotes bien placées, bien contées, des mots spirituels qui échappent en courant ; — ainsi dans la notice sur Simart, à propos des rudes épreuves de sa jeunesse : « Simart, après avoir été misérable, ne fut plus que pauvre et se trouva riche » ; — savoir toujours où en est son auditoire et le tenir en main et en haleine ; ne pas trop disserter, et glisser la critique sous l’éloge ; s’arrêter juste et finir à temps. […] Je n’ai pas du tout approuvé, dans l’Éloge du baron boucher-Desnoyers, graveur, cet encadrement trop fleuri, cette scène de début dans un jardin : « Plusieurs personnes se trouvaient réunies chez M. 

706. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

Il s’aperçut tout à la fois de combien on était en arrière dans la maison de ses parents sur la marche qu’avaient suivie les arts depuis dix ans, et pressentit tout ce qu’il fallait qu’il connût et qu’il étudiât pour rattraper le gros de l’armée dans laquelle il se trouvait enrégimenté tout à coup. » La remarque est juste, et l’expression aussi : voilà Étienne enrégimenté et enrôlé dans l’armée de David ; c’est là son premier groupe et son premier milieu ; c’est ce qu’il va entendre, embrasser, admirer et puis commenter à merveille : mais que les années s’écoulent, que de nouveaux courants s’élèvent dans l’air, que l’École de David, en se prolongeant, se fige comme toutes les écoles, qu’elle ait besoin d’être secouée, refondue, renouvelée, traversée d’influences rafraîchissantes et de rayons plus lumineux, lui, il ne voudra jamais en convenir ; il y est, il y a été élevé, nourri ; il y a pris son pli, le premier pli et le dernier ; il n’en sortira pas. […] Ce Moreau dans l’atelier de qui il se trouvait d’abord par hasard, et qui n’était pas un vrai maître, était un paresseux ; de plus il avait pour l’architecture un goût et un talent plus prononcés que pour la peinture, et il se partagea bientôt entre les deux.

707. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier. »

A la promenade, à la messe, partout où elle avait envie d’aller, il était constamment avec elle. » Dans l’embarras où l’on se trouvait, on dut recourir à des auxiliaires. […] On arrive au couvent, où se trouvait comme par hasard, M. 

708. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine. (suite et fin.) »

Racine : je les tire d’une lettre que m’a écrite une personne qui se trouva au petit discours que fit l’ecclésiastique de Saint-Sulpice qui avait accompagné le corps et qui le présenta, et à la réponse que fît le confesseur de la maison, nommé M.  […] Il avait été reçu par M. de La Chapelle, directeur, qui ne parla pas mal non plus et qui dit même des choses assez neuves et très à propos à cette date de 1699, fin d’un siècle, sur les heures de perfection et de décadence littéraire pour les nations : il développa une pensée de l’historien Velleius Paterculus, et parla de cette sorte de fatalité qui fixe dans tous les arts, chez tous les peuples du monde, un point d’excellence qui ne s’avance ni ne s’étend jamais : « Ce même ordre immuable, disait-il, détermine un nombre certain d’hommes illustres, qui naissent, fleurissent, se trouvent ensemble dans un court espace de temps, où ils sont séparés du reste des hommes communs que les autres temps produisent, et comme enfermés dans un cercle, hors duquel il n’y a rien qui ne tienne ou de l’imperfection de ce qui commence ou de la corruption de ce qui vieillit. » C’était bien pensé et bien dit.

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