Et écoutez parler la science. […] Votre « âme consciente » est tout au plus un effet qui aperçoit des effets : nous verrions, nous, les effets et les causes. » Voilà ce qu’on dit quelquefois au nom de la science. […] Tout ce que l’observation, l’expérience, et par conséquent la science nous permettent d’affirmer, c’est l’existence d’une certaine relation entre le cerveau et la conscience. […] Ce n’était certes pas par l’anatomie et la physiologie du cerveau, sciences qui existaient à peine ; et ce n’était pas davantage par l’étude de la structure, des fonctions et des lésions de l’esprit. […] Mais que tel ou tel d’entre eux vienne nous dire que c’est là de la science, que c’est l’expérience qui nous révèle un parallélisme rigoureux et complet entre la vie cérébrale et la vie mentale, ah non !
Les sciences ne l’avaient guère préoccupé jusqu’ici : il y reconnut l’œuvre essentielle de la raison et son arme efficace. […] Elle aime les sciences, la physique, la philosophie : elle a un laboratoire, fait des expériences, étudie Newton. Elle oblige Voltaire à faire comme elle ; ils sont lauréats de l’Académie des sciences, elle pour le prix, lui avec la mention. […] Il semble bien que ce soit l’Angleterre qui lui ait révélé la science et le parti qu’on en pouvait tirer. […] Mais il ne devint pas, il n’a jamais été véritablement homme de science, en dépit de ses essais et de ses travaux.
Si c’est au contraire le dix-huitième siècle qui a été téméraire, le dix-septième vient avec sa science plus tranquille et plus sûre de l’homme, avec sa sagesse libérale, rabattre ces témérités et remettre les choses au vrai. […] Aussi loin qu’on remonte dans sa vie, après ses premières et courtes incertitudes entre les lettres et les sciences, on peut noter des pensées qui l’y préparent ou des études qui l’y mènent. […] L’Esprit des lois, c’est, dans la science sociale, le flambeau une fois allumé pour ne plus s’éteindre. […] Chez Montesquieu, la pensée est ce que sont dans la science les corps composés de plusieurs substances : il faut pour les démêler toutes les subtilités et toute la patience de l’analyse. […] Il manque encore à l’Esprit des lois ce que l’antiquité chrétienne pratiquée, non pour sa théologie, mais pour sa science de l’homme, y eût mis sans doute ; il y manque une morale.
Les érudits sont, par définition, les ouvriers de la science les plus désintéressés. […] La science progresse et la religion recule. […] Comment expliquer que de grands savants dans tous les ordres de sciences, même dans celui des sciences naturelles, soient peu touchés des incompatibilités palpables de la science et du dogme et conservent leur foi, s’ils ne séparent pas absolument les deux domaines et si, pendant que leur intelligence fait son œuvre, leur âme en silence ne se nourrit pas de je ne sais quel aliment divin ? […] Heureux ceux auxquels leur nature enthousiaste fait sentir la beauté des chefs-d’œuvre avant que la science la leur ait expliquée ! […] Il a tort de ne voir qu’une différence de degré dans l’abîme naturel qui sépare du génie non la médiocrité seulement, mais la plus grande science elle-même.
La Science est toujours bienfaisante. […] La philosophie n’est pas un chapitre des sciences occultes, qui ne sont d’ailleurs pas des sciences et dont la supercherie n’est nullement occulte. […] La Science est donc en éboulement et en relèvement perpétuels. […] La Science ne développe guère le jugement. […] L’agriculture, adaptée aux sciences, fait la noblesse du paysage.
Pline l’ancien est l’écrivain de l’antiquité qui a le plus approché de la vérité dans les sciences. […] On se demande comment, à cette époque, les sciences exactes n’ont pas fait plus de progrès, comment il est arrivé que presque aucun Romain ne s’y soit consacré. […] Les pensées philosophiques se rallient à tous les sentiments de l’âme ; les sciences vous transportent dans un tout autre ordre d’idées. […] Une des causes de la destruction des empires dans l’antiquité, c’est l’ignorance de plusieurs découvertes importantes dans les sciences ; ces découvertes ont mis plus d’égalité entre les nations, comme entre les hommes. […] La civilisation de l’Europe, l’établissement de la religion chrétienne, les découvertes des sciences, la publicité des lumières ont posé de nouvelles barrières à la dépravation, et détruit d’anciennes causes de barbarie.
— et en second lieu parce que d’admettre le surnaturel, ce serait poser en principe l’impossibilité de la science. […] Renan trop de gré de l’avoir démontré avec la triple autorité de sa science, de son talent, et de son indépendance d’esprit. […] On le peut, si l’on sait interpréter les conclusions de la science du langage ou celles encore de la science des religions ; et tout le monde, à vrai dire, depuis cinquante ou soixante ans, s’y est tour à tour efforcé, mais personne avec plus de succès que M. […] Gumplowicz ne les a point inventées, mais empruntées aux maîtres de la science. […] On en peut dire autant des conclusions de la science des religions.
Je connais des gens d’esprit qui tremblent devant la science de Renan, mais de cette science, moi, je me moque très bien tout le temps que je n’en ai pas les preuves, et vraiment je ne les ai pas ! […] Mais, ô privilège de la science ! […] Tel est le fond et le secret de ce pauvre livre, devant lequel les ignorants ôtent leur bonnet et les gens à sentiment pleurard leurs mouchoirs de poche, mais qui n’en ira pas moins rejoindre, avant cinquante ans, l’Origine des cultes, par Dupuis ; car la science progresse bien moins qu’elle ne se déplace, et quand elle progresserait, elle n’infirme pas le bon sens dans l’esprit humain ! […] L’opinion transforma cet élève de la science allemande, qui n’est pas une si grande sorcière, en une puissance scientifique redoutable. […] Pas un cheveu de l’Église catholique n’a été touché dans cette discussion sur les miracles de l’Évangile, sur ces miracles de thaumaturge à homme, expliqués par le magnétisme et les sciences modernes que Rousseau ne connaissait pas.
Après avoir écrit pour notre Académie des sciences morales, il adressait ses mémoires aux Académies de Copenhague et de Berlin. […] Encore aujourd’hui, il rebute, et si on le donne à lire à des gens versés dans les sciences expérimentales, amateurs d’idées claires, accoutumés aux faits précis et prouvés, il n’est pas sûr qu’ils lisent un de ses volumes jusqu’au bout. […] Posez d’abord avec lui qu’il y a deux psychologies : l’une analogue aux sciences physiques, ayant pour objet de constater, de décrire et de classer les plaisirs, les peines, les sensations, les idées, bref, toutes nos opérations passagères ; l’autre ne ressemblant à aucune des sciences physiques, unique en son genre, ayant pour objet d’observer et de définir le sujet permanent et la cause durable de ces opérations17. […] Une fois la force constatée et comprise, la nature s’ouvre et les sciences entrent en révolution. […] Tout leur effort est de réduire le nombre des faits, et leur science sera parfaite quand, au lieu de cent mille phénomènes, ils en auront un.
Argument La plupart des preuves historiques données jusqu’ici par l’auteur à l’appui de ses principes, étant empruntées à l’antiquité, la Science nouvelle ne mériterait pas le nom d’histoire éternelle de l’humanité, si l’auteur ne montrait que les caractères observés dans les temps antiques se sont reproduits, en grande partie, dans ceux du moyen âge. […] Coup d’œil sur le monde politique, ancien et moderne, considéré relativement au but de la Science nouvelle. (Âge humain.) — Rome, n’étant arrêtée par aucun obstacle extérieur, a fourni toute la carrière politique que suivent les nations, passant de l’aristocratie à la démocratie, et de la démocratie à la monarchie. — Conformément aux principes de la Science nouvelle, on trouve aujourd’hui dans le monde beaucoup de monarchies, quelques démocraties, presque plus d’aristocraties.
Les premières études de choix du jeune Favre, aussitôt ses classes terminées, furent dirigées du côté des sciences exactes et de la navigation, du côté aussi des sciences naturelles. […] La science conférait alors de ces dignités ; ajoutons qu’elles étaient assez creuses et purement sonores. […] Il est bon quelquefois aux hommes de science de se sentir en présence d’un public moins sérieux, moins solide, et qui, par sa plus grande indifférence du fond, oblige les écrivains à s’évertuer. […] Si on ne l’avait pas mis en demeure une bonne fois de débiter sa science, et si on ne l’avait constitué à l’état de fontaine publique chargée d’en distribuer les eaux courantes à des générations qui en étaient avides, il n’aurait peut-être accumulé que des notes immenses et des réservoirs cachés. […] Dans la composition de son Cours de littérature dramatique, Schlegel, alors à Coppet, mit sans cesse à contribution la science, la sagacité et la bibliothèque de Favre.
Je crois de plus que les méditations religieuses du christianisme, à quelque objet qu’elles aient été appliquées, ont développé les facultés de l’esprit pour les sciences, la métaphysique et la morale. […] Mais le genre d’esprit qui rend propre à l’étude des sciences, se formait par les disputes sur les dogmes, quoique leur objet fût aussi puéril qu’absurde. […] Les dogmes spirituels exerçaient les hommes à la conception des pensées abstraites ; et la longue contention d’esprit qu’exigeait l’enchaînement des subtiles conséquences de la théologie, rendait la tête propre à l’étude des sciences exactes. […] Néanmoins, de même que le savant observe le travail secret par lequel la nature combine ses développements, le moraliste aperçoit la réunion des causes qui ont préparé, pendant quatorze cents ans, l’état actuel des sciences et de la philosophie. […] Peut-être aussi que tout le faste de ces récompenses d’opinion était nécessaire pour exciter aux difficiles travaux qu’exigeaient, il y a trois siècles, le perfectionnement des langues modernes, la régénération de l’esprit philosophique, et la création d’une méthode nouvelle pour la métaphysique et les sciences exactes.