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405. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Dans les conseils à demi honnêtes, à demi intéressés, qu’elle donne à Marianne ; dans une certaine scène où elle se querelle avec un cocher de fiacre, il y a une imitation minutieuse de la nature triviale : mais, le dirai-je ? […] Elle raconte tout le menu de ce manège avec une curiosité, une réflexion et un détail infini qui fait ressembler ce passage et bien d’autres à une petite scène d’une ingénue de quinze ans, telle que Mlle Mars pouvait la jouer à cet âge : « Où en étais-je ? […] On appelle le chirurgien qui visite le pied et à qui il faut bien le montrer : c’est là une autre scène de coquetterie, de ruse friponne, où l’analyse de Marivaux triomphe. […] Cette double scène de toilette quittée et reprise est une scène de comédie toute faite, avec le jeu devant le miroir ; il n’y manque que l’actrice : car tout personnage de Marivaux semble toujours être en vue d’un acteur ou d’une actrice qui le doit compléter et qu’on dirait qu’il attend.

406. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Il porta l’esprit de Malherbe à la scène, jusque-là livrée aux raffinés négligents, et il y fit valoir la simplicité travaillée. […] La fameuse discussion de Cinna et de Maxime sur la monarchie et la république, la conversation de Sertorius et de Pompée sur la guerre civile, ne sont pas des morceaux historiques, mais politiques : elles traitent des questions actuelles, avec des sentiments très modernes ; ces scènes romaines sortent de l’âme du xviie  siècle. […] Saint-Genest (1646) et Venceslas (1647) sont deux belles choses : Saint-Genest 328, avec son mélange de scènes familières et de scènes pathétiques, peinture du monde du théâtre et de l’héroïsme chrétien, a des parties qui continuent dignement Polyeucte. […] Il a gardé ses défauts, son insouciante improvisation, ses négligences, mais ses qualités aussi, une imagination et une sensibilité lyriques, qui, dans certaines scènes pittoresques ou mélancoliques, donnent une saveur tout à fait originale à ses pièces.

407. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

La tragédie emprunte aux anciens les sujets qu’elle traite, les personnages qu’elle met en scène, la structure même qu’elle affecte ; mais elle coule dans le moule d’autrefois des idées, des sentiments, des façons d’agir et de parler qui appartiennent au xviie  siècle. […] La première scène des Femmes savantes n’est pas seulement une attaque contre les survivantes de la société précieuse ; elle est encore une charge à fond contre les théories du philosophe qui fut leur contemporain et leur inspirateur. […] La majorité des écrivains a beau appartenir à la bourgeoisie ; elle dépend économiquement du roi et de la noblesse ; aussi est-ce à peine si les mœurs bourgeoises apparaissent ça et là par de brèves échappées chez Molière, chez La Fontaine, chez Furetière, chez Boileau ; quant à la foule inconnue qui travaille et végète dans les bas-fonds de la société, si l’on se fût avisé de la peindre, Louis XIV eût dit sans doute comme devant les scènes populaires de Téniers : « Tirez-moi ces magots !  […] Molière, faisant jouer une pastorale, indique ainsi l’endroit où se passe la scène : « Un lieu champêtre, mais agréable. » Ce mais en dit plus qu’il n’est gros. […] L’action semble se passer n’importe où, n’importe quand, entre des âmes qui n’ont des corps que par une vieille habitude ; le décor est réduit au minimum ; la mise en scène est simplifiée à l’extrême ; l’extérieur des personnages n’est pas ce qui doit intéresser, leur vie interne a seule droit à l’attention ; et encore dans la peinture de leurs pensées et de leurs sentiments ne veut-on exprimer par des formules définitives que l’essence de la nature humaine.

408. (1694) Des ouvrages de l’esprit

Mais sans citer les personnes graves ou les esprits forts qui trouvent du faible dans un ris excessif comme dans les pleurs, et qui se les défendent également : qu’attend-on d’une scène tragique ? […] Ce n’est donc pas un tissu de jolis sentiments, de déclarations tendres, d’entretiens galants, de portraits agréables, de mots doucereux, ou quelquefois assez plaisants pour faire rire, suivi à la vérité d’une dernière scène où les3 mutins n’entendent aucune raison, et où, pour la bienséance, il y a enfin du sang répandu, et quelque malheureux à qui il en coûte la vie. […] Le paysan ou l’ivrogne fournit quelques scènes à un farceur, il n’entre qu’à peine dans le vrai comique : comment pourrait-il faire le fond ou l’action principale de la comédie ? […] Mettez ce rôle sur la scène. […] Ce qu’il y a eu en lui de plus éminent, c’est l’esprit, qu’il avait sublime, auquel il a été redevable de certains vers, les plus heureux qu’on ait jamais lus ailleurs, de la conduite de son théâtre, qu’il a quelquefois hasardée contre les règles des anciens, et enfin de ses dénouements ; car il ne s’est pas toujours assujetti au goût des Grecs et à leur grande simplicité ; il a aimé au contraire à charger la scène d’événements dont il est presque toujours sorti avec succès : admirable surtout par l’extrême variété et le peu de rapport qui se trouve pour le dessein entre un si grand nombre de poèmes qu’il a composés.

409. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Les scènes populaires de Pigal sont bonnes. […] Généralement il y a une grande bonhomie et une certaine innocence dans toutes ses compositions : presque toujours des hommes du peuple, des dictons populaires, des ivrognes, des scènes de ménage, et particulièrement une prédilection involontaire pour les types vieux. […] Plusieurs de ses Scènes populaires sont certainement agréables ; autrement il faudrait nier le charme cruel et surprenant du daguerréotype ; mais Monnier ne sait rien créer, rien idéaliser, rien arranger. […] C’est la raison pour laquelle ses Scènes bachiques resteront un œuvre remarquable ; ses chiffonniers d’ailleurs sont généralement très-ressemblants, et toutes ces guenilles ont l’ampleur et la noblesse presque insaisissable du style tout fait, tel que l’offre la nature dans ses caprices. […] Depuis quelque temps Traviès a disparu de la scène, on ne sait trop pourquoi, car il y a aujourd’hui, comme toujours, de solides entreprises d’albums et de journaux comiques.

410. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 331-337

Par-là, nous verrions revenir la Comédie à son institution primitive ; on proscriroit de la Scène ces froides déclamations, qui prouvent si évidemment combien elle a dégénéré parmi nous. […] Que ceux qui osent occuper la Scène de leurs Productions, se rappellent que Regnard n’a chaussé le Brodequin, qu’après s’être formé sur Moliere ; que les Pieces qui ont été le plus généralement applaudies, n’ont mérité leur succès, que parce qu’elles retraçoient quelques foibles étincelles de son génie.

411. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Marie Tudor » (1833) »

S’il y avait un homme aujourd’hui qui pût réaliser le drame comme nous le comprenons, ce drame, ce serait le cœur humain, la tête humaine, la passion humaine, la volonté humaine ; ce serait le passé ressuscité au profit du présent ; ce serait l’histoire que nos pères ont faite confrontée avec l’histoire que nous faisons ; ce serait le mélange sur la scène de tout ce qui est mêlé dans la vie ; ce serait une émeute là et une causerie d’amour ici, et dans la causerie d’amour une leçon pour le peuple, et dans l’émeute un cri pour le cœur ; ce serait le rire ; ce serait les larmes ; ce serait le bien, le mal, le haut, le bas, la fatalité, la providence, le génie, le hasard, la société, le monde, la nature, la vie ; et au-dessus de tout cela on sentirait planer quelque chose de grand ! […] Il pourrait mener François Ier chez Maguelonne sans être suspect ; il pourrait, sans alarmer les plus sévères, faire jaillir du cœur de Didier la pitié pour Marion ; il pourrait, sans qu’on le taxât d’emphase et d’exagération comme l’auteur de Marie Tudor, poser largement sur la scène, dans toute sa réalité terrible, ce formidable triangle qui apparaît si souvent dans l’histoire : une reine, un favori, un bourreau.

412. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Vernet » pp. 227-230

Quelle immense variété de scènes et de figures ! […] C’est un travail commandé ; c’est un local qu’il faut rendre tel qu’il est, et remarquez que dans ces morceaux mêmes, Vernet montre bien une autre tête, un autre talent que Le Lorrain, par la multitude incroyable d’actions, d’objets et de scènes particulières.

413. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Il y a, dès la seconde scène de Rédemption, deux lignes qui nous livrent M.  […] Je choisirai pour exemple les jolies scènes du Village. […] Hermione, Roxane, Émilie, Camille, Phèdre, Monime, avaient retrouvé une interprète digne des plus belles époques de la scène française. […] Les scènes historiques ou politiques y révèlent cet art de faire parler à ses acteurs la langue des affaires, art tout Cornélien, que M.  […] En 1648, un peu après la magnifique ambassade, ou, si l’on veut, le magnifique exil de Munster, le duc de Larochefoucauld entre en scène.

414. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Ils voulurent être les metteurs en scène, les artistes, les poètes du Romantisme. […] Les États de Blois, la Mort de Henri III, et les Barricades (scènes de la Ligue), par M.  […] On trouve déjà dans son Christophe Colomb un mélange de scènes plaisantes, et de tragiques. […] Elle fut enlevée par la scène des tableaux, et le fameux monologue l’acheva. […] Alexandre Dumas vint continuer sur la scène française l’œuvre de Victor Hugo.

415. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Parfois ce mot même était nécessaire dans la scène, mais fallait-il faire la scène ? […] La scène se passe pendant la guerre ; notre soldat français se promène armé sur le sol envahi par l’ennemi. […] Chacun des vingt-deux chapitres qui composent ce livre est une étude, une photographié de scènes de la vie d’une mondaine. […] La scène est fort belle. […] Ici se place une très belle scène.

416. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

La mise en scène ne sera pas luxueuse, mais propre ; on ne réclamera pas un ballet. […] C’est pourtant la stricte vérité : ainsi que l’on considère le réveil de Brunnhilde, l’une des meilleures scènes de la partition française, comme musique et comme livret, et celle sur laquelle elle semble avoir été calquée, c’est-à-dire cette resplendissante scène dernière de Siegfried ! […] C’est déjà trop que les librettistes aient semblé copier leur livret sur les scènes principales de la Tétralogie, du commencement au dénoument. […] Si, au contraire, cet effet de scène produit un bruissement désagréable, ce qui a lieu dans Sigurd, l’impression est « saisissante. » Qu’importe, après tout ! […] La mise en scène avait été très améliorée.

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