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11. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXI » pp. 323-327

La librairie sérieuse en souffre, et les gens de province qui se cotisent pour lire trois ou quatre feuilletons se croient au fait de tout. — Le prince héréditaire de Saxe-Weimar était dernièrement à Paris ; comme il causait avec M. […] C'est aujourd’hui un ouvrage tout à fait historique, un ouvrage sérieux et profond qu’il publie. […] Mais ce que tous les esprits sérieux liront avec intérêt, c’est le livre qui retrace la vie et le caractère d’Abélard. […] Cela constitue en France un genre nouveau de littérature : l’Essai historique dans tout son sérieux et tout son développement.

12. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Th. Carlyle » pp. 243-258

Jusqu’à lui, l’Histoire avait été sérieuse… Elle avait été quelquefois indignée. […] tandis que Carlyle, qui ne crée pas, mais qui raconte, et qui n’a qu’une goutte du génie de Rabelais, la verse insolemment, dans l’Histoire sérieuse et bégueule, sur des fronts qui se croient faits pour inspirer la terreur. — Et cette goutte du génie de Rabelais dans une tête anglaise, voilà son originalité ! […] Comique âpre et profond, qui sort tout à coup du sérieux pour rentrer dans le sérieux ! […] J’ai dit qu’il s’éclaffait, — que du sérieux dont il sortait, par un bond, comme un tigre sort de son antre, il rentrait dans le sérieux immédiatement après son bond.

13. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LVIII » pp. 220-226

Vinet, très-beaux et très-respectueux, expriment avec discrétion ce sentiment de regret qu’ont éprouvé les personnes sérieuses. […] Pour nous qui y sommes moins obligés, grâce à notre éloignement, nous disons franchement que ce livre, que l’on concevait si simple et si austère, est devenu, par manque de sérieux et par négligence, un véritable bric-à-brac ; l’auteur jette tout, brouille tout, et vide toutes ses armoires. […] Mais quand arrivent pour le coup les années sérieuses, quand l’irréparable outrage pèse et se fait sentir, oh ! […] Là est le mal sérieux, le point à dénoncer.

14. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

Et son universalité fait tort à sa violence : partout forcenée, elle ne paraît sérieuse nulle part. […] Échappé de Nouméa, il reprend son œuvre de destruction avec plus d’acharnement encore, je ne dis pas avec plus de sérieux. […] Rochefort, il faut être bien sûr de son fait ; et cette furie négatrice ne saurait guère aller, semble-t-il, sans un très grand sérieux. […] Je comprendrais plutôt ici l’éloquence tendue, travaillée, mais bien sincèrement haineuse, et sérieuse après tout, d’un Jules Vallès. […] Rochefort, un sentiment ou un instinct plus sérieux.

15. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Jusqu’à présent les artistes seuls ont compris tout ce qu’il y a de sérieux là-dedans, et que c’est vraiment matière à une étude. […] Dans tous ces dessins, dont la plupart sont faits avec un sérieux et une conscience remarquables, le roi joue toujours un rôle d’ogre, d’assassin, de Gargantua inassouvi, pis encore quelquefois. […] Ces échantillons suffisent pour montrer combien sérieuse est souvent la pensée de Daumier, et comme il attaque vivement son sujet. […] Pour conclure, Daumier a poussé son art très-loin, il en a fait un art sérieux ; c’est un grand caricaturiste. […] C’est un malheur réel, car il est très-observateur, et, malgré ses hésitations et ses défaillances, son talent a quelque chose de sérieux et de tendre qui le rend singulièrement attachant.

16. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

À la duchesse de Bouillon, qui lui demandait un jour s’il n’avait jamais eu l’envie de se marier, il répondait : « Oui, quelquefois le matin. » Il n’eut jamais aussi que le matin cette idée de revenir à l’étude, de se mettre aux choses sérieuses. […] On sent trop par ce coin que Chapelle est de la Régence, c’est-à-dire d’un monde où l’on n’a pas toujours le ton de plaisanterie des honnêtes gens, et qu’il n’est pas digne d’atteindre jusqu’au goût sérieux de Louis XIV : il ne saura jamais s’y encadrer. […] Ils ont tous cela de commun, de ne pas prendre la nature au sérieux, et de ne la regarder en sortant du cabaret ou du salon que pour y mettre une grimace et de l’enluminure. […] J’ai beau parcourir les itinéraires en vers qu’ils nous ont laissés : Horace, dans ce Voyage à Brindes, est assez sec, mais élégamment sérieux et sans rien de cette mascarade9. […] [NdA] On m’écrit (et ce sont deux officiers d’Afrique qui se souviennent d’Horace et qui lisent au bivouac) pour me rappeler certains traits du Voyage à Brindes, qui ne sont point précisément sérieux et graves, ni même élégants : mais je n’ai entendu parler que du sérieux dans les descriptions de la nature ou dans les indications des sites.

17. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

La théorie de la comédie sérieuse. — § V. […] Voltaire, imitateur tardif de la comédie larmoyante, la prit plus au sérieux que la Chaussée lui-même. […] Si sa manie est sérieuse, il va nous donner à rire. […] Diderot. — Théorie de laComédie sérieuse. […] Sérieuse, en effet, car je défie qu’on y trouve le plus petit mot pour rire.

18. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

De ce sérieux travail poursuivi pendant cinquante ans, la Prusse sortit la première nation de l’Europe. […] La question est de savoir si elle voudra entrer dans la voie d’une réforme sérieuse, en d’autres termes, imiter la conduite de la Prusse après Iéna. […] Pour former de bonnes têtes scientifiques, des officiers sérieux et appliqués, il faut une éducation ouverte à tout, sans dogme rétrécissant. […] Elles seraient des écoles de sérieux, d’honnêteté, de patriotisme. […] Cette combinaison suppose des villes d’étude régionales, qui soient en même temps des centres sérieux d’instruction militaire.

19. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

On sent là l’esprit moqueur, satirique et un peu insolent, qui fait sa pointe une première fois à nos dépens ; il rendra justice plus tard à nos qualités sérieuses. […] Le sérieux et le léger s’entremêlent à chaque instant dans ces lettres. […] Pour moi, je juge de la véracité d’un homme par la portée de son esprit. » On voit que le sérieux se mêle aisément chez lui à l’agréable. […] Lord Chesterfield a bien senti le sérieux de la France et tout ce que le xviiie  siècle portait en lui de fécond et de redoutable. […] Si, dans les Lettres à son fils, on peut, sans être rigoureux, relever quelques points d’une morale légèrement gâtée, on aurait à indiquer, par compensation, de bien sérieux et tout à fait admirables passages, où il parle du cardinal de Retz, de Mazarin, de Bolingbroke, de Marlborough et de bien d’autres.

20. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIV. De la plaisanterie anglaise » pp. 296-306

On est sérieux seul, on est gai pour les autres, surtout dans les écrits ; et l’on ne peut faire rire que par des idées tellement familières à ceux qui les écoutent, qu’elles les frappent à l’instant même, et n’exigent d’eux aucun effort d’attention. […] La vie domestique, des idées religieuses assez sévères, des occupations sérieuses, un climat lourd, rendent les Anglais assez susceptibles des maladies d’ennui ; et c’est par cette raison même que les amusements délicats de l’esprit ne leur suffisent pas. […] La nation étant plus une, l’écrivain prend l’habitude de s’adresser dans ses ouvrages au jugement et aux sentiments de toutes les classes ; enfin les pays libres sont et doivent être sérieux. […] Je suis entrée à Londres, une fois, dans un cabinet de physique amusante, et j’ai vu les tours les plus grotesques, à la bague, au sautoir, à l’escarpolette, exécutés par des hommes fort âgés, du maintien le plus roide et du sérieux le plus imperturbable.

21. (1890) L’avenir de la science « A. M. Eugène Burnouf. Membre de l’Institut, professeur au Collège de France. »

Mais, si la science est la chose sérieuse, si les destinées de l’humanité et la perfection de l’individu y sont attachées, si elle est une religion, elle a, comme les choses religieuses, une valeur de tous les jours et de tous les instants. […] Quant à la science sérieuse et philosophique, qui répond à un besoin de la nature humaine, les bouleversements sociaux ne sauraient l’atteindre, et peut-être la servent-ils en la portant à réfléchir sur elle-même, à se rendre compte de ses titres, à ne plus se contenter de jugement d’habitude sur lequel elle se reposait auparavant. […] C’est votre image que j’ai eue sans cesse devant les yeux, quand j’ai cherché à exprimer l’idéal élevé où la vie est conçue non comme un rôle et une intrigue, mais comme une chose sérieuse et vraie.

22. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

Au milieu des légèretés (qu’il continue d’écrire aux beautés de sa connaissance, on entrevoit là cependant un Voiture plus sérieux que celui qu’on s’imagine d’ordinaire, et M.  […] Ainsi il y avait un homme de grand sens dans Voiture ; il y avait peut-être, sous l’homme aimable et sous l’ingénieux badin, un homme sérieux qui n’a pas eu le temps ni les occasions de se dégager. […] Mais on conçoit très bien cette supériorité de M. d’Avaux sur son ami ; les esprits sérieux et nourris de choses solides, s’ils viennent à se détendre, l’emportent sur les esprits légers qui ont passé leur vie à voltiger sur des pointes d’aiguilles et à enfler des bulles de savon. […] Catulle, au milieu de ses jolis hendécasyllabes et de ses mordants badinages, est un poète profond, un poète sérieux ayant le culte de son art. […] Voiture vu de loin ne nous paraît pas aujourd’hui plus sérieux que Delille, mais il est capable de l’êtreu ; il l’a été sans doute dans ses négociations.

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