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208. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

. —  Son jugement sur la religion, la science, la philosophie et la raison. —  Comment il diffame l’intelligence humaine. —  Les Voyages de Gulliver. […] Vous démêlerez dans la religion les hautes vérités que les dogmes offusquent et les généreux instincts que la superstition recouvre. […] En politique, il est presbytérien ; en religion, athée ; mais il trouve bon en ce moment d’avoir pour concubine une papiste. […] De la religion d’abord. […] He is a presbyterian in politicks, and an atheist in religion, but he chooses at present to whore with a papist.

209. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bayle, et Jurieu. » pp. 349-361

Il ne dit pas que telle religion est fausse ; mais il ne dit pas non plus qu’elle soit vraie. […] Le cardinal de Polignac, étant en Hollande, eut un entretien avec lui sur la religion. […] Je suis protestant , répliqua Bayle, parce que je proteste contre toutes les religions. […] Il crut les confondre en désavouant l’Avis aux réfugiés, en donnant l’apologie de sa conduite, de ses mœurs, de sa religion, en publiant ses Entretiens de Maxime & de Thémiste ; mais on le condamna sur cette apologie même.

210. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Si comme tant d’autres je ne voyais dans la religion qu’une machine, une digue, un utile préjugé, je prendrais ce demi-ton insaisissable qui n’est au fond qu’indifférence et légèreté. […] Le moyen, c’est de le civiliser, de l’élever au point de l’échelle humaine auquel correspond cette religion. […] Et pourtant Platon représente un esprit ; Platon est une religion. […] Je n’ai pas et je ne crois pas que la science puisse donner un ensemble de propositions délimitées et arrêtées, constituant une religion naturelle. […] Certes, si la religion des modernes était, comme celle des anciens, la moelle épinière de la nation elle-même, c’eût été là une grosse absurdité.

211. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 296-302

Ceux qui n’ont jamais connu le véritable esprit de la Religion, peuvent les lire : ils y reconnoîtront ses vrais sentimens & son langage. Ceux qui s’obstinent à reprocher à l’Eglise un caractere odieux de dureté, d’intolérance, n’ont qu’à parcourir les instructions qu’il donnoit à ses Diocésains pendant les troubles des Cévenes ; ils verront comment un esprit vraiment pastoral sait allier la fermeté de la foi avec la charité qu’elle ordonne ; ils admireront des exhortations propres à affermir le courage des Ministres de la Religion, & à soutenir leur patience dans les persécutions ; ils seront pénétrés de respect & d’attendrissement pour cette douceur de morale, cette générosité de sentiment, cette indulgence qui plaint l’erreur en la combattant, cette magnanimité qui se refuse même la plus légere satisfaction, lorsque les persécuteurs les plus atroces sont devenus malheureux. C’est dans ces Ouvrages enfin que la Philosophie apprendra l’usage qu’on doit faire des lumieres & du sentiment, & que l’humanité n’a pas de consolation plus solide que la Religion, comme la Politique n’a pas de meilleur appui.

212. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VII. Des Saints. »

Sous le polythéisme, des sophistes ont paru quelquefois plus moraux que la religion de leur patrie : mais, parmi nous, jamais un philosophe, si sage qu’il ait été, n’a pu s’élever au-dessus de la morale chrétienne. […] N’entendra-t-on jamais que des blasphèmes contre une religion qui, déifiant l’indigence, l’infortune, la simplicité et la vertu, a fait tomber à leurs pieds la richesse, le bonheur, la grandeur et le vice ? […] Elle tient son enfant dans les bras, et calme les flots par un sourire : charmante religion, qui oppose à ce que la nature a de plus terrible, ce que le ciel a de plus doux !

213. (1888) Demain : questions d’esthétique pp. 5-30

Et que le mode d’improvisation, d’art spontané, d’idées unies, claires et clairement offertes, ait dû être la norme de l’époque primitive, je ne le nie point : mais qu’on m’accorde, à cette heure tardive, toutes les lâches aisées étant faites, les fleurs des religions et des légendes étant cueillies, le clair des passions étant déduit, que pour des’entreprises moins simples et moins courtes des procédés plus lents et plus sûrs s’imposent et que licence peut être prise par l’artiste d’exiger du lecteur bénévole une sérieuse, une patiente attention. […] Au commencement du siècle, le Romantisme, qui fut un peu factice et postiche, vécut d’une « religion littéraire » dont nos plus modernes catholiques duChat Noir nous donnaient la parodie. Mais cette contre-facon elle-même de la foi est usée et si les Naturalistes ont pu se passer de toute religion comme ils se sont privés de toute beauté, que vont faire ceux qui viennent ? […] S’ils cherchent par-delà tout Évangile précis à cette heure où tous lès Évangiles tombent en ruines  une religion qui satisfasse à la fois leur cœur et leur raison dans le fonds commun de toutes les religions et de toutes les métaphysiques, dans le frisson de mystère dont certaines questions ont toujours fait frémir toute l’humanité, dans les hiéroglyphes de l’ancienne Egypte, dans les grimoires de Paracelse et dans les méditations de Spinoza  ne les condamnez pas si vite : êtes-vous bien sûr qu’ils aient tort ?

214. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre III : Le présent et l’avenir du spiritualisme »

Bien souvent, dans l’Église protestante, on a essayé de constituer une autorité ; les synodes ont voulu jouer le rôle des conciles ; les confessions de foi ont essayé de se donner pour des credo ; mais la radicale contradiction qui éclatait dans ces tentatives d’organisation doctrinale devait les faire échouer infailliblement ; et malgré les résistances des dogmatiques, malgré les anathèmes de Bossuet, le protestantisme continua de donner l’exemple, si nouveau en Europe, d’une religion mobile et incessamment transformée. […] Plus préoccupés des conclusions que de la liberté philosophique, ils attachent peu d’importance à la différence de méthode, et, reconnaissant dans la théologie, sous des formes plus ou moins symboliques, les vérités dont se compose leur credo philosophique, ils sont disposés à une alliance avec les religions positives contre ce qu’ils appellent les mauvaises doctrines. Les spiritualistes que j’appellerai libéraux sont loin d’être animés de mauvais sentiments à l’égard des religions positives : ils respectent et ils aiment la conviction partout où ils la trouvent, et ils sont loin de renier ce qu’il y a de commun dans leurs croyances personnelles et dans les croyances chrétiennes. […] Enfin, nés et élevés dans le christianisme, ils conservent et conserveront toujours pour cette grande religion des sentiments filiaux ; mais ils ont aussi pour la philosophie des sentiments filiaux, et ils ne sont pas disposés autant que leurs amis à mettre au service d’une puissance rivale leur liberté intellectuelle. […] La philosophie n’a autre chose à faire qu’à combattre ces mauvaises doctrines, à les refouler, et c’est surtout pour cette entreprise, si nécessaire à l’ordre social, qu’il faut s’unir à la religion, plus puissante encore et plus efficace que la philosophie dans cette lutte sociale du bien contre le mal.

215. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre premier. Astronomie et Mathématiques. »

On verra qu’en défendant la religion, nous n’attaquons point la sagesse : nous sommes loin de confondre la morgue sophistique avec les saines connaissances de l’esprit et du cœur. […] Les anciens législateurs, d’accord sur ce point comme sur beaucoup d’autres, avec les principes de la religion chrétienne, s’opposaient aux philosophes145, et comblaient d’honneurs les artistes146. […] Platon, ce génie si amoureux des hautes sciences, dit formellement, dans un de ses plus beaux ouvrages, que les hautes études ne sont pas utiles à tous, mais seulement à un petit nombre ; et il ajoute cette réflexion, confirmée par l’expérience, « qu’une ignorance absolue n’est ni le mal le plus grand, ni le plus à craindre, et qu’un amas de connaissances mal digérées est bien pis encore149. » Ainsi, si la religion avait besoin d’être justifiée à ce sujet, nous ne manquerions pas d’autorités chez les anciens, ni même chez les modernes. […] « Notre connaissance, dit-il, étant resserrée dans des bornes si étroites, comme je l’ai montré, pour mieux voir l’état présent de notre esprit, il ne sera peut-être pas inutile… de prendre connaissance de notre ignorance, qui… peut servir beaucoup à terminer les disputes… si, après avoir découvert jusqu’où nous avons des idées claires… nous ne nous engageons pas dans cet abîme de ténèbres (où nos yeux nous sont entièrement inutiles, et où nos facultés ne sauraient nous faire apercevoir quoi que ce soit), entêtés de cette folle pensée que rien n’est au-dessus de notre compréhension 153. » Enfin, on sait que Newton, dégoûté de l’étude des mathématiques, fut plusieurs années sans vouloir en entendre parler ; et de nos jours même, Gibbon, qui fut si longtemps l’apôtre des idées nouvelles, a écrit : « Les sciences exactes nous ont accoutumés à dédaigner l’évidence morale, si féconde en belles sensations, et qui est faite pour déterminer les opinions et les actions de notre vie. » En effet, plusieurs personnes ont pensé que la science entre les mains de l’homme dessèche le cœur, désenchante la nature, mène les esprits faibles à l’athéisme, et de l’athéisme au crime ; que les beaux-arts, au contraire, rendent nos jours merveilleux, attendrissent nos âmes, nous font pleins de foi envers la Divinité, et conduisent par la religion à la pratique des vertus. […] Entêtés de leurs calculs, les géomètres-manœuvres ont un mépris ridicule pour les arts d’imagination : ils sourient de pitié quand on leur parle de littérature, de morale, de religion ; ils connaissent, disent-ils, la nature.

216. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

La religion objective et ses conséquences. […] La religion de Jésus n’est pas limitée. […] Bilan de ses idées sur la religion et sur la morale. […] Dumas et la religion. […] « (Ma religion.)

217. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Mais ils sont indifférents à la cité, à la religion, nul intérêt général ne les affecte. […] Les religions de l’Inde sanctifient l’horreur de l’action, la contemplation morose du grand « Tout », c’est-à-dire du rien. […] Plus particulièrement, Delphine revendique, contre les tyrannies d’une religion organisée et organisatrice, la religion spontanée du cœur. […] Mais la morale, la religion, la philosophie sont des disciplines. […] Ils disent Religion, Humanité, Infini, et ils ne parlent que de leur propre cœur.

218. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Chrétien sincère et passionné, il conçut une apologie, une défense de la religion par une méthode et par des raisons que nul n’avait encore trouvées, et qui devait porter la défaite au cœur même de l’incrédule. […] Mort à trente-neuf ans (1662), il ne put en ordonner l’ensemble, et ses Pensées sur la religion ne parurent que sept ou huit ans après (1670), par les soins de sa famille et de ses amis. […] Le premier il a introduit dans la défense de la religion cette ardeur, cette angoisse et cette haute mélancolie que d’autres ont portée plus tard dans le scepticisme. […] Pascal, il faudrait y rectifier en beaucoup d’endroits les idées imparfaites qu’il y donne de la philosophie du paganisme ; la véritable religion n’a pas besoin de supposer, dans ses adversaires ou dans ses émules, des défauts qui n’y sont pas. […] La manière émue dont ce grand esprit souffrant et en prière nous parle de ce qu’il y a de plus particulier dans la religion, de Jésus-Christ en personne, est faite pour gagner tous les cœurs, pour leur inspirer je ne sais quoi de profond et leur imprimer à jamais un respect attendri.

219. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XVI. Le Paradis. »

Quand nous aurons, sur un sujet chrétien, un ouvrage aussi parfait dans son genre que les ouvrages d’Homère, nous pourrons nous décider en faveur du merveilleux de la fable, ou du merveilleux de notre religion ; jusque alors il sera permis de douter de la vérité de ce précepte de Boileau : De la foi d’un chrétien les mystères terribles, D’ornements égayés ne sont point susceptibles. […] Tout est machine et ressort, tout est extérieur, tout est fait pour les yeux dans les tableaux du paganisme ; tout est sentiment et pensée, tout est intérieur, tout est créé pour l’âme dans les peintures de la religion chrétienne. […] Nous osons le prédire : un temps viendra que l’on sera étonné d’avoir pu méconnaître les beautés qui existent dans les seuls noms, dans les seules expressions du christianisme ; l’on aura de la peine à comprendre comment on a pu se moquer de cette religion de la raison et du malheur.

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