Homme de lettres accompli et qui n’a été que cela, poëte à la fois populaire et modéré, d’une pureté inaltérable, habile et fidèle dispensateur d’un beau talent, bon ménager d’un grand renom, il eût offert en tout temps une existence littéraire bien distinguée et bien rare ; elle le devient encore plus, à la considérer aujourd’hui. […] Une de ces bonnes, de ces excellentes, de ces enviables ou regrettables manières consiste (et la nature de notre versification semble y convier les rares élus) à revêtir sa pensée d’harmonie continuelle et d’élégance, à oser par moments, et par moments à se dérober, à préparer l’énergie, à voiler l’audace, à semer de grâces insensibles, de tours ingénieux, de figures heureuses et appropriées un tissu net, flexible et brillant.
C’est dans ces pièces philosophiques et dans la sentimentale féerie d’Arlequin poli par l’amour (1720) que l’on sent combien Marivaux à sa façon est vraiment poète : il y a en lui une poésie d’une espèce rare, une poésie fantaisiste, ingénieuse, alambiquée, brillante, qui rappelle avec moins de puissance et plus de délicatesse la Tempête ou Comme il vous plaira de Shakespeare. […] Mais, en même temps, dans cette société le sentiment est rare ; il n’en devient que plus précieux, et transfère sa valeur à l’idée du sentiment, qui est son substitut ordinaire.
En revanche, il a une puissance illimitée de sensation, une acuité rare des sens, et particulièrement du sens de la vue. […] Les simples tableaux, les paysages à la plume d’après nature, sont beaux, mais assez rares dans son œuvre.
Et le livre présente encore un autre intérêt, et des plus rares. […] Pourtant la souffrance d’un artiste inégal à son rêve, la souffrance d’une femme intelligente et tendre qui sent que son compagnon lui devient étranger, que quelque chose le lui prend, ce divorce lent de deux êtres qui s’aimaient et qui n’ont rien, du reste, à se reprocher l’un à l’autre…, ce sont là des douleurs d’une espèce rare et délicate, des nuances de sentiments dont la notation eût été des plus intéressantes.
Une des rares phrases mal faites qu’on rencontre dans ses livres vante chez je ne sais plus quel écrivain « une verve amère dont le contour un peu sec de sa phrase permet de savourer toute la cruauté ». […] Goron, de Saint-Georges de Bouhélier ou même de mon ami Jean-Bernard : « À part l’escarbot merdivore, à part les saints déjà nommés, nul être humain ne barbota dans la crotte avec de pareilles délices. » Certes quand je cite de telles phrases chez Saint-Georges de Bouhélier c’est pour faire connaître par des exemples la manière ordinaire de mon auteur ; ici, je ris d’un accident plutôt rare, mais qui ne serait jamais arrivé au Tailhade ancien.
Mais, assurément, si un tel sentiment avait quelque part sa place légitime, et si l’orateur a eu droit d’en user, ce dut être dans l’éloge du général Drouot, ce lieutenant fidèle, homme rare et simple, tout patriotique, qui représentait la probité dans les camps, que Napoléon appelait le sage de la Grande Armée, et qui, au sortir des grandes batailles dont il avait dirigé les formidables batteries, ne demandait au ciel d’autre faveur que de venir mourir sur la paroisse où il avait été baptisé. […] On le voyait profiter ardemment de ces rares occasions.
Frédéric, malgré le tort qu’il s’est fait par certaines de ses rhapsodies et de ses paroles, par le cynisme affiché de ses impiétés et de ses goguenarderies, et par cette manie de versifier qui fait toujours sourire, est un vrai grand homme, un de ces rares génies qui sont nés pour être manifestement les chefs et les conducteurs des peuples. […] Ce ton est mâle, simple, et la narration s’y nourrit de réflexions rares, mais fortes, qui révèlent l’enchaînement des causes.
Il y a, au début, comme un souffle de fraîcheur et de poésie dans le paysage, ce qui est rare même chez Florian : Le terrier du lapin était sur la lisière D’un parc bordé d’une rivière. […] On noterait encore ailleurs quelques-uns de ces traits, beaucoup trop rares chez Florian.
De tels écrivains en tout temps sont rares, et au xvie siècle je n’en vois que deux qu’on puisse raisonnablement saluer à ce titre éclatant, Rabelais et Montaigne. […] À côté de ces figures rudes et mâles, une femme nous apparaîtrait, la reine Marguerite, sœur des Valois, qui nous laisse entrevoir dans ce qu’elle écrit un personnage élégant, fin, délicat, exquis, perfide, un type qui n’était point rare dans cette famille et dans ce cortège de Catherine de Médicis.
Son goût n’est ni très rare ni très curieux, ni même exquis ; mais, dans son ordre d’idées, ce goût est pur, sain et judicieux ; il est prompt et n’hésite pas. […] Dès ce temps-là, il n’était pas très rare de trouver de libres et hardis causeurs qui, parlant de La Harpe à propos de son Éloge de Racine, disaient : « L’Éloge de M. de La Harpe manque d’idées et de vues… Un coup d’œil neuf et profond porté sur la tragédie et sur l’art dramatique, voilà part où il fallait honorer la cendre du grand Racine14. » De telles vues, de telles questions, qui allaient jusqu’à Sophocle et à Shakespeare, pouvaient être particulières alors à quelques esprits ; elles eussent excédé la portée d’un auditoire à cette date et encore durant les trente ou trente-cinq années suivantes.
Les grandes influences longtemps régnantes de Lamartine et de Victor Hugo ont fait place insensiblement à celle d’Alfred de Musset, et il est rare de ne pas trouver quelques tons de celui-ci, et non toujours les meilleurs, dans les essais de ceux qui débutent : M. […] Il a publié, il y a vingt ans, le joli recueil de Marie, qui offrait quelques élégies douces, discrètes, et d’une qualité rare.
Dans cette première disgrâce, elle déploie des qualités plus rares et plus difficiles qu’elle n’en eût certes prouvé dans un constant bonheur. […] Il n’est plus question de me reposer après le dîner, ni de manger quand j’ai faim : je suis trop heureuse de pouvoir faire un mauvais repas en courant ; et encore est-il bien rare qu’on ne m’appelle pas dans le moment que je me mets à table.