À plus forte raison, sans doute, devons-nous, dans la mesure de nos forces, provoquer la publicité d’un ouvrage qui semble avoir épuisé et centralisé tous les documents sur les choses et les hommes du xviiie siècle, et qui, de fait comme de visée, atteint enfin cette époque au milieu du cœur, en traversant le cœur de Voltaire. […] Des cris ne sont pas des raisons.
Seulement, il n’en resta pas moins deux vestiges de l’ancienne discipline, dit avec raison M. de Meaux : « L’Église revendiquait le condamné pour le soustraire à la mort s’il se rétractait, sinon elle le livrait au juge séculier, le ministère ecclésiastique étant incompatible avec l’effusion du sang. » L’immense Mère des âmes ne se démentait pas ! […] Et il avait raison.
Il est vrai qu’il avait depuis vingt-cinq ans écrit sérieusement et involontairement des choses assez comiques ; mais était-ce là une raison suffisante pour être capable de tirer de sa tête une comédie, cette fois-ci volontaire et impersonnelle ?… Était-ce une raison pour essayer, de cette main de vieux journaliste désarmé de son journal, l’œuvre difficile qui tenta Balzac dans le plein de sa maturité, et que Voltaire, qui l’a toujours ratée, appelait une œuvre du démon, quoiqu’il fût pourtant assez bien avec le diable pour y réussir ?
D’autres lettres — en grand nombre probablement — sont restées et resteront inédites, pour des raisons et des scrupules que nous n’avons pas à juger. […] — « Je crois — écrit-il en se ravisant — que j’ai une Charte en moi. » Un autre jour, à propos des Gallicans qu’il n’aimait pas mieux que la Charte, il écrivait : « Ils en viendront à défendre la messe, par la raison qu’on la dit à Rome. » Et à propos des grands seigneurs de la Restauration : « Ils ne voient plus dans le pommeau de l’épée de leurs ancêtres qu’une boule à scrutin. » Dans une autre lettre : « Le mariage seul — dit-il — unit irrévocablement.
II Et j’ai raison avec ma glace, car Walpole en est une, — exquise, je le veux bien, mais c’est une glace. […] « Le duc de Nivernois qui n’avait pas — (dit-il ailleurs) — plus de vitalité qu’un enfant gâté malade… » S’il trouvait les femmes plus sensées, c’est qu’il les jugeait — et peut-être un peu trop — à travers Madame Du Deffand, qui avait certainement plus de raison et de piquant en son petit doigt de vieille fée que tous les encyclopédistes dans leurs abominables caboches !
Avant ce voyage d’Italie, Schopenhauer, le quart d’Allemand, avait passé sa thèse de docteur, à Berlin, sur cet adorable sujet pour les besaciers qui ont l’impertinence de se moquer de la Scholastique : De la quadruple racine de la raison suffisante. […] La sienne, qui n’est pas la leur, produit l’effet le plus inattendu à ceux qui savent que cette variété d’athée était, de sentiment et de doctrine, le pessimiste le plus absolu qui ait jamais existé et qui avait inventé cette raison pour que l’homme ne fût pas supérieur au singe : c’est qu’il n’aurait pu résister à l’horreur de la vie… La morale de Schopenhauer, — bien trop philosophe pour ne pas accrocher à la caisse de son système les deux roues d’une esthétique et d’une morale qui devaient le faire mieux rouler, — l’incroyable morale de cet homme qui ne croit pas au devoir : « bon pour des enfants et les peuples dans leur enfance », est, le croira-t-on ?
Eh bien, qu’un tel fait ne soit pas perdu et me soit une raison pour reprendre en sous-œuvre la parole sans alliage du prédicateur, la parole froidie, corrigée, écrite, hors les lèvres qui l’animèrent, hors le corps qui parle au corps, dit Buffon, en parlant de l’éloquence, et pour rechercher ce que cette parole réduite à elle seule, avec la force muette de son verbe, contient d’essentiel, de grand et de vrai. […] Des esprits plus sévères que justes ont, je ne l’ignore pas, reproché au révérend père Lacordaire ce qui m’a toujours semblé la meilleure raison de son influence sur les esprits, je veux dire cette hardiesse de langage qui soit quand il s’agit d’idées philosophiques, soit quand il s’agit des passions, n’hésite jamais ni sur le mot, ni sur la pensée, et parle volontiers des choses du monde, et de manière à ce que ce monde, dans l’insolence de son dédain, ne renvoie pas le dominicain à son couvent comme un pauvre religieux fort estimable sans doute, mais qui ne sait rien de la vie !
Et il a raison contre lui-même. […] On n’en eût dit mot, car personne n’en a parlé ; et le livre coulerait en silence dans l’oubli… Mais il est signé du nom de Quinet, de ce nom qui, trente ans, a résonné comme le style creux de l’homme qui le porte, et pour la même raison… L’occasion était donc bonne d’en parler pour en finir avec ce nom d’une célébrité imméritée, pour crever enfin cette grosse caisse… La Création est un pauvre livre.
Goethe, qui n’a pas beaucoup de grands mots à sa charge, en a un superbe, quand il dit qu’on ne sait pas plus comment les poètes s’y prennent pour faire de beaux vers qu’on ne sait comment les femmes s’y prennent pour faire de beaux enfants… Et il a raison, pour cette fois ! […] Je n’ignore pas que ce que j’écris là est contraire à la donnée commune de la Critique, mais ce n’est point une raison pour moi de ne pas risquer mon opinion.
Nous sommes placés entre une injustice et une réaction contre cette injustice, équilibre difficile à garder, et il l’est pour des raisons qui ne sont pas la difficulté de tout équilibre. […] La Critique, qui pèse la gloire au poids du chef-d’œuvre, ne voit que le chef-d’œuvre, et à ses inflexibles yeux les plus grandes puissances intellectuelles qui, pour une raison ou pour une autre, ont manqué le chef-d’œuvre, ne comptent pas !
Elle aussi, la femme aveuglément athée, renverse tout dans sa douleur d’être sans Dieu, et elle périt comme raison, cette philosophe, sur son athéisme écrasé. […] Y aurait-il une raison à cela, sinistre pour elle, religieuse et consolante pour nous ?
Assurément, puisqu’il a vécu, il a eu, comme tout homme, ses raisons de pleurer, et même je lui en connais une qui a laissé une trace bien touchante dans les dernières pages de son volume (Date lilia !) […] Mais je crois bien que s’il est un poète qui puisse devenir populaire, c’est Saint-Maur, malgré la hauteur de la sienne, et par la raison que sa poésie, avec son accent profondément humain et sensible, est au niveau de tous les cœurs.