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210. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

C’est une attitude insoutenable, un rôle que nul acteur social ne devrait accepter, celui de mari effacé d’une femme dont les journaux habituellement impriment le nom. […] Dans l’immense flux d’intérêts en conflit et de puissances rivales que représente une société, quel est le rôle, quelle est la mission de la femme ? […] Je le veux bien, mais plutôt encore : besoin de plaire, première esquisse du geste qui sera celui de toute la vie ; hommage rendu par l’instinct à sa destination future, au rôle, au rôle unique que lui assigna la nature. […] elle pleure et se regarde pleurer : c’est l’actrice qui va jouer son rôle et prépare ses effets. […] C’est bien le rôle qu’elle répète dans la coulisse avant de revêtir le costume et de passer à l’avant-scène.

211. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Politiquement, le rôle de M. de Chateaubriand n’est pas moins, à peu près unanimement, apprécié aujourd’hui. […] Il y a surtout, avant cette gloire publique, avant ce rôle d’apologiste religieux, de publiciste bourbonnien, de poète qui a chanté sa tristesse et qui s’est revêtu devant tous de sa rêverie, il y a, avant cela, trente longues années d’études, de travaux, de secrètes douleurs, de voyages et de misères ; trente années essentielles et formatrices, dont les trente  suivantes ne sont que le développement ostensible et la conséquence, j’oserai dire facile. […] L’idée de M. de Chateaubriand, écrivant ses Mémoires, a été de se peindre sans descendre jusqu’à la confession, mais en se dépouillant d’une sorte de convenu inévitable qu’imposent les grands rôles joués sur la scène du monde ; c’est une des raisons qui le portent à n’en vouloir la publication qu’après lui. […] Noble vie, magnanime destinée, à coup sûr, que celle qui se trouve tout naturellement et comme forcément amenée à produire l’épopée de son siècle en se racontant elle-même, tant elle a été mêlée à tout, à la nature, aux catastrophes, aux hommes, tant son rôle extérieur a été grand, bien qu’elle ait gardé plus d’un mystère ! […] quand je m’échappe quelquefois à parler du factice inévitable des rôles humains ; quand j’ai l’air de me plaire à la pure réalité, ce n’est pas que je me dissimule les misères et les petitesses de celle-ci, ce n’est pas que je méconnaisse le mérite et la force des entreprises.

212. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

L’opposition de quinze ans y joue un pauvre rôle. […] Il ne voulait de la vie que les grands rôles. Il avait compris de bonne heure dans l’histoire que les infortunes, la pauvreté, l’exil, la fidélité réelle ou apparente aux causes perdues, forment devant la postérité un contraste pathétique avec le génie qui donne le plus sublime de ces rôles à la vie du grand citoyen, ou du grand poète, ou du grand politique. […] Là commence son rôle politique ; il se montra homme de tact du premier coup de plume ; il vit juste, il vit loin, il vit en grand toute chose. […] Nommé ambassadeur à Londres par M. de Villèle, qui voulait se débarrasser d’un concurrent dangereux à Paris, il alla à Londres, mais il ne tarda pas à y affecter un superbe ennui, et à demander un rôle plus actif au congrès de Vérone ; il y fut nommé.

213. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

Du rôle politique de Saint-Simon. — § VII. […] Avec plus de bruit et plus d’attente, le fameux cardinal de Retz, dans sa retraite de Commercy, égarait quelques belles pages, trop visiblement imitées de Salluste, dans cet écheveau embrouillé qu’il appelle ses Mémoires, image du rôle qu’il joua dans la Fronde. […] Saint-Simon veut avoir vu tout ce qu’il raconte ou le tenir de la bouche des premiers rôles, et il parle en confident là où il ne parle pas en acteur. […] Elles sont alors à l’image, non de la vieille épouse clandestine de Louis XIV, toute composée, tout en son rôle, tout occupée à accroître et à cacher sa puissance, mais de la veuve de Scarron, alors qu’elle avait besoin de son amabilité pour attirer la fortune, et que Mme de Sévigné parlait de « son esprit aimable et merveilleusement droit186. » Elles ont je ne sais quoi de plus sensé, de plus simple, de plus efficace. […] Du rôle politique de Saint-Simon.

214. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

La question est de la plus grande importance ; car de la solution qu’on en donne dépend l’idée qu’on se fait du rôle qui revient à la science, surtout à la science de l’homme. […] On raisonne sur cette question comme si, dans un organisme sain, chaque détail, pour ainsi dire, avait un rôle utile à jouer ; comme si chaque état interne répondait exactement à quelque condition externe et, par suite, contribuait à assurer, pour sa part, l’équilibre vital et à diminuer les chances de mort. […] Outre cette utilité indirecte, il arrive que le crime joue lui-même un rôle utile dans cette évolution. […] Si, en effet, le crime est une maladie, la peine en est le remède et ne peut être conçue autrement ; aussi toutes les discussions qu’elle soulève portent-elles sur le point de savoir ce qu’elle doit être pour remplir son rôle de remède. […] Le devoir de l’homme d’État n’est plus de pousser violemment les sociétés vers un idéal qui lui paraît séduisant, mais son rôle est celui du médecin : il prévient l’éclosion des maladies par une bonne hygiène et, quand elles sont déclarées, il cherche à les guérir47.

215. (1913) La Fontaine « II. Son caractère. »

Le rôle du vieillard amoureux, dans Pulchérie, est étonnant, il est absolument merveilleux. […] Donnay a inséré dans le rôle de Corneille vieux des vers précisément du Martian de Pulchérie, d’une façon d’autant plus légitime du reste qu’il est parfaitement certain que Corneille s’était peint lui-même dans le vieillard Martian. […] On m’a dit, il n’y a pas bien longtemps : « La Fontaine n’aime pas les ânes, il leur donne souvent, presque toujours, un rôle ridicule. » Il est vrai, et c’est une erreur, une erreur de La Fontaine sur le caractère de l’âne. […] Remarquez que, lorsque d’après un texte qu’il a sous les yeux et dont il veut faire une fable, La Fontaine est forcé, par son texte même, de donner un mauvais rôle à l’âne, il s’en étonne, il s’en étonne le premier. […] Je vous ferai remarquer que toute cette fable les Animaux malades de la peste, c’est, non pas la glorification de l’âne, car le pauvre animal y joue encore un rôle un peu sot ; il est trop candide, il est trop innocent ; l’innocence consiste souvent à se trouver coupable, et c’est précisément le cas de notre pauvre animal ; mais c’est la vérité que la sympathie du lecteur se porte tout entière sur ce pauvre animal opprimé.

216. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

Séché, Talma n’aimait pas le rôle de Saül. […] Il ne suffit pas à l’acteur de comprendre son rôle, il lui faut encore le sentir. […] Un autre, qui tenait le rôle de Cassio, exagère un mal de gorge, afin de se faire remplacer par un camarade. […] L’infortuné Glatigny y débutait dans le rôle du Premier Sénateur. […] Le poète ne rêvait sans doute qu’au rôle promis, et l’actrice brûlait de le jouer.

217. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Il faut que les acteurs de la comédie sentent eux-mêmes le néant de leur rôle. […] Pénétrés de la conscience de leur propre mérite, ils n’ont garde de se confiner tout entiers dans l’étroitesse de leur rôle de gueux, de fripons ou de débauchés. […] Mais, dans la comédie, où l’accidentel et l’arbitraire jouent naturellement un rôle essentiel217, on ne saurait en faire une règle absolue. […] Il pouvait, en donnant à son drôle une imagination riche et une intelligence supérieure, l’affranchir de ses passions basses par le baptême de l’esprit, et élever sa personne à une hauteur infinie au-dessus du rôle injuste et faux joué par sa scélératesse. […] Voltaire dit : Je pleure, et Shakespeare pleure ; mais le rôle de l’art est précisément de dire et de paraître, et non pas d’être en réalité.

218. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

Il faut jouer le même rôle vis-à-vis de son frère, sans quoi tout est perdu ; on veut s’en aller et mettre tout en confusion. […] En ce moment, Bernis en était venu lui-même à un état tout à fait maladif, à une exaltation nerveuse réelle, infiniment honorable dans son principe, mais qui devait le rendre médiocrement propre au rôle qu’au fond il n’ambitionne même plus : « Ne parlez plus de moi pour la première influence, écrit-il d’un ton sincère à Choiseul ; vous me faites tort ; j’ai l’air de vous pousser et de n’être qu’un ambitieux, lorsque je ne suis que citoyen et homme de bon sens. » Dès août 1758, il s’ouvre nettement à Choiseul pour lui offrir sa succession : Réfléchissez mûrement sur une idée que j’ai depuis longtemps : je crois que vous seriez plus propre que moi aux Affaires étrangères en les considérant sous le point de vue de l’alliance. […] On ne peut avoir de l’honneur et jouer le rôle que je joue tous les mardis vis-à-vis les ministres étrangers. […] Réservons-le donc pour ce second rôle mieux abrité et plus pacifique où, borné à l’exécution diplomatique et à la représentation, il retrouvera l’emploi et tout le développement de ses qualités heureuses et de sa courtoisie utile.

219. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

Il traversait ses divers rôles, il ne s’y tenait pas. […] Ce ne sont que des rôles que nous jouons dans la vie ; ne les prenons que comme des rôles. […] Ici, on va le voir, finit son beau rôle, et il est à regretter pour lui que son temps de mairie n’ait pas expiré en cet été de 1585, vers ce mois de juin : il sortait de l’exercice de sa charge avec tous les honneurs de la guerre.

220. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre V »

. — Et cela même lorsqu’il sort d’une bouche autorisée — Les rôles de médecins sont particulièrement délicats à traiter, car ils oscillent forcément entre la terminologie vague des mentalités moyennes, ou le répertoire magistral de l’enseignement technique. […] Ainsi croyons-nous qu’il arriva lors d’une représentation donnée à Bordeaux des Revenants, d’Ibsen : le rôle d’Oswald, qui ne comporte de la part de l’auteur aucun indice de diagnostic volontaire, nous paraît relever des troubles de la paralysie générale, pour l’issue, et plus simplement d’un d’éthylisme banal pour son entrée au deuxième acte.

221. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « L’exposition Bodinier »

Essayez de songer à Talma et à Rachel, de vous les figurer en dehors des rôles que nous savons qu’ils ont joués d’une certaine façon : vous y aurez beaucoup de peine, et nos petits-enfants en auront plus encore. […] La plaque même qui les réfléchit, ne les réfléchit pas tels qu’ils sont, mais se souvient de leurs rôles.

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