Là, tragique, écoutant ta chanson, ton délire, Bruits confus, J’opposais à ton luxe, à ton rêve, à ton rire, Un refus.
Nous avons besoin, pour ne pas sourire de pitié à la vue de ces conceptions grandioses, envolées en fumée et pour jamais évanouie, de nous souvenir de cette parole même du marquis de Posa : « Dites-lui, quand il sera homme, de garder du respect pour les rêves de sa jeunesse. » C’étaient en effet de purs rêves, c’étaient des jeux d’enfant sublime que ces scènes de Schiller ; ce sont des monstruosités de grandeur comme se les figure volontiers l’enfance dans ses contes d’ogres et de géants : et la première jeunesse, après l’enfance, est sujette à avoir aussi ses contes d’ogres et de géants au moral. […] Il n’y a plus rien des fictions de Saint-Réal, ni des rêves généreux et des crimes atroces mis en tragédie par Schiller et Alfieri.
Eynard établit très-bien, d’ailleurs, que Mlle de Wietinghoff, mariée à dix-huit ans au baron de Krüdner, qui avait juste vingt ans plus qu’elle, qui était veuf ou plutôt qui avait divorcé deux fois, s’efforça sérieusement de l’aimer et de trouver en lui le héros de roman qu’elle s’était de bonne heure créé dans ses rêves. […] Quand on pense avec tant de délicatesse, on a raison de choisir pour s’exprimer la langue de Sévigné et de La Fayette. » Voici quelques-unes de ces pensées, qui sont en effet délicates et fines ; l’esprit du monde s’y combine avec un souffle de rêve et de Poésie. […] Ces quelques pages du Mercure se terminaient par cette pensée, qui exprimait à ravir son rêve et sa prétention du moment : « La mélancolie des âmes tendres et vertueuses est la station entre deux mondes.
Le cardinal de Noailles, Bossuet, madame de Maintenon elle-même, sur la foi de ces rêves d’un insensé, ne doutèrent plus du crime du religieux et de madame Guyon. […] Les beaux rêves de Fénelon, en contraste avec les sombres réalités de la cour et avec les tristesses de son déclin, se levèrent comme autant d’accusations contre le monarque. […] La Providence allait renverser, dans la tombe prématurée du prince, les idées, les plans, les rêves, l’ambition, l’espoir et la vie du philosophe.
Flaubert n’a rien voulu exprimer de lui-même, ni sa conception ni son rêve de la vie. […] Zola ne nous a-t-il pas confié lui-même, dans une lettre rendue publique, que son roman du Rêve était une « expérience scientifique » conduite « à toute volée d’imagination »? […] C’est un rêve monstrueux de la vie qu’il nous offre : ce n’en est pas la réalité simplement transcrite.
Bref, le romanesque est surtout un rêve moral. […] Ce sont rêves de jeune fille très pure : je suis heureux et un peu fier de m’y être plu. […] Et cela est doux comme un rêve blanc de première communiante ; et ce roman pieux est un roman troublant ; Sibylle est une folle adorable qu’on voudrait rencontrer sur son chemin ; et comme on mentirait pour lui prendre son cœur !
Elles sont la contrepartie des fables ironiques et dédaigneuses où il résumait, pour qu’on en rit, tout ce qui cherche à détourner l’homme de l’Illusion supérieure de son Rêve. […] Une nouvelle génération, qui vient, rêve à son tour un art à sa convenance et à l’empreinte de son esprit. […] C’est donc vers la Vie qu’ils ramèneront la Muse, non plus pour qu’elle la rêve, mais pour qu’elle la vive.
Sandeau : un Héritage ; un de ces contes d’Allemagne tels que sait les écrire le poète de Marianna et de Mademoiselle de la Seiglière, tendres et plaintives histoires doucement filées, lentement dévidées, semées de mille nuances exquises et légères, et qu’on dirait destinées à ces blondes jeunes filles des pays du Rhin qui, tout en lisant, filent le rouet ou tricotent les bas de Marguerite et veulent se perdre doucement dans les rêves du coeur, sans laisser échapper une maille. […] Le héros du livre, séduit un moment par la fortune, revenait bien vite demander à la pauvreté ses inspirations et ses rêves ; il se pervertit dans la pièce ; il s’endurcit, il se déshonore ; et vous allez voir dans quels excès et dans quelles ignominies vraiment incroyables il va s’enfoncer. […] A la place de cette pochade de rapin français, nous aurions mieux aimé voir quelque loyale et rêveuse figure d’étudiant allemand, dans le goût de Schiller et de Novalis, les grands yeux bleus pleins de féeries et de rêves, les longs cheveux dorés du Germain s’épanchant sous la casquette romantique, un frais sourire sous une moustache blonde, de la candeur rehaussée d’humour et de vaillance, et, par moments, des bouffées d’enthousiasme, de poésie et de lyrisme s’exhalant, comme une fumée d’encens, de la longue pipe de porcelaine qui pend à ses lèvres.
Je tâche de faire trêve aux rêves de bras coupés et de têtes cassées qui me troublent sans relâche ; puis je soupe comme un jeune homme, puis je dors comme un enfant, et puis je m’éveille comme un homme, je veux dire de grand matin, et je recommence, tournant toujours dans ce cercle, et mettant constamment le pied à la même place, comme un âne qui tourne la meule d’un battoir. […] Est-ce l’homme systématique et impitoyable qu’on a voulu faire, qui écrit ces paroles attendries : « L’homme n’a que des rêves, il n’est lui-même qu’un rêve.
Sérieux est le printemps ; ses rêves Sont tristes. […] Heine analyse et énumère toutes les navrantes variétés de cette infortune, l’amour dédaigné, l’amour agréé, puis rejeté pour quelque vile passion de lucre, ces amours couronnées de cyprès que la mort a disjoints et que relient encore des rêves pleins de fantômes. […] Parfois on part pour la région des rêves, pour une contrée de convention que notre esprit, sollicité par la douceur des vers, fait resplendir de toute la magie des contes de fées.
Sans ses ennemis politiques, sans ces papes qu’il osait damner, ne croyant pas que ce fût assez de les insulter et de les maudire, Dante, ce Juvénal du Moyen Age, ce pamphlétaire plus grand que Tacite, auquel des critiques qui ressemblent un peu aux petits garçons de Florence ont voulu donner l’air inspiré d’un prophète revenant de l’autre monde, tandis qu’il est un homme du temps, se possédant fort bien, au contraire, et tenant d’une main très-froide son stylet de feu, Dante n’aurait jamais songé à enfoncer son profond regard, fait pour juger les hommes et leur commander, dans cette conception de l’enfer, dont la vision pour lui se mêle à d’autres rêves et qu’il a faussée au profit de ses haines et sous le coup de ses douleurs. […] Le monde a passé comme un rêve ! […] Cet esprit qui ne biaise jamais, ce poète de résolution, cet héroïque qui n’a peur de rien, — qui n’eut pas peur un jour, dans une nation rieuse, de mettre en vers flamboyants, sonores et magnifiques de mouvement, de nombre et d’harmonie, les tableaux grotesques du petit père André, sachant et très-sûr qu’où le poète met sa griffe la marque reste et reste seule sur le ridicule effacé, lui, le poète des Crâneries, qui en fera une tant qu’il aura le crâne au-dessus des épaules, me laisse indécis sur cette poésie dont il nous donne aujourd’hui un échantillon si étrange, sur la poésie qu’après celles des Colifichets il rêve peut-être, et dans laquelle il est bien capable de se jeter à corps perdu demain !
Elle est, comme en du verre, enclose en du silence, Toute vouée à son spectacle intérieur, A sa sorte de vie intime et sous marine, Où des rêves ont lui dans l’eau toute argentine. […] Le solitaire découvreur des terres vierges du songe ne permet pas aux grossiers produits d’humanité d’embarrasser la route qu’il suit, perdu qu’il est dans son rêve d’épuration toujours plus artistique et plus parfaite. […] Tout simplement, parce que l’exercice de l’énergie virile a transformé le rêve illusoire en réalité vivante.