Janin, en le lui donnant, a commencé par y prendre le sien propre ; il s’amuse évidemment de ce qu’il écrit : c’est le moyen le plus sûr de réussir, de rester toujours en veine et en haleine. […] Martial a très bien jugé ses propres épigrammes ; pourtant, s’il avait fallu faire un choix, un triage dans un si grand nombre de pièces, est-ce Martial qui en eût été le plus capable ? […] Elles garderont, était-il dit, un juste tempérament, qui ne fasse pas rire les fous et qui ne contriste pas les sages, qui ne les fasse pas remarquer par la légèreté de la mode, ni par le ridicule d’un usage passé… Elles seront bien propres sans curiosité, nettes sans délicatesse, et bien mises sans afféterie. […] Ce qui ne faisait pas une moindre différence, et qui ne laisse pas de surprendre au premier coup d’œil, c’est cette espèce de commerce dévot, sans rien de sensuel, on veut le croire, mais trop propre à faire jaser et sourire, entre l’abbé de Ciron, ancien prétendant, et Mme de Mondonville, jeune encore. […] Il existe une Histoire, en deux volumes, de la congrégation de l’Enfance, écrite par un avocat d’Avignon, Reboulet : ces volumes, qui ne manquent pas d’intérêt, ni même de quelque agrément de narration, sont malheureusement très peu sûrs, et on y a relevé tant d’inexactitudes et d’impossibilités, l’auteur dans sa Réponse s’est défendu si faiblement et s’est laissé voir, de son propre aveu, si léger, si peu scrupuleux en matière de critique historique, qu’on ne saurait guère les considérer que comme un roman, mais un roman théologique et dressé au profit des ennemis de l’Enfance.
Sans doute, lorsqu’il s’agit de la théorie abstraite de l’induction ou de la déduction, la philosophie est sur son propre terrain, et elle seule peut accomplir cette œuvre difficile ; mais, lorsque, passant du sujet à l’objet, elle cherche à quelles règles ces procédés doivent obéir pour discerner la vérité dans telle ou telle science, quels sont en mathématiques les principes de la méthode analytique, en physique ceux de la méthode expérimentale, la philosophie ne peut plus alors se passer du concours des sciences ; et, sur ce terrain pratique, les savants seront nécessairement les meilleurs logiciens. […] Duhamel sur la Méthode dans les sciences de raisonnement, œuvre d’un esprit serré et philosophique auquel je ne reprocherai qu’une chose : c’est de trop dédaigner les philosophes, car il pourrait retrouver parmi eux beaucoup de ses propres idées. […] Pourquoi cette distinction de la théorie et de la pratique, que les savants font tous les jours pour leur propre compte ? […] Claude Bernard a montré que c’est un préjugé de croire que le crapaud ne s’empoisonne pas de son propre venin : la vérité est qu’il lui faut une plus forte dose ; ceux qui avaient fait l’expérience avaient négligé de la pousser assez loin. […] Claude Bernard, c’est le doute, et il loue ici avec raison le doute méthodique de Descartes ; n’oublions pas cependant, pour être justes, que Descartes doutait volontiers des opinions des autres, mais assez peu des siennes propres.
Zola reconstruit la nature et l’ajuste aux exigences de ses propres hallucinations ; mais, dans ce roman de cinq ou six cents pages, on n’en signalerait pas une qui nous apprenne rien sur la campagne ou sur le paysan. […] Dans La Vie de mon père, l’auteur de Monsieur Nicolas et du Paysan perverti nous a tracé le portrait de sa propre famille : c’est la décence et la gravité mêmes, avec une nuance marquée d’orgueil héréditaire, et un besoin très vif d’estime et de considération. […] Les mêmes mannequins peuvent toujours servir, et de « bourgeois » qu’ils étaient dans Pot-Bouille, ou de « mineurs » dans Germinal, les transformer en « paysans » dans La Terre, ce n’est qu’une redingote à changer en une blouse, un nom propre en un autre ; — et aussi le titre du roman. […] Le tonnerre de Dieu d’un charretier, — si l’on me permet de donner un exemple, — est à peu près l’équivalent du sacrebleu d’un petit bourgeois ; et devers Belleville ou Montmartre, on dit d’un ami qu’il est f… avec le même sentiment de commisération que l’on dit en un autre endroit « qu’il n’en échappera pas. » Et c’est bien plus qu’une distinction de rhétorique, c’est une nuance de psychologie, si l’on considère, après le pouvoir propre, la valeur relative des mots. […] Et ils ne seraient enfin tout à fait ressemblans, à leurs propres yeux comme aux nôtres, que s’ils exprimaient des sentimens ou des idées à eux dans la langue du commun et de l’honnête usage.
On prend pour matière ces idées générales, ces descriptions de sentiments, ces vérités moyennes, qui sont l’objet propre de l’éloquence. […] Cousin lui-même, Croyez-vous que la grande phrase périodique, surchargée de propositions incidentes, soit bien propre à exprimer la gaieté, l’enjouement, la vivacité de la conversation légère ? […] Aucune classe aujourd’hui ne regarde l’État comme son domaine propre ; c’est une gloire pour la raison et c’est un progrès de la justice de l’avoir restitué à son légitime propriétaire, à la nation. […] Ce sont les propres paroles de Retz, et Godeau, le galant évêque de Grasse, les confirme… » Puis en note : « Mademoiselle a beau dire que Mme de Longueville resta marquée de petite vérole. […] Faites d’un orateur un historien : il laissera de côté les traits distinctifs et les caractères propres du temps qu’il décrit ; son récit deviendra un panégyrique et une leçon.
On dit : avoir de l’oreille ; tous les yeux ne sont pas propres à goûter les délicatesses de la peinture. […] On eût dit qu’il s’agissait de son propre corps. […] Parmi les esprits de premier rang en effet, nul n’est moins que Montaigne engagé dans sa pensée propre alors même que celle-ci lui est le plus personnelle. […] Il semblait que l’idée de son propre intérêt lui fût tout à fait étrangère. […] Oui, tel est bien l’air idéal qui sied à l’esprit dans l’examen, dont il doit d’autant moins se départir que c’est de ses propres idées qu’il s’agit.
Il est plein d’ironie, mais ne l’exerce jamais plus vivement qu’aux dépens de sa propre désolation. […] Elles n’éclairent sur les sentiments propres de l’auteur qu’en indiquant qu’il se réserve et se retire de son ouvrage. […] Une bonté ironique et bonhomme, un cynisme qui rejoint la candeur achèvent de leur donner leur caractère propre. […] Son propre est d’atteindre profondément la vérité des sentiments et de l’esprit en négligeant absolument la réalité des faits. […] Leur fonds propre est assez pauvre, leur imagination comique peu copieuse.
Dans la contemplation poétique, nous ne nous contentons pas de jouir de notre propre état de conscience. […] Ceux-là nous semblent en effet avoir une sorte de poésie propre, qui émanerait d’eux comme d’une source vive. […] Une fois lancée, elle va de son propre élan. […] Livrée à elle-même, par ses propres moyens, elle peut évoquer des images. […] Sa beauté propre, perceptible aux seuls initiés, ne se remarque qu’après coup.
— Il indique enfin les trois grands principes d’où part la science nouvelle, et la méthode qui lui est propre (chap. […] Dans ce chapitre, l’auteur jette en passant les fondements d’une critique nouvelle : 1º La civilisation de chaque peuple a été son propre ouvrage, sans communication du dehors ; 2º On a exagéré la sagesse ou la puissance des premiers peuples ; 3º On a pris pour des individus des êtres allégoriques ou collectifs (Hercule, Hermès.)
Quel auteur n’est tout d’abord touché par la mode et enlevé quelque temps à sa propre nature ? […] Il voulait bien se reconnaître peu propre à la poésie amoureuse, pourvu que cet aveu tournât contre ceux qui s’y livraient sans génie. […] Pour ses éloges, il ne les gâta point par cet excès qui prouve que, dans nos admirations, c’est notre propre goût que nous admirons. […] Choisi par le roi pour historiographe, il en remplit d’autant plus mal les fonctions, qu’il se connaissait peu propre à ce genre de travail. […] Tout poème est brillant de sa propre beauté.
Faudra-t-il en arriver à cette opinion que les vérités absolues, n’étant explicables ni par l’humanité ni par la nature, subsistent par elles-mêmes, et sont à elles-mêmes leur propre fondement et leur propre sujet ? […] Voilà le procédé par lequel Descartes, parti de sa pensée et de son être propre, s’élève à Dieu. […] Le sentiment du beau est sa propre satisfaction à lui-même. […] De là une œuvre originale et propre à l’homme, une œuvre d’art. […] Et celle-ci que gagnera-t-elle à viser au pittoresque, quand son domaine propre est le pathétique ?
» Mais ce qu’il préférait à tout, c’étaient les livres de politique, de considérations sur le bien public et sur les matières sociales, « les choses d’un sens suivi et de génie », c’est-à-dire où l’auteur produisait avec vigueur ses propres pensées. […] Vous ne le croiriez pas, les Anglais, ces grands approfondisseurs, manquent totalement de jugement… Ici il est près de passer d’un extrême à l’autre dans l’expression, comme il arrive lorsqu’on écrit tout entier sous l’impression du moment ; mais, en continuant, il va toucher de main de maître un défaut que nous savons très bien combiner avec l’inconstance, celui d’être routiniers et dociles à l’excès pour les autorités que nous avons adoptées une fois et les admirations que nous nous sommes imposées : Pour nous frivoles, jolis, légers, nous avons tout, mais nous nous tenons à trop peu de chose ; notre inconstance est notre seul tort, elle nous emporte si bien qu’elle nous dégoûte de nous-mêmes plus que de personne, et nous lasse de nos propres idées au lieu de nous plonger dans l’admiration de nous-mêmes comme ces vaniteux Espagnols et Portugais ; nous avons une docilité d’enfants qui nous rend disciples et admirateurs des autres nations du monde. […] Il veut et voit le bonheur à notre portée dès à présent : « Ayant tout bien pesé, je trouve que l’homme est né ici principalement pour son propre bonheur. […] [NdA] Une fois cependant les goûts de race et d’antique noblesse semblent lui revenir, et il écrit vers la date de 1750, sous ce titre : Gradation pour vivre noblement : J’aimerais à l’imitation des Anglais, à vivre ainsi graduellement en ces différents postes : À la ville ne vivre qu’en bourgeois aisé ; petite maison bourgeoise, mais commode, et d’une grande propreté au dedans ; chère bonne et propre ; quelques amis seulement le fréquentant. […] Il est vrai que c’est une folie, de là vient que les philosophes ne sont pas propres à la guerre, au lieu que les gens à passions y sont propres ; les jeunes gens, les sanguins, s’y dévouent légèrement et franchement, mais tout philosophe qui réfléchit mûrement trouve que le plus grand bien est de vivre, et le plus grand mal du monde est l’anéantissement ; car les gens à passions trouvent, disent-ils, la vie plus mêlée, de maux que de biens, au lieu que les philosophes trouvent le contraire et ont raison, la vie leur est délicieuse.
L’art romain impérial, en émigrant à Byzance, retomba sous l’influence grecque directe qui se mit aussitôt à le travailler, à le modifier, à l’évider, pour ainsi dire, avec la subtilité propre à son génie. […] Ainsi notre propre Moyen-Âge, en ce qu’il a eu de meilleur et d’excellent, notre architecture d’alors, bien nationale, bien originale, née chez nous dans l’Ile-de-France ou aux environs, a eu tort à nos yeux, et l’on est allé, dans la suite, chercher ailleurs, à l’étranger, bien loin, ce dont on avait la clef sous la main et chez soi. […] Ainsi nous faisons sans cesse, toujours en action et en réaction ; nous nous chargeons volontiers d’être nos propres mépriseurs. […] Il a cependant très bien marqué encore en quoi notre Renaissance, — ce qu’on appelle de ce nom dans l’architecture, — est une Renaissance bien particulière, ayant son goût propre et sa saveur à elle, entée de longue main sur l’art gothique, et non pas purement transplantée et copiée de l’Italie. […] Vous avez étudié le gothique, vous le savez ; restez-y, vous n’êtes propre qu’à cela.