Zayde portait le nom de Segrais, et ce ne fut pas une pure fiction transparente ; le public crut aisément que Segrais était l’auteur. […] On est flatté d’ailleurs d’avoir porté le premier une bonne nouvelle, et même une mauvaise. […] don Garcie, vous aviez raison : il n’y a de passions que celles qui nous frappent d’abord et qui nous surprennent ; les autres ne sont que des liaisons où nous portons volontairement notre cœur. […] Son attention, du sein de sa langueur, ne se portait pas moins sur les points essentiels ; sans bouger elle veillait à tout. […] Le plus fort de la critique de Bussy et du monde en général, au sujet de la Princesse de Clèves, avait porté sur l’aveu extraordinaire que l’héroïne fait à son mari : Mme de La Fayette, en inventant une nouvelle situation analogue, qui amenât un aveu plus extraordinaire encore, pensa que la première en serait d’autant justifiée.
Il faut dire cependant, à cet égard, que la constitution morale du général Bonaparte le portait aux idées religieuses. […] C’est une nouveauté et une création ; cette nouveauté et cette création porteront le nom de M. […] Ce n’est pas assez pour rassurer le premier Consul, il veut porter la main plus loin. […] Génie militaire d’une grande portée, politique nul, caractère faible, incapable de porter sa gloire, M. […] Les principaux officiers des deux armées se tenaient à l’écart et regardaient avec une vive curiosité ce spectacle extraordinaire du successeur des Césars vaincu et demandant la paix au soldat couronné que la révolution française avait porté au faîte des grandeurs humaines.
Le jeune Horace se lia à Athènes avec le fils de Cicéron ; ce jeune homme se contentait de porter le nom de son père, trop sûr apparemment de ne pouvoir le grandir ; il y contracta aussi amitié avec le jeune Bibulus et avec le fils de Messala, tous les deux partisans de Pompée et par conséquent ennemis naturels de César. […] On ne peut croire qu’un vieux général aussi consommé que Cassius ait élevé un lâche à un tel commandement dans son armée ; la lâcheté, dont se vante plus tard Horace dans ses vers railleurs contre lui-même, n’était donc en réalité qu’une plaisanterie ou une flatterie à Auguste ; il voulait persuader par là à ce prince, neveu de César, que tous ceux qui avaient combattu jadis contre lui étaient indignes de porter une épée et un bouclier. […] C’est à ces rancunes politiques du jeune tribun des soldats de Brutus contre ses vainqueurs qu’il faut attribuer le goût d’Horace pour la satire personnelle au début de sa vie poétique, car la nature de son tempérament, de son âge et de son génie, le portait plutôt à la poésie gracieuse et anacréontique. […] Fuyez Rome, allez où vous porteront vos pas ou le souffle des vents, mais jurons de ne jamais revenir sur nos pas… Oui, partons, Romains, ou du moins ce qui reste d’hommes vertueux parmi nous ! […] Ce sont les chaînes douces de la vie ; il ne voulut pas même porter le poids d’une tendresse sérieuse ou d’une famille à élever.
Elle me traitait en fils plus qu’en protégé ; à sa mort elle porta mon nom dans son testament, pour me prouver que sa pensée survivait en elle à la vie ; je lui garde de mon côté un souvenir où la reconnaissance et l’attrait se complètent ; excusez-moi d’en avoir parlé un peu longuement à propos de madame Récamier, son amie ; ces deux figures se confondent, bien qu’elles ne se ressemblent pas. […] — Non, lui dis-je, il ne faut pas se familiariser avec les visions célestes pour ne rien perdre de leur éblouissement ; les yeux de tout un monde ont passé sur cette figure, cent hommes célèbres lui ont porté leur encens. […] Je l’admirais passionnément, non comme homme, mais comme génie ; j’étais trop petit pour porter aucune ombre sur sa trace ; mais, soit que madame Récamier se souvînt de notre rencontre muette chez la duchesse de Devonshire, soit qu’elle fût flattée de produire un nom naissant de plus aux yeux de son cénacle dans son salon, elle me fit allécher par tant de grâces indirectes que je ne pus me refuser, malgré mon éloignement pour les camarillas lettrées ou politiques, à me laisser présenter à elle dans ce couvent de l’Abbaye-aux-Bois, où je devais plus tard suivre le convoi indigent du pauvre Ballanche. […] Elle était dans l’ivresse de ses souvenirs en les visitant avec moi ; elle désirait beaucoup entrevoir au moins ces figures d’hommes nouveaux et de femmes célèbres qui portaient des noms chers à son imagination ou à sa piété. […] J’avais été très fier d’y être admis malgré mon obscurité, et j’y portais un véritable culte à ces prestiges de la beauté, du nom, de la fortune, de la vertu, dans une même famille.
» Puis, en l’honneur de la victime, il fait décréter dans le ciel que toutes celles qui porteront sur la terre le nom d’Isabelle seront douées des mêmes charmes et des mêmes vertus. Adulation prophétique soit aux princesses de la maison de Ferrare, soit à la dame de Florence qui portait ce nom cher au poète. […] Roger est forcé, par sa reconnaissance envers Léon son libérateur, de se prêter à ce subterfuge ; mais il gémit tout bas des coups qu’il sera obligé de porter à celle qu’il adore. […] Je partis en pleine nuit, une nuit d’été en Italie, accompagné par un vieux paysan de la ferme ; il portait ma valise et il devait me servir de guide jusqu’à la mer, pour aller m’embarquer sur une felouque d’Ancône qui faisait le cabotage sur le littoral des États romains. […] » Je regardai machinalement autour de moi : je ne vis que le vieux paysan boiteux qui portait ma maigre valise, et la felouque chargée de sacs de maïs et de ballots de soie qui balançait son unique mât sur les lames de la plage en attendant le vent de terre.
Mais ce n’est pas seulement le fond, c’est aussi et surtout la forme des écrits qui, pendant deux siècles, portent l’empreinte du système alors constitué. […] Ils portaient en eux la Révolution… Est-ce à dire que Tite-Live, Tacite, Plutarque soient les seuls ou les principaux auteurs de la Révolution française, que sans eux elle ne se fût pas accomplie ? […] En revanche, il a trop souvent honoré d’une complaisante indulgence des œuvres douceâtres qui, remplaçant le bon style par les bonnes intentions, auraient mérité des prix de découragement pour avoir porté près de la perfection l’art de rendre la morale ennuyeuse. […] S’il a été d’aventure un briseur d’idoles, s’il a porté dans sa jeunesse le drapeau d’une révolution ou d’une émeute littéraire, il sera tout à coup atteint d’un accès de modération ; il affichera une sagesse tout au moins provisoire. […] Il est nécessaire de porter l’effort, tantôt dans un sens, tantôt dans un autre, suivant que l’art a suivi avec excès telle ou telle direction.
On chercherait en vain chez l’auteur anglais un récit contenu et impassible, une scène où l’écrivain ait l’art supérieur de laisser porter de leur poids propre les événements et les idées qu’il exprime et retrace. […] Dickens était porté à reproduire tout l’existant ; il a commencé, d’abord comme tous ses congénères, par prendre ce qu’il est convenu que l’on dédaigne ; il s’en est tenu là, et dans toute son œuvre on aurait peine à trouver un grand homme ou une femme séduisante, ou simplement des gens bien élevés. […] Que l’on prenne dans Olivier Twist la massive et redoutable figure du bedeau qui régit avec une si épaisse et stupide cruauté l’hospice de la commune, que l’on observe sa gaîté, sa panse, sa carrure de majordome et de geôlier, sa grosse nature sans pitié, la satire paraîtra violente et elle a porté de grands coups à l’institution même du workhouse. […] Les sentiments qui l’ont ému ne sont guère que des nuances de l’aversion et de l’approbation ; ils versent dans la terreur, cet étonnement devant la réalité qui est une des affections de l’inintelligence ; ils poussèrent l’écrivain à quantités d’indignations déraisonnables, le firent se moquer et s’apitoyer, s’indigner et s’effrayer d’une quantité de choses qui n’en valaient pas la peine, l’engagèrent enfin à donner de tout, de la société, des institutions, des caractères, des vertus nécessaires, des actes répréhensibles, un jugement, sans réflexion, tout de premier mouvement, tel qu’en pourrait porter un enfant ou une femme émue. […] Il avait épuisé ses forces vitales, ses derniers livres portaient la trace de ses fatigues dans leur humeur morose ; il succomba en 1870 à une hémiplégie cérébrale, ayant amèrement ressenti plus d’émotions, plus de sympathies et de haines, sinon de plus hautes, que les autres hommes.
Il est à remarquer qu’elle et Victor Hugo entrèrent sous l’aile de la muse avec je ne sais quelle secrète influence espagnole, l’un né à Besançon, l’autre à Douai, deux cités françaises très-marquées de ce caractère étranger ; mais elle, son talent ne portait au cœur comme au front que le caractère espagnol attendri. […] L’horizon de l’humble cimetière de Douai s’est assez agrandi ; quand la jeune fille ressaisit enfin le sol natal après tant de souffrances, on pouvait dire d’elle avec le poëte, qu’elle portait Un cœur jà mûr en un sein verdelet. […] … Aussi je vous bénis tous de l’amitié que vous me portez, et qui m’aide à subir ces blessures de l’âme… « Je comble de vœux et de bénédictions tous ceux qui, dans le passé et dans le présent, ont mis au moins tes chers jours et nuits à l’abri des mauvais hasards du sort. […] Tu portais un beau châle de laine à palmes, je portais le pareil en vraie sœur. — Hélas !
Mais je veux, de ce portrait étendu que j’ai sous les yeux, et qui a pour épigraphe le mot de Massillon : C’est l’amour qui décide de tout l’homme, — je veux tirer ici quelques passages qui en fixeront mieux les nuances, et nous accoutumeront aussi à l’observation judicieuse et fine, à la ligne gracieuse et pure de celle qui l’a tracé : « On ne peut guère, écrit Mme de Rémusat, porter plus loin que Mme d’Houdetot, je ne dirai pas la bonté, mais la bienveillance. […] C’est ainsi qu’elle ranimait encore par le sentiment une vie prête à s’éteindre, et ces seuls mots j’aime ont été le dernier accent que son âme, en s’exhalant, ait porté vers la Divinité240. » Mme de Rémusat crayonnait l’aimable portrait en 1813 ; quinze ans auparavant elle entrait avec nouveauté dans ce monde restauré que recomposaient tant de débris et qui se remettait à sourire si gracieusement sous ses rides. […] Dans un excellent morceau que je lis, daté de 1813, sur la coquetterie, elle n’avait eu besoin que de consulter son observation de moraliste, son jugement sain et ses goûts délicatement sérieux, pour dire, par exemple : « C’est de trente à quarante ans que les femmes sont ordinairement le plus portées à la coquetterie : plus jeunes, elles plaisent sans effort, et par leur ignorance même. […] Les deux parts autrefois étaient sensiblement séparées ; on avait le sérieux, si l’on pouvait, dans le cabinet et dans la solitude ; on portait, on cherchait le frivole et le purement amusant dans le monde : il y avait lieu sans doute à un essai de transaction, de conciliation. […] De là, de ce commerce vague et porté par des sons, entretenu par des lettres, et où divers incidents assez naturels retardent la rencontre, naît un amour tel qu’on le peut supposer entre deux êtres très-jeunes, très-purs et très-malheureux.
Il ne me fut pas difficile d’en convenir, car je portais déjà envie, dans mon cœur, au dévouement de ma prisonnière ; en passant devant sa loge, je jetai sur elle un regard de respect et de compassion. […] Le bargello rentra dans son greffe, et sa femme, survenant à son tour, m’enseigna complaisamment tout ce que j’avais à faire dans la maison : à aider le cuisinier dans les cuisines, à tirer de l’eau au puits, à balayer les escaliers et la cour, à nourrir les deux gros dogues qui grondaient aux deux portes, à jeter du grain aux colombes, à faire les parts justes de pain, de soupe et d’eau aux prisonniers, même à porter trois fois par jour une écuelle de lait à la captive de la deuxième loge pour l’aider à mieux nourrir son enfant, qu’elle ne suffisait pas à allaiter par suite du chagrin qui la consumait, la pauvre jeune mère ! […] et si… CLXXXIX La voix du piccinino interrompit ma pensée en me disant que c’était l’heure de porter la nourriture aux dogues du préau, de jeter des criblures de graines aux colombes du puits, et de renouveler l’eau dans les cruches des prisonniers, comme on m’avait appris le matin qu’il fallait faire. […] Je ramassai les clefs, je balayai les tessons de la cruche dans la cour, et je revins sur mes pas, comme si j’allais chercher un autre vase pour porter son eau au meurtrier. […] Puis, en réfléchissant mieux et en me demandant comment la noce d’un contadino avec la fille du bargello avait pu trouver un pifferaro pour entrer en ville, dans une saison où il n’y a pas un seul musicien ambulant dans la plaine de Lucques, je me suis demandé à moi-même si ce musicien inconnu qui jouait pour cette noce jusqu’au seuil de la prison, n’y aurait pas été poussé par l’instinct de s’y rapprocher, un jour ou l’autre, de celui qu’elle aime, et, sans vouloir interroger personne de la prison, dans la crainte d’apprendre ainsi aux autres ce que je voulais savoir moi-même, je n’ai fait que saluer la femme du bargello sur sa porte, et j’ai passé ; mais quand la nuit a été venue, je me suis porté à dessein dans ma stalle de la chapelle voisine, et j’ai écouté de toutes oreilles si aucune note de zampogne ne résonnait dans les cours ou dans le voisinage de la prison.
. — On a vu Phrynicos châtié pour y avoir porté la Prise de Milet. — Le lointain faisait partie de son idéal, l’antiquité était la perspective de son art. […] Le Messager dit d’abord la ruse de l’esclave envoyé par Thémistocle à Xerxès, pour lui porter le faux avis de la fuite des Grecs, le roi affermi dans sa présomption, et donnant l’ordre à sa flotte de cerner les passes du détroit ; puis le repas du soir, les exercices nocturnes des équipages, et la tranquille évolution des navires perses étendant, le matin, leurs lignes, pour capturer dans une étreinte la flotte adversaire. […] » — « Si vous ne portez jamais les armes dans le pays des Hellènes, car la terre même combat pour eux. » — C’est le vaincu de Marathon qui parle, et c’est aussi le monde infernal dont il rapporte l’oracle. […] Il n’a plus autour de son corps que les lambeaux des habits aux riches couleurs qu’il portait, les ayant déchirés dans l’emportement de sa douleur. […] On a toujours pris pour l’éclat d’un chant pathétique porté à son comble, l’épilogue où Xerxès excite le Chœur à se lamenter avec lui.
Bonaparte, avec ce sens direct qu’il portait à tout, dit qu’il ne croyait pas que nous dussions une seule idée aux signes, que nous avions celles que notre organisation nous procurait et pas une de plus : « Si on ne peut avoir d’idées que par les signes, demandait-il, comment a-t-on eu l’idée des signes ? […] Les négociations de Volney avaient dû porter plus particulièrement auprès des membres des Conseils, de ces républicains d’Auteuil qui furent brumairiens un jour et qui devinrent vite mécontents, tels que Cabanis et autres. […] Il portait les paroles d’un pavillon du Luxembourg à l’autre. […] C’est là que le premier consul a montré cette puissance d’attention et cette sagacité d’analyse qu’il peut porter vingt heures de suite sur une même affaire, si sa complication l’exige, ou sur divers objets, sans en mêler aucun, sans que le souvenir de la discussion qui vient de finir, la préoccupation de celle qui va suivre le distraient le moins du monde de la chose à laquelle il est actuellement occupé.