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3087. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

D’ailleurs, il n’a aucun goût sensible pour les écrivains éloquents ou les poètes ; il cite une fois, sur « la crainte qui serait la cause première des religions (Primus in orbe Deos, etc.) », un mot de Pétrone ou de Stace, qu’il attribue par mégarde à Lucrèce : jamais il ne lui arrive de citer Virgile, Horace, un vers d’Homère, ce qui fait la douceur habituelle de ceux qui ont pratiqué ces sentiers de l’Antiquité ; il ne fleurit jamais son chemin d’un souvenir : avec des connaissances si approfondies et si particulières, il n’a pas plus la religion de la Grèce que celle de Sion.

3088. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

Quelques poètes seuls ont quelquefois réclamé pour toutes les fantaisies de leur imagination cette sorte de droit divin, mais personne ne leur a donné raison ; c’était d’ailleurs dans le royaume des chimères et des rêves.

3089. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Voilà la scène que j’aurois décrite, si j’avois été poëte, et celle que j’aurois peinte, si j’avois été artiste.

3090. (1860) Ceci n’est pas un livre « Hors barrières » pp. 241-298

Voici la corporation des maris, doublés de leurs femmes aux mantelets éclatants ; voici la corporation des célibataires provocateurs aux lorgnons adultères ; — voici la bande des bonnes d’enfants cherchant d’un œil langoureux — dans le cercle formé par les musiciens — le timbalier dont parle le poète ; — voici le clan des voyous en quête des bouts de cigares… Toute la ville enfin : tiers-état, menu peuple, noblesse.

3091. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Ainsi on a lu avec éblouissement l’Histoire des Girondins, ces poésies trompeuses d’un grand poète qui se trompe lui-même, et avec les horreurs du dégoût sinon avec les frénésies d’un désir partagé, cette Histoire de Michelet, qui, je le dis avec tristesse, est un grand crime, si elle n’est pas une honteuse folie.

3092. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

Classer Courier, le descendre, le mettre à terre, où il est bien, car c’est là sa place, ne demandait donc pas un effort grandiose, mais il n’en était pas de même pour Béranger, dont la gloire s’est mieux conservée, et en qui, comme poète, tant d’esprits, dupes sans doute des premières admirations de la vie, croient encore.

3093. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

Je parle comme un général à ses soldats, comme les poètes, les orateurs, tout le monde, les astronomes eux-mêmes.

3094. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

Et si le don d’expression manque à la plupart, il n’en est pas moins vrai que celui qui vit dans le monde sans faire dépendre sa joie ou ses larmes exclusivement de son cerveau, qui connaît chaque parcelle d’existence pour l’avoir personnellement sentie vivre en lui, dont la solitude n’a pas ravagé le désir et la sensualité, est mille fois plus poète, sans avoir écrit une seule ligne, que le plus raffiné jouisseur de lui-même.

3095. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Ainsi naît cette religion, œuvre du tempérament mélancolique et de la logique acquise, où l’homme, sorte de Hamlet calculateur, aspire à l’idéal en s’arrangeant une bonne affaire et soutient ses sentiments de poëte par des additions de financier. […] Pardonnez au traducteur qui essaye d’en donner un exemple dans cette moqueuse peinture du poëte et de ses libertés : « Il n’est pas contraint d’accompagner la Nature dans la lente démarche qui la mène d’une saison à l’autre, ou de suivre sa conduite dans la production successive des plantes et des fleurs.

3096. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Dickens est un poëte ; il se trouve aussi bien dans le monde imaginaire que dans le réel. […] Le poëte subsiste sous le puritain, sous le commerçant, sous l’homme d’État.

3097. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

C’est sans doute pourquoi il y a tant de poètes, d’orateurs et d’écrivains, et si peu d’historiens transcendants dans les bibliothèques de tous les siècles. […] Thiers, qui dénigre la poésie, est un grand poète, d’autant plus grand qu’il fait parler les événements au lieu de parler lui-même.

3098. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

Autour du poète, à demi couchés sur un divan, des amis, parmi lesquels je reconnais Vacquerie. […] Mme Hugo se mit à parler, à parler un peu trop, je n’oublierai jamais le regard impossible à rendre, par lequel Hugo l’a tout à coup foudroyée, l’a réduite au silence. » « Autrefois, quand Hugo venait à La Presse, je ne le reconnaissais jamais à première vue : l’idée que j’avais du grand poète ne concordait pas, dans le premier moment, avec le monsieur que j’avais sous les yeux ! […] Vous concevez, ça n’est pas possible, on allume du feu, on se chauffe, on bat la semelle. » « J’ai mal aux yeux, ajoute l’autre, j’ai mal aux yeux comme tout, aujourd’hui, c’est du bois vert qu’on brûle, le vent vous chasse la fumée dans les yeux ; si ça dure un mois, il me semble que je serai tout à fait aveugle. » Lundi 5 décembre Saint-Victor, dans son feuilleton d’hier, disait, d’une manière brillante, que la France devait perdre la conception que jusqu’ici elle s’était faite de l’Allemagne, de ce pays qu’elle s’était habituée à considérer, sur la foi des poètes, comme la patrie de la bonhomie et de l’innocence, comme le nid sentimental des amours platoniques. […] » Puis le poète parle de la ruine financière de la France, répétant une phrase de Rouland, toute chaude de ce matin : « Si l’on peut estimer la fortune de la France à quinze cents milliards, il faut la considérer comme tombée, dès aujourd’hui, à neuf cents milliards. » Le jour de l’an de Paris de cette année, il réside dans une douzaine de misérables petites boutiques, semées, çà et là, sur le boulevard, où des marchands grelottants offrent des Bismarck, caricaturés en pantins, aux passants gelés.

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