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755. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

Chez nous, dans la steppe, à chaque bout de champ, un Cosaque. » Ce fut une explosion de la force russe que firent jaillir de la poitrine du peuple les coups répétés du malheur. » — Tarass Boulba est un des chefs de polk ou des colonels de cette société cosaque qui offrait une organisation militaire très-simple, permanente, et dont M.  […] Leurs vêtements, de drap précieux, s’étaient usés et flottaient autour d’eux en lambeaux ; ils ne regardaient ni ne saluaient le peuple. […] Une partie des gardes à cheval s’élancèrent pour examiner scrupuleusement les groupes du peuple.

756. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XV. De l’imagination des Anglais dans leurs poésies et leurs romans » pp. 307-323

Les Anglais séparés du continent, semotos orbe Britannos , s’associèrent peu, de tout temps, à l’histoire et aux mœurs des peuples voisins : ils ont un caractère à eux dans chaque genre ; leur poésie n’est semblable qu’à celle des Français, ni même à celle des Allemands : mais ils n’ont pas atteint à cette invention des fables et des faits poétiques, qui est la principale gloire de la littérature grecque et de la littérature italienne. […] Les essais dans ce genre ont encore plus mal réussi aux Anglais qu’aux autres peuples ; ils manquent essentiellement de grâce dans tout ce qui exige de la légèreté d’esprit : ils manquent de cette promptitude, de cette facilité, de cette aisance, qui s’acquiert par le commerce habituel avec les hommes réunis en société dans le seul but de se plaire. […] Heureux le pays où les écrivains sont tristes, et les commerçants satisfaits, les riches mélancoliques, et les hommes du peuple contents !

757. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « II »

II À entendre certains théoriciens politiques, une nation est avant tout une dynastie, représentant une ancienne conquête, conquête acceptée d’abord, puis oubliée par la masse du peuple. […] La religion, qui, il y a cinquante-deux ans, était un élément si considérable dans la formation de la Belgique, garde toute son importance dans le for intérieur de chacun ; mais elle est sortie presque entièrement des raisons qui tracent les limites des peuples. […] L’homme est tout dans la formation de cette chose sacrée qu’on appelle un peuple.

758. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre III, naissance du théâtre »

Les Répons du peuple aux Chapitres et aux Leçons entonnés par les prêtres, dans les anciennes cérémonies de l’Église, semblent un écho de ces alternances. […] Phrynicos avait mis en scène l’horrible désastre de Milet, l’alliée et la sœur d’Athènes ; il avait montré la ville pillée et incendiée par les Perses, ses défenseurs massacrés, l’oracle menaçant de Delphes accompli : « Les femmes de Milet laveront les pieds de beaucoup d’hommes à la longue chevelure. » Le peuple pleura à ce spectacle navrant ; mais, le lendemain, les yeux essuyés, il s’irrita contre le poète qui, par ces larmes brûlantes, avait ravivé sa plaie domestique ; il condamna Phrynicos à une amende de dix mines et interdit à jamais son drame. […] La Tragédie n’a encore qu’un cirque de bois, mais Athènes lui bâtit sur un versant de l’Acropole, près du sanctuaire de Dionysos, un théâtre de pierre, vaste hémicycle où tout un peuple pourra s’asseoir.

759. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIII, les Atrides. »

Or la nature du mythe est d’absorber des peuples dans des hommes, des cataclysmes dans une catastrophe ; d’immenses carnages dans un meurtre unique. […] Dans les grandes crises de guerre et de calamité nationale, l’oblation humaine, forcée ou volontaire, sortait d’elle-même de l’exaltation de l’armée ou de l’effroi du peuple pressé d’apaiser un dieu famélique. […] Thyeste, aidé par Oerope, la femme d’Atrée, dont il est l’amant, dérobe dans les étables de son frère la bête merveilleuse : il la porte sur l’Agora de Mycènes, et prend le peuple à témoin de son droit au sceptre, puisqu’il possède l’agneau à la toison d’or.

760. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre III »

C’est que l’auteur d’une invention souvent insignifiante croit ennoblir son œuvre en la qualifiant d’un mot qu’il achète et qu’il ne comprend pas26 ; c’est aussi que les commerçants connaissent le goût du peuple pour les mots savants ; en prononçant des bribes de patois grec ou latin, la commère se rengorge et la femme du monde sourit, pleines de satisfaction. […] Oreillon, c’est pour le peuple toute maladie interne de l’oreille ; cela vaut otite, il semble. […] Que d’images pleines de grâce dans ces noms que le peuple donna aux fleurs !

761. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface des « Burgraves » (1843) »

Celui qui écrit ces lignes, — et qu’on lui pardonne d’expliquer ici sa pensée, laquelle a été d’ailleurs si bien comprise qu’il est presque réduit à redire aujourd’hui ce que d’autres ont déjà dit avant lui et beaucoup mieux que lui ; — celui qui écrit ces lignes avait depuis longtemps entrevu ce qu’il y a de neuf, d’extraordinaire et de profondément intéressant pour nous, peuples nés du moyen-âge, dans cette guerre des titans modernes, moins fantastique, mais aussi grandiose peut-être que la guerre des titans antiques. […] Faire constamment effort vers le grand, donner aux esprits le vrai, aux âmes le beau, aux cœurs l’amour ; ne jamais offrir aux multitudes un spectacle qui ne soit une idée : voilà ce que le poëte doit au peuple. […] De nos jours, le peuple est grand ; pour être compris de lui, le poëte doit être sincère Rien n’est plus voisin du grand que l’honnête.

762. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre septième. »

Peuple ami du démon…. […] Tournure poétique qui a l’avantage de mettre en contraste, dans l’espace de dix vers, les idées charmantes qui réveillent le printems, les oiseaux de Vénus, etc… et les couleurs opposées dans la description du peuple vautour. […] Peuple heureux !

763. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 13, de la saltation ou de l’art du geste, appellé par quelques auteurs la musique hypocritique » pp. 211-233

C’est ainsi que David dansoit devant l’arche en témoignant par son attitude et par des gestes, le profond respect qu’il avoit pour le gage de l’alliance du seigneur avec le peuple juif. […] Le geste des peuples qui sont à notre midi étant plus marqué que le nôtre, il est beaucoup plus facile de comprendre son langage quand on le voit sans rien entendre, qu’il ne l’est de concevoir en une pareille circonstance, ce que notre geste signifie. […] On trouve une description curieuse de l’art du geste dans une lettre que Cassiodore écrivit à Albinus, pour lui donner la commission de faire décider par le peuple qui de Thodoron ou de Halandius étoit le meilleur acteur.

764. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’ancien Régime et la Révolution »

Car c’est toujours de haut que les révolutions descendent, et les gouvernements se trahissent longtemps eux-mêmes avant d’être trahis par les peuples. […] Ce sont eux, — puisqu’il faut interroger le tombeau de la France ancienne, comme dit Tocqueville, et le tombeau de la France, c’est son histoire, — ce sont eux qui ont créé une révolution permanente forcée en oubliant ce qu’ils étaient, en donnant l’exemple des mauvaises mœurs, en altérant dans sa pureté la notion de la famille chrétienne, — le seul fondement des sociétés modernes, quels que soient leur forme et leur nom, — en nous dévêtant de nos institutions, en brisant les corporations (l’œuvre de Saint-Louis sanctionnée par les siècles), les corporations d’états, c’est-à-dire le peuple qui travaille et qui prie, et en le jetant, bohème et affamé, à la liberté vague, au hasard et à la préoccupation du jour le jour ! […] Or, de son propre aveu, à deux lignes de là, dans ce livre où toutes les affirmations se soufflettent, la liberté déréglée et malsaine des hommes du xviiie  siècle les rendait moins propres qu’aucun autre peuple à fonder l’empire paisible et libre des lois… — En présence d’une liberté déréglée et malsaine, eh !

765. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le roi René »

Adoré de son peuple, comme Henri IV, il avait de plus que Henri IV, pour s’aider à reprendre le royaume qui était à lui et que lui disputait le roi d’Aragon, un fils de la plus glorieuse capacité militaire, Jean de Calabre, qui mourut subitement avant que la besogne paternelle fût terminée. […] Dieu ne leur a pas donné pour consigne de faire le ménage des peuples, mais le leur. […] placé par ses relations de famille et ses alliances au confluent de tous les héritages, quand il perd un royaume (la Sicile), il en gagne un autre (l’Aragon), et les peuples semblent enchantés de lui échoir ; mais cela ne l’avance guères.

766. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

C’est le sentiment qui les anime et surtout, surtout, le fond d’âme auquel il correspond… Et que m’importent, à moi, l’impuissante royauté de Poniatowski et les orages de la Pologne, de cette nation qui ne fut jamais qu’un sublime régiment contre les Turcs, mais qui ne fut jamais non plus un peuple dans l’unité de ce magnifique sentiment qui fait les peuples dignes et forts, et qui est plus haut que l’amour, très souvent anarchique, de la patrie ! […] Elle fut le conseil de ce Roi qui n’eut que le cœur de royal et ne put jamais être Roi comme Numa et donner des lois à son peuple ; et elle le poussa, mais en vain, à être un grand homme, cet homme pour qui la gloire fut la seule femme qu’il ne pût séduire.

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