Je pense même que sur beaucoup de faits de physique, d’astronomie et de géographie, les peintres, les poëtes et les sculpteurs doivent s’en tenir à l’opinion vulgairement reçûë de leur temps, quoiqu’elle soit contredite avec fondement par les sçavans.
En second lieu, le public prévenu en faveur du discernement des gens du métier, pense durant un temps qu’ils aïent meilleure vûë que lui.
Que penser de l’art qui suppose hardiment qu’on ne puisse pas si bien contrefaire la touche de Raphaël et du Poussin qu’il y puisse être trompé ?
Franchement, nous ne le pensons pas.
Mais dans un seul d’entre eux — nous pensons l’avoir démontré — il y a succession.
L’homme ne pense plus aujourd’hui ce qu’il pensait il y a vingt-cinq siècles, et c’est pour cela qu’il ne se gouverne plus comme il se gouvernait. […] Regardez les institutions des anciens sans penser à leurs croyances, vous les trouvez obscures, bizarres, inexplicables. […] Qui nous dira ce que pensaient les hommes, dix ou quinze siècles avant notre ère ? […] Nous l’employons encore, bien que personne aujourd’hui ne pense qu’un être immortel repose dans un tombeau. […] Ces morts ont pris possession du sol ; ils vivent sous ce petit tertre, et nul, s’il n’est de la famille, ne peut penser à se mêler à eux.
. — Toute perception extérieure se réduit à l’assertion d’un fait général pensé avec ses conditions. — Concordance ordinaire de la loi réelle et de la loi mentale. — Adaptation générale de l’ordre interne à l’ordre externe. — Établissement spontané, perfection progressive, mécanisme très simple de cette adaptation. […] Ce n’est pas dans les parties sensibles auxquelles elle se propage à travers les cônes cornés et où elle agit sur nos nerfs, mais bien à quelque distance de notre peau… Si nous mettons un petit bâton de bois entre nos dents et que nous le tâtions avec elles, nous croyons le sentir entre nos dents ; c’est bien à la superficie des dents, où pourtant nous n’avons pas de nerfs et où partant nous ne pouvons rien sentir, que nous pensons sentir la résistance qu’il nous oppose. […] Mais, cela fait, quel que soit l’objet, une sphère, un cube, même une étendue considérable, par exemple une rue, ils le pensent d’un seul coup et se le représentent en bloc. « Il ne nous manque, disent-ils, que ce que vous appelez l’idée de la couleur ; l’objet est pour nous ce qu’est pour vous un dessin, une épreuve photographique sans ombres portées, plus exactement encore un ensemble de lignes. Nous concevons à la fois tout un groupe de lignes divergentes ou entrecoupés, et c’est là pour nous la forme. » Surtout ils nient expressément qu’ils aient besoin, pour imaginer une ligne ou une surface, de se représenter les sensations successives de leur main promenée dans telle ou telle direction. « Cela serait trop long, et nous n’avons pas du tout besoin de penser à notre main ; elle n’est qu’un instrument de perception auquel nous ne pensons plus après la perception. » En effet, si, à l’origine de l’idée de distance, on trouve une série plus ou moins longue de sensations musculaires du bras ou de la jambe, ce n’est qu’à l’origine. […] Pour nous, se souvenir, imaginer, penser, c’est voir intérieurement ; c’est évoquer l’image visuelle plus ou moins affaiblie et transformée des choses.
Mais lorsqu’on eût appris à penser dans les Ecrits d’Athènes & de Rome ; lorsque le génie éclairé par ces guides immortels eût pris son essor, & que l’esprit solidement nourri ne se laissa plus entraîner au hasard, ou emporter aux caprices de la fantaisie, avec quelle fierté la langue Françoise ne brisa-t-elle pas ses entraves ? […] On les vit bientôt occuper les premières places de la République, qui ne se donnoient qu’au mérite, & qu’on ne peut en effet remplir dignement, que lorsqu’on fait penser & parler assez bien, pour faire penser les autres. […] Notre langue devoit à la fin s’épurer, mais c’étoit l’affaire du temps ; il falloit commencer par éclairer l’esprit, parce que l’art de s’exprimer n’a jamais précédé, mais a toujours suivi l’art de penser. […] Le goût, ce sentiment exquis de l’ame, ce tact si délicat & si prompt, que la nature accorde quelquefois sans efforts, qu’elle refuse également à son gré, & qu’on n’acquiert pas toujours, même par l’étude la plus opiniâtre, pouvoit bien en effet être négligé par des hommes plus occupés à jouir, qu’à penser aux moyens de joindre l’agréable à l’utile. […] Il avoit le talent d’émouvoir le cœur & d’intéresser l’ame : il donnoit à sentir à l’un, à penser & à comparer à l’autre.
Jeudi 19 janvier Je ne sais comment, aujourd’hui, mes mains se sont portées sur une petite glace de toilette de ma mère, en ont fait glisser le couvercle, et la glace entrouverte, devant sa lumière comme usée, et d’un autre monde, j’ai pensé à la nouvelle délicatement fantastique, qu’on pourrait faire d’un être nerveux, qui dans de certaines dispositions d’âme, aurait l’illusion de retrouver dans une glace, au sortir de sa nuit, la vision, pendant une seconde, de l’image reflétée du visage aimé, restée fixée dans l’obscurité. […] Je pensais aux petits hasards curieux qui produisent de grands événements. […] Il y a dans ce que Drumont nous a lu, une hauteur philosophique qui ne se trouvait pas dans La France juive, puis la documentation concernant les personnes, mises en scène, me semble plus sévèrement contrôlée, et vraiment l’on éprouve une satisfaction à voir imprimées avec cette bravoure, en ce temps de lâcheté littéraire, des choses que tout le monde pense, et que lui seul a le courage d’écrire. […] Dans la lettre, est contenu un article de Renan sur cet Antoine Peccot, mort à vingt ans, et qui suivant les cours de mathématiques transcendantales de Bertrand, avec sa figure enfantine, avait fait penser à l’illustre mathématicien, que son jeune auditeur ne pouvait comprendre des spéculations aussi hautes. […] c’est plus fort que moi, je ne peux pas ne pas toujours y penser !
Les hommes meurent aussi à vingt-cinq ou trente ans, la plupart : en eux se flétrit la vertu de penser au-delà de leurs intérêts propres et de soi-même ; leurs frontières sont fermées pour jamais. […] Bottom n’est pas si rustre qu’on pense : il est peut-être poète lauréat ; en tous cas, la fée met un art incomparable à le lire. […] Un esprit divin confère la divinité à tout ce qu’il pense. […] J’eus pourtant aimé qu’on se dispensat de me présenter les opinions de Jean Royère ou de quiconque, pour m’enseigner ce que je dois penser de la poésie André-Salmonne en elle-même, et dans son évolution. […] Celle-ci ne figure pas, en tout cas, dans la revue Dada, comme l’italique peut inviter à le penser, ni dans Proverbe où Z.
L’horizon d’abord est étroit : il vient de se marier ; il pense à son avancement, à sortir de l’ornière. […] On ne pense qu’à avancer, à monter, à gagner un grade de plus, et en pensant à ce point unique, on y tend avec plus de vigueur et une émulation plus ardente ; le sang circule plus vite ; tout ce qui a du cœur en a plus. […] Quand le mal vient saper mon moral, que je me sens seul, isolé, loin de tout ce que j’aime, j’ai le cœur bien serré ; alors je regarde ma croix, mes épaulettes, je pense à mes enfants, à vous, à mon passé, à l’avenir ; je me roidis et je tiens bon, mais mes cheveux blanchissent et mes genoux tremblent. » Dans une expédition faite pour prendre possession de Djidjelli (mai 1839) et pour châtier les Kabyles voisins, le capitaine Saint-Arnaud mérite d’être proposé pour le grade de chef de bataillon, en remplacement du brave Horain, qui meurt des suites d’une blessure. […] Moi je penserai à vous tous, à ma femme, à mes enfants. » Un moment viendra où il entendra la messe pour elle-même, le sacrifice pour le sacrifice : il a en lui un commencement de disposition, qui de la tête lui descendra dans le cœur.
Elle emporta un second lis que je lui donnai, en passant pour s’en aller, dans le grand jardin. » Pourtant il fallait penser à l’avenir. […] Rien n’est plus propre d’ailleurs à faire juger de ce que je puis faire en ce genre… Et encore : J’ai fait hier une importante découverte sur la théorie du jeu en parvenant à résoudre un nouveau problème plus difficile encore que le précédent, et que je travaille à insérer dans le même ouvrage, ce qui ne le grossira pas beaucoup, parce que j’ai fait un nouveau commencement plus court que l’ancien… Je suis sûr qu’il me vaudra, pourvu qu’il soit imprimé à temps, une place de lycée ; car, dans l’état où il est à présent, il n’y a guère de mathématiciens en France capables d’en faire un pareil : je te dis cela comme je le pense, pour que tu ne le dises à personne. […] Après avoir tant fait, tant pensé, sans parler des inquiétudes perpétuelles du dedans qu’il se suscitait, on conçoit qu’à soixante et un ans M. […] D’autres savants illustres ont donné avec mesure et prudence ce qu’ils savaient ; lui, il ne pensait pas qu’on dût en ménager rien.