De ceci, ne vous mettez point en peine ; vous nous avez maintes fois prouvé qu’elle ne se fatigue pas plus que votre imagination. […] De plusieurs points de l’Italie, on s’empresse, pour distraire ses peines, de lui offrir le triomphe poétique. […] Mais aujourd’hui personne ne prend plus cette peine. […] Nous avons quelque peine à comprendre de tels sentiments. […] J’espère vous l’expliquer sans peine.
Bernardin de Saint-Pierre, dans une lettre à sa femme, raconte que l’abbé Delille est venu s’asseoir près de lui à l’Institut : « Je l’ai trouvé si aimable et si amoureux de la campagne, dit-il, et il m’a fait des compliments qui m’ont causé tant de plaisir, que je lui ai offert de venir à Éragny… » — Après bien des lectures à l’Académie et dans les soupers, le poëme des Jardins, premier fruit raffiné de ce goût champêtre, parut en 1782, et n’eut pas de peine à fixer toute l’attention, alors si prompte. […] Quoique ce morceau soit de sa première et un peu fade manière, on y trouve des traits tels que Delille n’en a pas assez connu, comme, par exemple, quand Hortésie étant introduite devant les juges et ne parlant point encore, ceux-ci eurent beaucoup de peine à ne se pas laisser corrompre aux charmes même de son silence. […] Tout ce que Boileau se donnait de peine et d’artifice pour élever son vers, qui souvent ne renfermait qu’une simple idée de bon sens, et pour le tenir au-dessus de la prose, mais dans un degré qui ne choquât pas, est inouï.
La première idylle, on l’entrevoit par le peu que nous avons dit, à la fois douce et grave, et composée avec art, mérite le rang qu’elle occupe en tête du recueil ; un ancien a eu raison de dire qu’elle justifie ce mot de Pindare : « A l’entrée de chaque œuvre, il faut placer une figure qui brille de loin. » Si je pouvais me donner toute carrière3, j’aurais peine à ne pas aller droit, comme la chèvre, aux parties scabreuses et, pour ainsi dire, aux endroits escarpes de Théocrite, à cette idylle quatrième, par exemple, qui semblait si peu en être une aux yeux de Fontenelle, et dont le trait le plus saillant vers la fin est une épine que l’un des interlocuteurs s’enfonce dans le pied, et que l’autre lui retire. […] Ces détails mêmes, relatifs à un ancêtre illustre qui fit jaillir de terre une fontaine, ne sortent pas du ton, et la description des ormes et peupliers, accompagnement naturel de cette fontaine, jette tout d’abord de l’ombre. — « Nous n’avions pas encore achevé, poursuit-il, la moitié du chemin, et le tombeau de Brasilas ne nous apparaissait pas encore, que nous rencontrâmes un voyageur de bonne race qui allait toujours en compagnie des Muses, Lycidas de Crète, c’était son nom ; il était chevrier, et on ne pouvait s’y méprendre en le voyant. » Suit un compte minutieux de l’accoutrement du personnage ; car, comme ce chevrier cette fois n’en est pas un, et que c’est un poète déguisé sous ce nom, Théocrite prend peine à soigner le costume et à le faire paraître vraisemblable : « De ses épaules pendait une blonde peau de bouc à longs poils, qui sentait encore la présure ; autour de sa poitrine un vieux manteau se serrait d’un large baudrier, et de sa droite il tenait un bâton recourbé d’olivier sauvage. […] Nous en sommes au moment où Delphis prend la parole ; et quoique ce soit Simétha qui nous le traduise, quoiqu’on nous rendant son discours elle continue certainement de le trouver plein de séduction et tout fait pour persuader, il nous est impossible, à nous qui sommes de sang-froid, de ne pas juger que ce beau Delphis était passablement fat et qu’il ne s’est guère donné la peine de paraître amoureux.
Paul Peut-être, mais elle permet de respecter ce qui en vaut la peine et de ne rien devoir à personne. […] Pierre Thibaudet n’en disconvient certainement pas, et se borne à ne pas pourfendre ces gens-là, qui n’en valent guère la peine, pour les mieux accabler d’un silencieux dédain. […] Je me demande si c’est la peine de passer quinze heures en wagon-lit pour aller faire de la copie dans une chambre d’hôtel, alors qu’on la ferait tout aussi bien et même mieux chez soi.
Par instinct, le Français aime à se trouver en compagnie, et la raison en est qu’il fait bien et sans peine toutes les actions que comporte la société. […] Sensible comme il est, les égards, les ménagements, les empressements, la délicate flatterie sont l’air natal hors duquel il respire avec peine. […] Le monde avait les exigences d’un roi absolu et ne souffrait pas de partage. « Si les mœurs y perdaient, dit un contemporain, M. de Besenval, la société y gagnait infiniment ; débarrassée de la gêne et du froid qu’y jette toujours la présence des maris, la liberté y était extrême ; la coquetterie des hommes et des femmes en soutenait la vivacité et fournissait journellement des aventures piquantes. » Point de jalousie, même dans l’amour. « On se plaît, on se prend ; s’ennuie-t-on l’un avec l’autre, on se quitte avec aussi peu de peine qu’on s’est pris.
… Je sais, et c’est là la plus amère de mes peines, que c’est par ma faute que j’ai été abîmé dans une telle ruine ! […] Il y passa quelques jours à écouter de loin le bruit des pas de l’armée des triumvirs qui s’approchaient de Rome ; il semblait résolu à y attendre la mort sans se donner la peine ni de la fuir plus loin ni de la braver de plus près. […] On lui obéit ; il attend sans pâlir ses assassins ; il appuie son coude sur son genou, soutient son menton dans sa main, comme c’était son habitude de corps quand il méditait en repos dans le sénat ou dans sa bibliothèque, et, regardant d’un œil intrépide Hérennius et Popilius, il leur évite la peine de l’arracher de sa litière, et leur tend la gorge comme un homme qui, en allant au-devant du coup, va au-devant de l’immortalité.
Le nid, que je n’eus pas de peine à découvrir, était collé contre la partie inférieure du roc, et présentait les mêmes particularités de forme et de structure que le précédent ; mais il était plus petit, et les œufs, au nombre de six, renfermaient des fœtus déjà bien développés. […] Alors il m’apprit que, sur mon chemin pour revenir à la ville, il s’en trouvait un dont il m’enseigna la place, et qui était remarquable, entre tous, par le nombre immense de ces oiseaux qui s’y retiraient. — M’étant remis en route, j’arrivai bientôt au lieu indiqué et n’eus pas de peine à reconnaître l’arbre en question : c’était un sycomore presque sans branches, portant de soixante à soixante-dix pieds de haut sur huit de diamètre à la base ; il pouvait en avoir encore près de cinq, même à une hauteur de cinquante pieds, où le tronçon d’une branche brisée et creuse, d’environ deux pieds de diamètre, se séparait de la tige principale. […] Mais tout cela fut peine perdue : je ne pus rien voir du tout dans l’intérieur de l’arbre, et ma gaule, d’au moins quinze pieds de long, avait beau s’y promener de droite et de gauche, elle ne touchait à rien qui pût me donner quelque renseignement.
Ce qu’elle a produit pour moi de bon, je ne pourrais pas le publier, et ce qui pourrait être publié ne vaut pas la peine de l’être. […] Leur perte fait de la peine. […] « On m’a toujours vanté comme un favori de la fortune ; je ne veux pas me plaindre et je ne dirai rien contre le cours de mon existence ; mais au fond elle n’a été que peine et travail, et je peux affirmer que, pendant mes soixante et quinze ans, je n’ai pas eu quatre semaines de vrai bien-être.
Travaille seulement bien, et ne t’inquiète pas du reste. » Il voyait mon inquiétude, et cela lui faisait de la peine. […] Vous me feriez de la peine si vous refusiez l’argent ; j’aimerais autant laisser la montre. » Il ne dit plus rien et prit les trente-cinq francs ; puis il ouvrit son tiroir et choisit une belle chaîne d’acier, avec deux petites clefs en argent doré qu’il mit à la montre. […] Cette nouvelle me porta le dernier coup, parce que je ne me sentais plus la force d’avancer, ni d’ajuster, ni de me défendre à la baïonnette, et que toutes mes peines pour venir de si loin étaient perdues.
Et quand ses fonctions de chef d’orchestre l’obligèrent à diriger lui-même de tels opéras, il se donna une peine incroyable pour établir un texte allemand aussi parfait que possible par rapport à la déclamation musicale ; il le fit même lorsqu’il s’agissait d’œuvres banales qui ne sembleraient pas mériter tant d’attention. […] A peine sont-ils prononcés, que la trompette, dont le timbre est caractéristique du motif, accentue cette réminiscence par la quarte suivante. […] Presque aucun de ces auteurs ne se donne la peine d’étudier sérieusement tous les écrits de Wagner, de connaître sa vie, d’étudier patiemment ses partitions, d’entendre souvent les meilleures exécutions, avant de communiquer au monde ce qu’était Wagner et ce qu’ils en pensent66.
. — Wagner a une telle crainte qu’on ne prête aux deux amants des divagations métaphysiques, qu’il se donne même la peine de motiver cette autre antithèse, du jour et de la nuit (qu’il était facile de supposer déduite de celle de la vie et de la mort), par la torche allumée le soir à la fenêtre d’Isolde, en signal de danger. […] On ne se donne plus la peine de rechercher où il l’a exprimée ; c’est inutile, « puisque tout le monde le sait ». […] Il vaut la peine de s’y arrêter, car elle nous donne la clef de l’œuvre.
Elle est pourtant la petite-fille d’une femme qui avait trois millions, et le grand et le petit hôtel Charolais, et le château de Clichy-Bondy, et des plats d’argent pour le rôti de gibier, que deux laquais avaient peine à porter. […] Ça en valait la peine. […] Notre pensée vivant au-dessus des choses bourgeoises, a de la peine à descendre au terre-à-terre de la pensée ordinaire, tout entière alimentée par les basses réalités de la vie et la matérialité des événements journaliers.