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542. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

Je n’aurais jamais pensé que la nature humaine pût descendre si bas : elle a passé mes conjectures et mes espérances. […] Aussi, brûle-t-il de s’en délivrer, et, pour cela, de passer outre, d’arriver d’un bond au terme. […] Le Lamennais des Paroles d’un Croyant sortit un jour de cette lutte intérieure et de cette poignante agonie ; il brisa soudainement avec son passé. […] Seulement, à un moment de l’impression, un passage du chapitre XXXIII, où est décrite une vision, me parut passer toute mesure en ce qui était du Pape en particulier et du catholicisme. […] dans l’avenir, sur quelques-unes des questions les plus vivaces, il n’est pas sûr que, des deux, ce soit Lamennais qui passe pour s’être le plus trompé.

543. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

Elle aime Paris, la société, la conversation, elle ne peut s’en passer ; comme à Mme Du Deffand, dès qu’elle est seule ou peu entourée, le fantôme de l’ennui se dresse à ses yeux et l’épouvante ; elle est vulnérable par là plus qu’on ne peut dire : Clorinde, même quand elle combat, se retrouve tout à coup plus faible qu’une Herminie. […] Toute cette brillante société s’en était allée passer une journée à Chambéry, et l’on s’en revenait à Aix vers le soir, en deux carrosses. […] si maladif de l’âme quand vous êtes vous-même dans une situation où tout votre courage vous est nécessaire ; mais il faut avant tout que vous sachiez ce qui se passe en moi. […] Hier, j’ai passé une moitié de la soirée chez M.  […] M’appliquant, dans ces esquisses, à être aussi complet que possible, du moins par tout ce que j’y rapproche et que j’y rassemble, je veux indiquer encore une lettre écrite à Mme Sophie Gay par le marquis de Custine au sortit d’une soirée passée chez Mme de Staël dans son salon de Paris ; cette lettre est datée du 8 mars 1814, à deux heures du matin.

544. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

Cet homme qui passe pour avoir été si heureux, et dont toute la carrière est comme un démenti donné à l’infortune héréditaire des poëtes, avait son gravier au pied, qui le blessait. […] Comme j’avais assez d’énergie pour montrer mes sentiments dans toute leur vérité, je passais pour fier, et je passe pour tel encore aujourd’hui. […] Je mets le Globe parmi les journaux les plus intéressants, et je ne pourrais pas m’en passer. » Il ne s’occupait guère de nous que « d’hier ou d’avant-hier », il l’avoue ; mais il s’en occupait fort : « (21 janvier 1827.) […] Je sens ce qui pourrait exister, lorsque des hommes comme Alexandre de Humboldt passent par Weimar et en un seul jour me font plus avancer dans mes recherches, dans ce qu’il me faut savoir, que je ne pourrais y réussir par des années de marche isolée sur ma route solitaire. […] C’est un écrivain qui passe pourtant pour honorable, M. 

545. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Vingt hommes auraient pu nous empêcher de passer. […] «  J’arrivai le premier à Roncevaux, où je trouvai les religieux de l’abbaye qui sortaient de l’église, où ils avaient été remercier Dieu de ce que les Français n’avaient pu passer à Roncevaux ; ils furent donc dans une grande surprise de nous voir. […] (Mais quant à ceux qui les ont vus, il ne dit pas ce qui s’est passé.) […] Après plus de trois années, de toute manière assez peu glorieuses, où il avait eu à essuyer bien des disgrâces, et des dégoûts en récompense de son attachement connu à la mémoire et à la famille de Colbert, Foucault demanda instamment à M. de Seignelay, de le tirer de la dépendance, de Louvois, et il obtint de passer intendant à Caen, en janvier 1689. […] Deux ans après Foucault fut témoin de ce qui se passa au combat naval de La Hogue, et du brûlement de nos vaisseaux : une narration confidentielle et sincère qu’il en adressa à M. de Ponchartrain sur la demande de ce ministre, jette un grand jour sur l’impéritie, le désordre, le peu de concert et d’activité des principaux chefs qui commandaient, et sur la part de torts qui revient à chacun.

546. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

Il est plus difficile qu’on ne le croirait de saisir tout d’une venue les grands hommes en tout genre : il faut du temps et passer par plus d’un degré pour arriver à les embrasser dans leur ensemble. En littérature nous avons éprouvé cela pour Dante, Shakspeare, Gœthe : par combien d’explications intermédiaires et partielles n’a-t-on pas dû passer et procéder avant de s’élever à une vue pleine et entière ! […] Après avoir été contemporains ou fils des contemporains, après avoir passé nous-mêmes par les passions ou les suites d’impressions successives, par les flux et reflux des jugements contradictoires, complétons-nous jusqu’à la fin. […] Sa politique extérieure prit, dès ce moment, ce caractère extraordinaire qui la sépare de toutes les traditions de l’ancienne monarchie et qui rompt entièrement avec les pratiques du passé. […] Armand Lefebvre, c’est que l’Empire, passé un certain moment qui remonte même jusqu’au temps du Consulat, ne put jamais fermer son cercle : ce cercle à peine rejoint se rompait et se rouvrait toujours, condamné à s’élargir de plus en plus, et par conséquent de plus en plus sujet à fragilité.

547. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Chez M. de Lamartine, on l’a dit déjà, il s’est passé depuis peu d’années une révolution intérieure, analogue à celle qui s’est opérée en l’abbé de La Mennais : il n’y a qu’à tenir compte de la différence des formes et des caractères. […] Le Voyage en Orientdonna l’éveil ; par sa préface de Jocelyn, l’auteur attacha un sens voulu à beaucoup de parties du poëme qui seraient, sans cette indication, demeurées vagues, je le crois, et qui auraient passé sur le compte de la licence poétique. […] Chasles nous a souvent et à fond entretenus, ils ont vite passé aux doctrines pures et simples de conservation et de résistance. […] L’autre l’écrasait ; lui, il se dérobe : cela ne saurait se passer ainsi.  […] Passe pour Malherbe (qui lui-même ne le disait que par coquetterie) de se comparer, poëte, au joueur de quilles.

548. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Ce n’est pas d’ailleurs en différences et en contrastes que se passera toute cette comparaison : Regnier et Chénier ont cela de commun qu’ils sont un peu en dehors de leurs époques chronologiques, le premier plus en arrière, le second plus en avant, et qu’ils échappent par indépendance aux règles artificielles qu’on subit autour d’eux. […] Chez eux, elle n’apparaît même pas pour être contestée ; ils n’y pensent jamais, et s’en passent, voilà tout. […] Il ne croyait point, par exemple, qu’on pût, dans une même élégie, débuter dans le ton de Regnier, monter par degrés, passer par nuances à l’accent de la douleur plaintive ou de la méditation amère, pour se reprendre ensuite à la vie réelle et aux choses d’alentour. […] Comme son ïambe vengeur nous montrera d’un vers à l’autre les enfants, les vierges aux belles couleurs qui venaient de parer et de baiser l’agneau, le mangeant s’il est tendre, et passera des fleurs et des rubans de la fête aux crocs sanglants du charnier populaire ! […] Notre poète, cédant à des considérations de fortune et de famille, s’était laissé attacher à l’ambassade de Londres, et il passa dans cette ville l’hiver de 1782.

549. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

Ces femmes, pourtant, sont « philosophes » : elles se passent de Dieu avec sérénité. […] Enfin, après que six censeurs successifs y eurent passé, les comédiens eurent le droit de jouer la pièce dans leur nouvelle salle (l’Odéon actuel). […] Cela lui faisait d’abord passer six jours à Saint-Lazare, et rendait ensuite le ministère plus coulant avec lui sur leurs règlements de comptes. […] Chérubin est l’enfant en voie de passer homme, qui ne connaît pas la femme, et que la pensée de la femme obsède, tout bouillant de désirs effrontés et timides. […] Les deux pièces donnent l’idée d’un dialogue rapide et nerveux, collé sur l’action et agissant lui-même, d’un style apte à passer la rampe, pas très naturel, mais condensé, saisissant, réveillant.

550. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « La génération symboliste » pp. 34-56

La France s’était crue guérie de ses longues agitations passées. […] J’en veux prendre exemple sur ce qui se passait au lycée Charlemagne où je fis mes études. […] Les vues de la jeunesse en étaient brouillées d’autant plus que tout ce qui se passait autour d’elle contribuait à élargir la fissure et à empirer le gâchis. […] Ils passent dédaigneux devant les décorations et les prébendes officielles et méprisent la sottise rentée. […] Qu’on me passe cet accès de franchise d’autant plus excusable que nous nous sommes ressaisis depuis.

551. (1890) L’avenir de la science « V »

C’est qu’en effet la science n’aura détruit les rêves du passé que pour mettre à leur place une réalité mille fois supérieure. […] Pour passer du beau monde poétique des peuples naïfs au grand Cosmos de la science moderne, il a fallu traverser le monde atomique et mécanique. […] Avec une conscience de l’humanité aussi développée que la nôtre, nous aurions bien vite fait le rapprochement, nous nous jugerions comme nous jugeons le passé, nous nous critiquerions tout vivants. […] Il me semble que parfois j’ai réussi à reproduire en moi par la réflexion les faits psychologiques qui durent se passer naïvement dans ces grandes âmes. […] Je n’hésite pas à le dire, le temps de ces sortes de rôles est passé.

552. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

C’est que sur le calcul, dit-on, de Cassini, Un astrolabe en main, elle a, dans sa gouttière, À suivre Jupiter passé la nuit entière. […] Si l’on en croit La Harpe, qui se fonde sur l’autorité de Voltaire, madame de Sévigné a dit que Racine passerait comme le café. […] Voltaire dit seulement : Elle croyait que Racine passerait comme le café 131. […] L’actrice qui excellait à l’exprimer sur la scène, et qui passait même pour l’inspirer à l’auteur, était la Champmeslé, comédienne excellente, mais courtisane dangereuse qui avait séduit le jeune Sévigné, dont elle dérangeait la fortune, en donnant des soupers où Racine et Boileau se trouvaient. […] Benserade, comme Voiture, passait sa vie avec les grands.

553. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Cet espoir de Commynes que son livre pourra être mis en langue latine, ressemble presque à une plaisanterie, et peut passer pour une simple politesse. […] Avant de passer au service de Louis XI, Commynes était donc attaché à l’héritier de Bourgogne, au prince qui allait être Charles le Téméraire. […] On passe la nuit dans les transes, se croyant perdu si l’ennemi reparaît au matin. […] Avec Commynes, cela se marque même dans la langue, le règne de la chevalerie est passé, celui de la bourgeoisie commence. […] Il fit prévenir à temps le roi de l’excès du danger et de la nécessité d’en passer à tout prix par les conditions qu’on exigerait.

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