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2037. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Tallemant des Réaux »

Pour rappeler la plaisanterie connue de la maréchale de Boufflers à son mari, il pouvait passer, le bonhomme, on lui avait donné… Mais voilà précisément ce qu’il ne fait pas ! […] Mais, quels que soient la médaille l’exergue du roi qui passe, c’est, depuis la Renaissance, l’identité du même paganisme restant dans les mœurs de la royauté. […] Dans ce passage de la Ligne pour l’Histoire, qui va de 1572 à 1600, la métamorphose avait été complète : intérêts, institutions, préoccupations, franchises, beaux-arts, théâtres, architecture, langues, costumes, plaisirs, rien ne ressemblait au passé… Mais, plus tard, le dénoùment du faisceau devenait plus rapide.

2038. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Sixte-Quint et Henri IV »

cette espèce de Robert Macaire héroïque à qui la France, qui aime à rire, a passé ses duplicités et ses manquements de foi et de sincérité, comme si c’étaient des plaisanteries. Mais si Segretain, comme je le crois, a bien vu dans Henri, par-dessous les gasconnades du protestant, le catholique par le tempérament, par le sens pratique, par la connaissance qu’il avait des instincts du génie et du passé de la France, sa faute, que Segretain et les catholiques absolus lui reprochent, est d’autant plus grande et devient à peu près incompréhensible ! […] L’heure était passée.

2039. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme au XVIIIe siècle » pp. 309-323

Je crois même que si on remontait jusqu’à cette Femme au xviiie  siècle, leur meilleur livre pourtant, on pourrait y retrouver quelque chose des premiers linéaments, des premiers traits de ce réalisme dont ils ont été les générateurs, et le dégager de ce livre où il n’apparaît pas encore avec cette netteté qui viole le regard… L’abus du détail, l’accumulation des infiniment petits dans la description effrénée, illimitée, aveuglante, qui tient toute la place de l’attention et qui prend celle de la pensée, la matérialité plastique exagérée et impossible en littérature, on pourrait, en cherchant bien, trouver tout cela dans cette Femme au xviiie  siècle, qui, quand elle fut publiée pour la première fois, a passé sans qu’on y vit tout cela. […] L’idée était juste et lumineuse ; elle avait passé sous les plumes de ces historiens comme un éclair perçant et pénétrant dans l’Histoire. […] Après avoir fait la terrible histoire de l’amour dépravé de l’homme au xviiie  siècle, MM. de Goncourt passent à celui de la femme, objet de leur livre : « La femme — disent-ils — égala l’homme, si elle ne le dépassa, dans ce libertinage de la méchanceté galante.

2040. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Th. Carlyle » pp. 243-258

Un autre petit homme dans l’Histoire avait, comme Carlyle, écrit précisément celle de la Révolution française, n’ayant souci de rien que de se montrer révolutionnaire dans cette histoire, — le long de laquelle il passa à travers toutes les opinions, comme le singe de la Fable à travers son cerceau, avec les souplesses d’un esprit que le scepticisme rend plus souple encore ; — Thiers, qui grimpe sur toutes les idées comme il en dégringole, avec la même facilité, n’est que l’écureuil de la Politique et de l’Histoire ; mais quelle que soit l’alacrité des mouvements de l’écureuil, son genre historique, sobre de couleur, n’en a pas moins la gravité, il faut bien dire le mot, d’un homme qui est souvent un Prud’homme littéraire. […] Il en a l’éclair et l’éclat de ce grand rire gouailleur qui descend un homme du troisième ciel avec une épithète et lui passe la flèche du ridicule à travers le corps. — Rabelais n’est pas seulement un caricaturiste de premier ordre, comme j’ai appelé Carlyle au commencement de ce chapitre. […] Tout devient vert dès qu’il s’agit de Robespierre, qui, de vert de mer, passe à certains moments au vert de suif.

2041. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hoffmann »

Il nous est impossible d’aller plus loin… À notre sens, Champfleury tire de son travail en l’honneur d’Hoffmann des conclusions entièrement contraires à la vérité de cet homme, qui a été exagéré comme tout ce qui nous est venu de l’Allemagne depuis de longues années, et qui passera, quoiqu’il soit un conteur et un fantastique, tout autant que s’il était un philosophe. […] Voilà bien des années passées, et on y regarde aujourd’hui, on interroge ce succès… Certes ! […] C’est l’insaisissable et l’incompréhensible de ces difficiles compositions qu’il faut passer des années entières à étudier !

2042. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XX. M. de Montalembert »

La misère de la gloire qui vient par la parole, c’est que de toutes les gloires qui s’altèrent et qui passent, elle est celle-là qui passe et qui s’altère le plus. […] Après avoir tâté ce fier sujet de saint Bernard, qui n’est pas un aérolithe tombé dans l’histoire, mais qui a des racines dans le passé, qu’il faut découvrir, et d’autres racines dans l’avenir, qu’il faut suivre encore, M. de Montalembert, à qui les habitudes oratoires ont ôté le degré d’attention nécessaire pour approfondir un sujet, a laissé là le sien, mais du moins a voulu utiliser les lectures qu’il avait faites pour le traiter.

2043. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVIII. M. Flourens »

C’est cette chose dont on peut se passer aussi en France, mais non sans en souffrir : l’agrément ! […] Il n’est plus que le Céladon, plus passé que ses aiguillettes, d’anciennes bucoliques oubliées, — un pasteur d’Arcadie, enterré en Académie. […] Flourens jetait aux Bichats de l’avenir, pour le développer, le germe d’une nouvelle chirurgie, et ce n’était là qu’un profit de la physiologie ; mais la théorie posant l’axiome superbe : « la matière passe et les forces restent », frappait le matérialisme, d’un premier coup, au ventre même.

2044. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Athanase Renard. Les Philosophes et la Philosophie » pp. 431-446

La philosophie du xviiie  siècle, qui passe pour si spirituelle, n’a pas eu l’esprit de l’inventer ! […] Un jour, elle a passé, cette terrible idée, dans l’esprit d’un homme de génie, et Dieu sait le trouble qu’elle y jeta ! […] passe en revue toutes les philosophies depuis Descartes, qu’il n’adore tant que parce qu’il a opposé, malgré son doute scientifique, le Spiritualisme au Matérialisme de son époque.

2045. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Auguste Barbier »

Les Silves sont non seulement un recueil de vers médiocres, mal faits et souvent d’une platitude suprême, mais de plus ce fut un affreux désastre pour le poète, atteint par cette publication jusque dans le passé de son génie, Ce qui avait, en effet, marqué le génie d’Auguste Barbier de ce grand et exceptionnel caractère sur lequel j’ai tant insisté, ce fut son éruption sans fumée, l’élancement si subitement pyramidal de la flamme du volcan vers le ciel ; ce fut, enfin, ce premier coup d’archet, sans prélude, sans agacement préalable d’aucune corde, qu’on appelle La Curée, et qui ne pouvait s’élever d’une note de plus sans faire voler l’instrument en éclats ! […] Ce sont des demeures à terre et plus bas que terre d’un esprit qui a eu parfois des ailes, comme le condor, de trente-deux pieds d’envergure… Ce qu’on pourrait dire des gaucheries sans nom, des maladresses, et, qu’on me passe le mot ! des patauderies du sublime auteur du Pianto et qui tiennent à la profonde ignorance de son métier, passerait toute créance.

2046. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

Adrien, poète, peintre, architecte et historien, passa encore pour le premier orateur de son siècle. […] L’empereur Tacite, maître du monde, se glorifiait de descendre de l’historien de ce nom, et ne passait pas une nuit sans lire ou composer. […] S’il ne trouve pas un homme, dans son siècle, digne de lui commander, il va demander un maître aux siècles passés : il lui dit, règne sur moi : et aussitôt se prosterne et se courbe aux pieds de sa statue.

2047. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXV. Avenir de la poésie lyrique. »

L’âge de l’enthousiasme et de l’imagination est-il passé pour les peuples, ou même épuisé pour l’homme ? […] N’essayez donc pas de prétendre, ne vous flattez pas, même dans le passé, qu’il ait pu jamais exister un grand état de société humaine dépouillé de tout instinct d’agitation généreuse, déchu de l’indépendance sous toutes ses formes, s’enfermant avec quiétude et bonheur dans le cercle de la conquête, et n’aspirant qu’au pain du jour, dans l’égalité de l’esclavage. […] Nous avons passé le milieu du dix-neuvième siècle : avant que le terme en soit atteint, la barbarie musulmane sera chassée de l’Europe.

2048. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Je sais que tout bas-bleu tient à passer pour oiseau rare, de couleur inédite ou presque dans sa race : merle blanc ou cygne noir. […] Des années passent sans altérer sa puissante beauté. […] Imitation commerciale de Paul Bourget : Outre-mer, paraît-il, s’est bien vendu en Amérique ; essayons de passer aux mêmes clients un rossignol analogue. […] Sous les résignations émouvantes de ses femmes trahies on sent un long passé de larmes et, parce qu’elles ne pleurent plus, elles nous font pleurer. […] Passez en paix, les amazones.

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