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33. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre V. Observations philosophiques devant servir à la découverte du véritable Homère » pp. 268-273

. — C’est le propre des barbares d’agrandir et d’étendre toujours les idées particulières. Les esprits bornés, dit Aristote dans sa Morale, font une maxime, une règle générale, de chaque idée particulière. La raison doit en être que l’esprit humain, infini de sa nature, étant resserré dans la grossièreté de ses sens, ne peut exercer ses facultés presque divines qu’en étendant les idées particulières par l’imagination. […] Le public moderne, d’accord en cela avec l’ancien, veut que les opéras dont les sujets sont tragiques, soient historiques pour le fond ; et s’il supporte les sujets d’invention dans la comédie, c’est que ce sont des aventures particulières qu’il est tout simple qu’on ignore, et que pour cette raison l’on croit véritables. — 8.

34. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

Ce qui existe, ce qui seul est donné à l’observation, ce sont des sociétés particulières qui naissent, se développent, meurent indépendamment les unes des autres. […] Il serait aisé de montrer que, dans chacun des problèmes particuliers qu’il aborde, sa méthode reste la même. […] Nous faisons des faits qui s’y rapportent un groupe particulier, auquel nous donnons un nom particulier ; ce sont les phénomènes de la vie domestique. […] L’objet de chaque problème, qu’il soit général ou particulier, doit être constitué suivant le même principe. […] En effet, la façon dont les faits sont ainsi classés ne dépend pas de lui, de la tournure particulière de son esprit, mais de la nature des choses.

35. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre II. Des idées générales et de la substitution simple » pp. 33-54

. — Sens particuliers qu’ils donnent aux noms que nous leur enseignons. — Originalité et variété de leur invention. — Leurs tendances à nommer finissent par coïncider avec les nôtres. — Acquisition du langage. — Différence de l’intelligence humaine et de l’intelligence animale. […] Impossible de l’imaginer, même coloré et particulier, à plus forte raison général et abstrait. […] Elle se manifeste sur les lèvres par les mots d’épanouissement, de bonheur, de volupté noble ; en même temps, la vue intérieure a saisi quelque image correspondante, une fleur qui s’ouvre, un visage qui sourit, un corps penché qui s’abandonne, un accord riche et plein d’instruments doux, une caresse d’air parfumé dans une campagne ; voilà des comparaisons et métaphores expressives, c’est-à-dire des représentations sensibles, des souvenirs particuliers, des résurrections de sensations, toutes analogues à celles que je viens d’éprouver, du même ton et du même tour. […] Une difficulté extraordinaire a été levée ; dans un être dont la vie n’est qu’une expérience diversifiée et continue, on ne peut rencontrer que des impressions particulières et complexes ; avec des impressions particulières et complexes la nature a simulé en nous des impressions qui ne sont ni l’un ni l’autre et qui, ne pouvant être ni l’un ni l’autre, semblaient devoir échapper pour toujours, par nécessité et par nature, à notre être tel qu’il est construit. […] Nous leur nommons tel objet particulier et déterminé, et, avec un instinct d’imitation semblable à celui des perroquets et des singes, ils répètent le nom qu’ils viennent d’entendre. — Jusque-là, ils ne sont que des singes et des perroquets ; mais ici se manifeste une délicatesse d’impression toute spéciale à l’homme.

36. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

De ce que la théologie eh particulier à fait pour la langue. — Sermons de saint Bernard traduits en français. — Fragment inédit d’un sermon de Gerson. — § IV. […] De ce que la théologie eh particulier à fait pour la langue. — Sermons de saint Bernard traduits en français. — Fragment inédit d’un sermon de Gerson. […] C’est le trait particulier des chroniqueurs du quinzième siècle. […] Ce progrès n’a pas été particulier à la France, mais il y a été plus rapide et plus sensible. […] La civilisation n’est-elle pas le travail d’un peuple particulier pour réaliser un certain idéal de la vie sociale qui serve d’exemple et de type aux autres peuples, de même que la littérature n’est que l’effort suprême de l’esprit particulier de cette nation pour devenir l’esprit humain ?

37. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VIII. De la clarté et des termes techniques »

Un philosophe écrivant pour des philosophes, un archéologue écrivant pour des archéologues, un savant écrivant pour des savants, n’ont qu’à appliquer aux choses les termes techniques de leur science spéciale : ils ne veulent pas être compris de tout le monde, et il leur suffit d’être entendus de ceux qui connaissent ces vocabulaires particuliers, et plus ils mettront de rigueur dans cet emploi des mots techniques, plus ils préciseront leur pensée et éclairciront leur sujet. […] Brunetière, après avoir cité une description d’un romancier contemporain, je puis voir effectivement toutes ces choses… Ce sont des tableaux… dont nous n’avons pas besoin d’avoir vu les modèles, pour louer la ressemblance, puisqu’ils ne sont, après tout, que des associations nouvelles d’éléments anciens, de formes familières et de couleurs accoutumées… Nous sommes rentrés ici dans la vérité de l’art, qui consiste à décrire les choses les plus particulières par les termes les plus généraux, et d’autant plus généraux, qu’il s’agit de nous communiquer l’impression de choses plus particulières. » Il semble que nous soyons ramenés au fameux précepte de Buffon, qui recommande d’avoir attention à ne nommer les choses que par les termes les plus généraux. […] Au contraire, il ne s’agit ici que des choses les plus particulières, qui ne peuvent être rendues que par des vocables exotiques ou techniques, incompris de la foule des lecteurs : c’est qu’alors, et ce n’est qu’alors, que les termes généraux, clairs et intelligibles, seront préférables aux termes propres, prétentieusement obscurs.

38. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Outre les amis que celui-ci avait dans le peuple, il était entouré d’émigrés de toutes les nations, qui lui servaient de garde particulière. […] On fonda pour eux des chapelles particulières. […] Chaque réfutation particulière allait grossir comme annexe la partie de l’ouvrage à laquelle l’objection se rattachait. […] Chaque ordre de vérités fait la matière d’un livre, lequel se subdivise en chapitres, où chaque vérité ou proposition particulière est traitée méthodiquement. […] Il faut voir avec quelle dureté, dans ses réponses particulières, il traitait ses principaux adversaires, Gentilis, Bolsec, Michel-Servet, et d’autres.

39. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Essai, sur, les études en Russie » pp. 419-428

En Allemagne, il y a, matin et soir, des heures fixes pour l’instruction publique, où tous les enfants assistent gratuitement ; mais, après ces heures publiques, le maître d’école en tient encore une privée pour les enfants des citoyens plus aisés, qui lui payent pour ces soins particuliers une modique rétribution. […] Ces leçons particulières sont aussi une espèce de baromètre pour déterminer le mérite du préfet d’une classe : car lorsque ce préfet est sot ou paresseux, les parents ne sont pas assez dupes pour envoyer leurs enfants à ses leçons privées, et mon pédant reste sans pratique. […] J’oubliais de dire que dans ces écoles on cultive aussi la musique, et qu’elle est particulièrement enseignée à un certain nombre de pauvres écoliers qui, par une fondation particulière, sont nourris, logés et quelquefois vêtus sous l’inspection spéciale d’un préfet, et suivent d’ailleurs toutes les études avec les autres écoliers. […] Pour chacune de ces parties il y a des chaires et un professeur particulier, et c’est la réunion de ces chaires qui s’appelle faculté, comme la réunion des facultés s’appelle université. […] Tout homme qui a pris ses degrés dans une université est en droit d’y donner des cours particuliers aux étudiants qui voudront le payer, quoiqu’il n’y ait que les professeurs publics de gagés et d’obligés à des leçons gratuites.

40. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre II. Pourquoi il faut préférer la méthode inductive » pp. 13-14

Faut-il employer la méthode déductive, celle qui va du général au particulier et qui est usitée surtout dans les sciences mathématiques ? Faut-il préférer la méthode inductive, celle qui va du particulier au général et qui trouve son emploi ordinaire dans les sciences physiques et naturelles ? […] La simple induction, tirée d’un grand nombre de faits particuliers, qu’en telles circonstances données les choses se passent de telle ou telle façon.

41. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IV. L’antinomie dans l’activité volontaire » pp. 89-108

Sans parler des conditions physiques comme le climat, on comprend que les conditions de vie sociale, la profession, le rang, l’état de fortune, les relations, l’isolement ou la vie de société fassent triompher dans la conduite ordinaire d’un individu tel ou tel ordre de considérations, telles, ou telles, raisons d’agir et impriment à sa volonté et à son caractère telle courbure particulière. […] La volonté d’un homme est seulement accessible ou surtout accessible à une espèce particulière de motifs. […] Mais la volonté générale se résout à l’analyse en un certain nombre de volontés particulières, celles des groupes dont on fait partie et qui ne laissent pas d’être tyranniques chacune pour son propre compte. […] « Chacun aime la licence, dit de Bonald ; et tous veulent l’ordre, et, certes, ici la volonté générale de la société n’est pas la somme des volontés particulières des individus. » 36. […] « À part les doctrines particulières des penseurs (Comte) qui visent à établir un despotisme de la société sur l’individu, il y a aussi dans le monde une forte et croissante inclination à étendre d’une manière outrée le pouvoir de la société sur l’individu et par la force de l’opinion, et par celle de la législation.

42. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre X. L’antinomie juridique » pp. 209-222

Ce qu’il y a de mauvais en elle est transitoire et de peu de conséquence et n’affecte que le particulier, tandis que ce qu’elle a de bon, elle le tient de la fixité et permanence de l’institution de justice et, par là, elle satisfait le général. […] Le juge applique un article du code à un cas donné comme le mathématicien applique une formule à un problème particulier. […] Les lois ne sont que des généralisations factices où l’on fait rentrer, en les bousculant et en les détériorant, le plus possible de cas particuliers : d’où sous une apparente unité qui repose surtout sur des mots, des heurts constants, des contradictions perpétuelles de détail. […] Et il y a un autre individualisme, positif celui-là et évolutif, qui oppose à l’ancienne conception dogmatique et autoritaire du droit, une conception plus large, plus souple ; qui adapte le droit à la diversité des individus et des cas particuliers, au lieu de plier la diversité des individus et des actes humains à la règle inflexible du droit. […] Le caractère absolutiste de la loi est atténué par plusieurs causes qui ont joué un rôle dans le passé et qui continuent encore à agir dans le présent. — L’une de ces causes est l’influence de la jurisprudence qui est une sorte de casuistique judiciaire, une adaptation du droit aux individus et aux cas particuliers.

43. (1890) L’avenir de la science « IX »

L’éclectisme ne s’est affaibli que le jour où des-nécessités extérieures, auxquelles il n’a pas pu résister, l’ont forcé à embrasser exclusivement certaines doctrines particulières, qui l’ont rendu presque aussi étroit qu’elles-mêmes, et à se couvrir de quelques noms, qu’on doit honorer autrement que par le fanatisme. […] De quel droit donc formerait-on un ensemble ayant droit de s’appeler philosophie, puisque cet ensemble, dans les seules limites qu’on puisse lui assigner, a déjà un nom particulier, qui est la psychologie 86. […] Il est temps de revenir à l’acception antique, non pas sans doute pour renfermer de nouveau dans la philosophie toutes les sciences particulières avec leurs infinis détails, mais pour en faire le centre commun des conquêtes de l’esprit humain, l’arsenal des provisions vitales. […] Et déjà même de nos jours, bien que les sciences particulières soient loin d’avoir atteint leur forme définitive, combien de données inappréciables n’ont-elles pas fournies à l’esprit qui aspire à savoir philosophiquement ? […] Je vais éclairer par un exemple la manière dont on pourrait faire servir les sciences particulières à la solution d’une question philosophique.

44. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

L’inclination qu’il avait pour la Poésie le fit s’appliquer à lire les Poètes avec un soin tout particulier ; il les possédait parfaitement, et surtout Térence. […] Quoi qu’il fût très agréable en conversation lorsque les gens lui plaisaient, il ne parlait guère en compagnie, à moins qu’il ne se trouvât avec des personnes pour qui il eût une estime particulière : cela faisait dire à ceux qui ne le connaissaient pas qu’il était rêveur et mélancolique ; mais s’il parlait peu, il parlait juste, et d’ailleurs il observait les manières et les mœurs de tout le monde ; il trouvait moyen ensuite d’en faire des applications admirables dans ses Comédies, où l’on peut dire qu’il a joué tout le monde, puisqu’il s’y est joué le premier en plusieurs endroits sur des affaires de sa famille, et qui regardaient ce qui se passait dans son domestique. C’est ce que ses plus particuliers amis on remarqué bien des fois. […] Ce qui était cause de cette inégalité dans ses ouvrages, dont quelques-uns semblent négligés en comparaison des autres, c’est qu’il était obligé d’assujettir son génie à des sujets qu’on lui prescrivait, et de travailler avec une très grande précipitation, soit par les Ordres du Roi, soit par la nécessité des affaires de la Troupe, sans que son travail le détournât de l’extrême application, et des études particulières qu’il faisait sur tous les grands rôles qu’il se donnait dans ses Pièces. […] Il n’était pas seulement inimitable dans la manière dont il soutenait tous les caractères de ses Comédies ; mais il leur donnait encore un agrément tout particulier par la justesse qui accompagnait le jeu des Acteurs ; un coup d’œil, un pas, un geste, tout y était observé avec une exactitude qui avait été inconnue jusques-là sur les Théâtre de Paris.

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