» Une telle parole achève d’élucider notre pensée. […] Quand le cri ne remplace pas la parole, comme le faisait déjà remarquer Sainte-Beuve, un poète ne passe point pour vigoureux. […] Sa figure s’animait, sa parole devenait prompte et son geste extrêmement vif. […] Et il ajoute une parole de compassion sur la fièvre « froide en été ». […] II, p. 59. — Antoni Deschamps, Dernières paroles.
Dupin ne se déconcerte guère, comme on sait ; il rougit malaisément, d’habitude ; les embarras ne s’y lisent jamais : sa lèvre, en ces moments-là, est seulement un peu plus arrogante que de coutume, sa parole plus décidée, sa probité de langage plus austère. […] Mais ceci n’était plus qu’une jactance oratoire, une morgue de faux homme de bien, du moment que, magistrat investi des plus hautes fonctions du ministère public, on avait fait taire dans une circonstance décisive son devoir suprême, sa conscience légale, ses antécédents notoires, et jusqu’à ces instincts entraînants de parole, seconde conscience de l’orateur.
S’il falloit d’autres preuves des sentimens de M. de Montesquieu, nous n’aurions qu’à rappeler sa mort chrétienne & ses propres paroles à Madame la Duchesse d’Alguillon : La révélation est le plus beau présent que Dieu pût faire aux Hommes. […] Les Philosophes lui sauront peu de gré de ces dernieres paroles ; peut-être n’ont-elles pas peu contribué à exciter leur dépit.
On ne dit point que l’actrice qui daigne encore jouer quelquefois le rôlle de Phedre dans la tragedie de Racine, qu’elle chante le recit qui commence par ces paroles. […] quoique sa déclamation ne soit alors differente du chant musical, que parce que les sons que forme une personne qui déclame ne sont point frappez separement et ne reçoivent pas leur perfection dans les mêmes parties de l’organe de la parole, que les sons que forme une personne qui chante.
Ce sont les mathématiques de la parole. […] Il y a dans ces paroles une grande erreur. […] Non ; l’origine de la Marseillaise, musique et paroles, est d’une nature bien supérieure. […] « Puisque c’est par l’action que la tragédie imite, une première conséquence, c’est qu’une partie de la tragédie est nécessairement la pompe du spectacle, et que la mélopée et les paroles ne viennent qu’ensuite. […] J’entends par les paroles la composition des vers ; et quant à la mélopée, chacun sait assez clairement tout ce qu’elle est.
Jouffroy, et qui se déclare à la première observation, soit qu’on juge le philosophe sur ses pages lentes et pleines, soit qu’on assiste au développement continu et régulier de sa parole. […] Jouffroy111 ; c’est l’homme seulement que nous voulons de lui, l’écrivain, le penseur, une des figures intéressantes et assez mystérieuses qui nous reviennent inévitablement dans le cercle de notre époque, un personnage qui a beaucoup occupé notre jeune inquiétude contemplative, une parole qui pénètre, et un front qui fait rêver. […] Son accent, après la première moitié assez monotone, s’élevait et s’animait ; l’espace entre ses paroles diminuait ou se remplissait de rayons. […] On le conçoit ; dans ses habitudes de pensée et de parole, il a besoin d’espace et de temps pour se dérouler, et de silence en face de lui. […] Et pourtant la parole, hardiment prise en deux ou trois occasions, eût vaincu ce préjugé ; M.
De Maistre n’est en reste avec personne, ni de paroles méprisantes quand il mesure leurs talents, ni d’indignation généreuse quand il flétrit leurs actes. […] Il y a en effet les paroles, expression des pensées, et un musicien invisible qui les accompagne avec un instrument sans nom, plus riche, plus doux et plus mélodieux que le plus parfait qui ait été fabriqué de main d’homme. […] S’il s’y trouve des paroles d’admiration passionnée pour les hommes, grands entre tous, auxquels la Providence confère la tutelle des sociétés que leurs fautes et celles de leurs gouvernements ont menées aux abîmes, toute la partie politique du livre n’est qu’un long enseignement des moyens de ne pas rendre cette tutelle nécessaire. […] Est-il vrai que plus d’un auditeur de la Sorbonne, sous le charme de tant de belles paroles sur Dieu, l’homme, le monde et leurs rapports, s’achemina vers Notre-Dame plus qu’à demi conquis aux vérités religieuses, qu’enseignaient, du haut de la chaire chrétienne, des prédicateurs plus loin des voies des grands sermonnaires que le philosophe ne l’était des voies de Descartes ? Ces auditeurs étaient-ils des gens touchés, allant du Dieu de l’éclectisme au Dieu de l’Evangile, ou des Athéniens courant d’une tribune à une autre tribune, du plaisir de la parole au plaisir de la parole ?
Enfin, lorsqu’il sait parler, il substitue la parole intérieure à l’action en disant : l’épine fait mal. Cette proposition signifie : j’ai la représentation d’une multiplicité indéfinie d’épines et la représentation de leur similitude, grâce à la similitude des sensations qu’elles causent ; en même temps j’esquisse, en pensée et en parole, le mouvement de réaction à l’opposé de l’objet, sous le souvenir de la sensation pénible associée à l’image de l’épine. […] Dire : deux et deux font quatre, c’est, en abrégé et par parole, prendre deux objets, puis deux, et les réunir en une même représentation qui résume et synthétise les mouvements successifs de la main ou de l’œil. D’où l’on peut conclure, en premier lieu, que, s’il est question de choses pratiques et non pas seulement théoriques, nous avons des représentations et réactions liées par un déterminisme analogue à celui qui liait les sensations primitives et les réactions primitives, avec une différence de complexité ; et en second lieu que, s’il est question de jugements théoriques, la réaction existe encore, mais sous la forme de cette parole intérieure qui est une esquisse de mouvements et d’actes. […] Ce qui ressemble de loin aux poids, ce sont les influences extérieures et adventives, sensations, paroles, conseils, ordres, suggestions de toutes sortes, qui encore n’agissent qu’en se combinant avec nos dispositions propres ; mais il y a des motifs internes, les plus décisifs en définitive, les seuls vrais motifs d’une détermination volontaire en tant que telle.
Il lui promit dès lors sa protection à tout événement, et il tint parole. […] J’en avais la certitude ; mais, dans la situation actuelle, je devais éprouver une satisfaction particulière à recevoir de bonnes et amicales paroles qui me parviennent d’un pays où, dans ces derniers temps, la Russie et son souverain n’ont cessé d’être en bulle aux plus haineuses accusations. […] Mais qu’un malheur, une perte cruelle vienne frapper un de ces anciens amis refroidis et devenus silencieux, la première pensée de la princesse Mathilde est de tenter cette ancienne amitié dont elle sent une part toujours vivante en elle, et de voir si on n’accueillera pas une parole de sympathie et de consolation.
L’acte répondait aux paroles. […] Léonidas ou tel autre héros grec a-t-il mêlé un juron de son temps à la parole sublime qui a traversé les siècles, et qui, des Thermopyles ou de Marathon, est venue jusqu’à nous ? […] Thiers a extrait, dégagé et distribué avec un art qui se dérobe tout ce qui est authentique, ce qui est pur, élevé, inaltérable, — toutes paroles d’or.
À la verte confiance de la première jeunesse, à la croyance ardente, à la virginale prière d’une âme stoïque et chrétienne, à la mystique idolâtrie pour un seul être voilé, aux pleurs faciles, aux paroles fermes, retenues et nettement dessinées dans leur contour comme un profil d’énergique adolescent, ont succédé ici un sentiment amèrement vrai du néant des choses, un inexprimable adieu à la jeunesse qui s’enfuit, aux grâces enchantées que rien ne répare ; la paternité à la place de l’amour ; des grâces nouvelles, bruyantes, enfantines, qui courent devant les yeux, mais qui aussi font monter les soucis au front et pencher tristement l’âme paternelle ; des pleurs (si l’on peut encore pleurer), des pleurs dans la voix plutôt qu’au bord des paupières, et désormais le cri des entrailles au lieu des soupirs du cœur ; plus de prière pour soi ou à peine, car on n’oserait, et d’ailleurs on ne croit plus que confusément ; des vertiges, si l’on rêve ; des abîmes, si l’on s’abandonne ; l’horizon qui s’est rembruni à mesure qu’on a gravi ; une sorte d’affaissement, même dans la résignation, qui semble donner gain de cause à la fatalité ; déjà les paroles pressées, nombreuses, qu’on dirait tomber de la bouche du vieillard assis qui raconte, et dans les tons, dans les rhythmes pourtant, mille variétés, mille fleurs, mille adresses concises et viriles à travers lesquelles les doigts se jouent comme par habitude, sans que la gravité de la plainte fondamentale en soit altérée. […] De là, dans les moments résignés et pour toute maxime de sagesse, ces fatales paroles : Oublions, oublions !
La fondation de toute ville doit être consommée par un fratricide ; au fond de toutes les substructions solides, il y a le sang de deux frères. » Et à la même heure un prophète d’Israël, captif, qui a tout vu de Babylone, prononce ces paroles : Ainsi les nations s’exténuent pour le vide ; Et les peuples se fatiguent au profit du feu. […] C’est qu’il les connaît pour les avoir étudiées dans le passé et dans le présent et que, s’il est poète, il est historien Ou bien parmi de magnifiques paroles sur la vertu, il nous avertit subitement qu’elle n’est que duperie, et cela nous scandalise ; mais ce n’est pourtant qu’une façon de dire que la vertu est à elle-même sa très réelle récompense. […] — S’il rêve, c’est le Breton qui rêve en lui ; s’il raille, c’est le Gascon qui prend la parole ; s’il prie, c’est l’ancien lévite ; s’il se défie, c’est l’historien.