Aussi peut-on dire que le sentiment religieux a constamment été en raison du sentiment moral, et quand la foi du croyant a eu besoin d’un commentaire de la parole sainte, où l’a-t-elle cherché ?
Ne doutez pas, Messieurs, qu’au xviie siècle, qui peut-être est celui de tous où l’on a cru le plus fermement mais surtout le plus consciemment au pouvoir de la volonté, cette heureuse invention de Corneille n’ait été pour une grande part dans le succès du Cid, et que les contemporains n’en aient rien tant applaudi que les fières paroles de Rodrigue : Car enfin n’attends pas de mon affection Un lâche repentir d’une bonne action ! […] Il nous en a convaincus nous-mêmes ; et, pour nous faire accepter les horreurs tragiques de sa Rodogune ou la mystérieuse complication de son Héraclius, nous n’exigeons même plus qu’il nous produise ni témoins ni garants : nous l’en croyons sur sa parole. […] Mais, vous-même, vous ne le reconnaîtriez pas sous le costume de don Juan, avec l’épée au côté et le chapeau à plumes sur la tête ; vous donneriez d’autres noms à son hypocrisie ; vous la qualifierez des noms de méchanceté, de dilettantisme ; — à moins encore qu’il ne vous plût d’excuser le cynisme de ses paroles sur la sincérité de ses convictions, et la licence de ses actes sur la force de ses instincts, ou de son tempérament. […] — si vous voulez admettre que cet homme, encore qu’il en eût vingt raisons, toutes plus puissantes les unes que les autres, n’ait jamais éprouvé la curiosité de savoir ce que ses deux enfants avaient pu devenir ; enfin, si vous voulez admettre que cette grande dame, affamée de débauches, ait justement jeté, par une rencontre singulière, le dévolu de son amour sur ses deux fils, l’un après l’autre ou ensemble, alors, si vous nous accordez toutes ces suppositions, nous nous engageons de notre part à vous émouvoir fortement… Et moi, Mesdames et Messieurs, je les en crois sur leur parole, mais je ne veux pas être ému de cette manière ; et je ne le veux pas, parce que l’art n’a plus de raison d’être, parce qu’il n’est qu’un badinage, s’il n’est pas en quelque degré une imitation, ou une explication, ou une interprétation de la nature et de la vie ; et qu’il ne saurait l’être, vous le sentez assez, s’il se place d’abord en dehors et à côté de l’observation.
Sans doute la pensée exacte et fine, revêtue de paroles séantes et modérées, possède un charme tout puissant, mais drapée d’expressions violentes jusqu’à l’excès, qui contrastent avec sa sobriété et sa retenue, elle prend un autre caractère et gagne d’autres attraits pleins d’éclat. […] Lavedan au contraire ramène le sujet à n’être qu’une rivalité fraternelle, et il met en évidence cette diminution du sujet dans cette parole typique : Ce qui t’irrite et t’humilie, c’est que je sois ton frère ! […] C’est au premier chapitre du Démon de Midi que l’on rencontre cette singulière proposition : « S’il existait un matérialiste de bonne foi… » Sans doute cette parole renversante est-elle mise par M.
Les mouvements les plus expressifs de nos facultés disparaissent les premiers, d’abord la voix et la parole, ensuite les mouvements des membres, ceux de la face et du thorax, et enfin les mouvements des yeux qui, comme chez les mourants, persistent les derniers. […] Quand une femme est surprise par une douce émotion, les paroles qui ont pu la faire naître ont traversé l’esprit comme un éclair, sans s’y arrêter ; le cœur a été atteint immédiatement et avant tout raisonnement et toute réflexion. […] Leibniz a exprimé cette délimitation dans des paroles que nous rappelions au début de cette étude ; la science la consacre aujourd’hui.
De cette religiosité, et du commentaire éperdument confiant de la parole.
L’épithète étant toujours, dans cette manière d’écrire, le mot le plus important, voici des tournures qui mettent l’épithète au premier plan en la transformant en substantif neutre (à la façon des Grecs) : «… Mais c’était le ciel surtout qui donnait à tout une apparence éteinte avec une lumière grise et terne d’éclipsé, empoussiérant le mousseux des toits, le fruste des murs…37 » — «… Des voix fragiles et poignantes attaquant les nerfs avec l’imprévu et l’antinaturel du son38. » — « Et il mit une note presque dure dans le bénin de sa parole inlassable et coulante39. » Les mots abstraits surabondent dans cette prose si vivante : ce qui semble contradictoire, mais s’explique avec un très petit effort de réflexion.
Ces paroles furent répétées.
D’autre part, oubliez tout cela, supprimez toute perception objective, vous n’en continuez pas moins de jouir ou de souffrir, quoiqu’il ne reste rien dans votre conscience qui puisse être conçu comme objet par la pensée, ni exprimé comme objet par la parole.
Œuvres de Louis XIV ; ce sont là ses propres paroles. — Mme Vigée-Lebrun, Souvenirs, I, 71 : « J’ai vu la reine (Marie-Antoinette), faisant dîner Madame, alors âgée de six ans, avec une petite paysanne dont elle prenait soin, vouloir que cette petite fût servie la première, en disant à sa fille : " Vous devez lui faire les honneurs ”. » 76.
L’énergie de son attention spontanée dépend moins assurément des suggestions scolaires et de la parole du maître, si éloquente et si persuasive soit-elle, que des goûts de l’enfant qui font qu’il s’intéresse à ceci ou à cela.
Nous finissons même par ne plus pouvoir penser sans les signes de l’espace, comme nous ne pouvons plus penser sans les signes de la parole.
Voilà ce que j’ai vu par-delà les années, Moi, Skulda, dont la main grave les destinées, Et ma parole est vraie !