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1428. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

L’Allemand théologien et féodal se cantonne docilement, fidèlement sous ses petits princes, par patience naturelle et par loyauté héréditaire, occupé de sa femme et de son ménage, content d’avoir conquis la liberté religieuse, attardé par la lourdeur de son tempérament dans la grosse vie corporelle, et dans le respect inerte de l’ordre établi. […] Le cottage est propre ; il y a là des habitudes d’ordre ; les assiettes à dessins bleuâtres, régulièrement rangées, font un bon effet au-dessus du buffet brillant ; les carreaux rouges ont été balayés, il n’y a pas de vitres cassées, ni salies ; point de portes disjointes, de volets dépendus, de mares stagnantes, de fumiers épars, comme chez nos villageois ; le petit jardin est purgé de toutes les mauvaises herbes ; souvent des rosiers, des chèvrefeuilles encadrent la porte, et, le dimanche, on voit le père, la mère assis près d’une table bien essuyée, avec du thé et du beurre, jouir de leur home, et de l’ordre qu’ils y ont mis. […] On peut la traiter comme une affaire, ramasser et vérifier des observations, combiner des expériences, aligner des chiffres, peser des vraisemblances, découvrir des faits, des lois partielles, posséder des laboratoires, des bibliothèques, des sociétés chargées d’emmagasiner et d’accroître les connaissances positives ; en tout cela ils excellent ; ils ont même des Lyell, des Darwin, des Owen capables d’embrasser, de renouveler une science ; dans la construction du vaste édifice, les maçons industrieux, les maîtres de second ordre ne manquent pas ; ce sont les grands architectes, les penseurs, les vrais spéculatifs qui leur manquent ; la philosophie, surtout la métaphysique, est aussi peu indigène ici que la musique et la peinture ; ils l’importent ; encore en laissent-ils la meilleure partie en chemin ; Carlyle est obligé de la transformer en poésie mystique, en fantaisies d’humoriste et de prophète ; Hamilton l’effleure, mais pour la déclarer chimérique ; Stuart Mill, Buckle, n’en prennent que l’espèce la plus palpable, un résidu pesant, le positivisme.

1429. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

Xavier de Maistre I J’entrai au collège des Pères de la foi en 1806 ; les Pères de la foi, pseudonyme des Jésuites, étaient la renaissance d’un ordre religieux, célèbre, qui n’avouait ni ses souvenirs, ni ses prétentions au monopole de l’enseignement de la jeunesse. […] Il y a environ quinze ans que cette tour fut réparée par ordre du gouvernement et entourée d’une enceinte, pour y loger un lépreux et le séparer ainsi de la société, en lui procurant tous les agréments dont sa triste situation était susceptible. […] Des soldats, accompagnés de quelques habitants, vinrent aussitôt chez moi pour exécuter cet ordre cruel. […] Ma douleur ne me permit de voir dans cet ordre juste, mais sévère, qu’une barbarie aussi atroce qu’inutile ; et quoique j’aie honte aujourd’hui du sentiment qui m’animait alors, je ne puis encore y penser de sang-froid.

1430. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

Gaultier vient ensuite, pour le duc de Rohan-Chabot, et cite Archytas, Porphyre et les six ordres des démons, Orphée et Apollon, du grec et du latin, des vers et de la prose. […] Despotisme, monarchie absolue, république aristocratique, démocratie, il admet tout, avec plus ou moins de sympathie ou de répugnance : mais enfin il admet tout ; il ne demande à un gouvernement, pour être légitime, que de durer, et de faire sa fonction, qui est de garantir l’ordre, de protéger les sujets. […] Massillon444, oratorien, homme doux et timide, enseignait dans les collèges de son ordre, quand on le força à prêcher : il débuta à Paris en 1698 ; son succès fut considérable. […] Massillon (1663-1742), professeur de lettres à Pezenas, de rhétorique à Monllueon et à Juilly, de philosophie à Vienne, s’applique par ordre à l’éloquence de la chaire.

1431. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Déesse de l’ordre, image de la stabilité céleste, on était coupable pour t’aimer, et, aujourd’hui qu’à force de consciencieux travail nous avons réussi à nous rapprocher de toi, on nous accuse d’avoir commis un crime contre l’esprit humain en rompant des chaînes dont se passait Platon. […] La piété de ma grand’mère, sa politesse, son culte pour l’ordre établi, me sont restés comme une des meilleures images de cette vieille société fondée sur Dieu et le roi, deux étais qu’il n’est pas sûr qu’on puisse remplacer. […] Dieu était pour lui l’ordre de la nature, la raison intime des choses. […] Mais, comme j’avais l’esprit juste, je vis en même temps que l’idéal et la réalité n’ont rien à faire ensemble ; que le monde, jusqu’à nouvel ordre, est voué sans appel à la platitude, à la médiocrité ; que la cause qui plaît aux âmes bien nées est sûre d’être vaincue ; que ce qui est vrai en littérature, en poésie, aux yeux des gens raffinés, est toujours faux dans le monde grossier des faits accomplis.

1432. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

Tous les hommes marchent vers la mort ; c’est l’ordre inévitable de la nature. […] « En effet, excepté quelques scènes de Vasantaséna, remarquables par la sensibilité et le naturel dont elles brillent, et quelques situations remplies de charme dans le drame d’Ourvasi, composition bien inférieure pour l’invention à Sacountala, quoique fille, comme elle, du même père, les autres pièces de ce recueil n’ont rien à opposer aux beautés de premier ordre qui étincellent de toutes parts dans Sacountala, et qui, par la manière dont le génie de Calidasa a su les disposer, font de cet ouvrage un ensemble accompli. […] Mais bientôt Douchmanta donne les ordres du départ, poursuit sa marche, et, après avoir traversé une plaine stérile, il entre avec son cortège dans une seconde forêt d’un aspect bien différent de la première. […] Prince, vos ordres seront accomplis.

1433. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

Ces auteurs ne semblent pas plus s’étonner d’un acte miraculeux de création que d’une naissance ordinaire ; mais croient-ils réellement qu’à d’innombrables époques de l’histoire de la terre, certains atomes élémentaires ont reçu l’ordre de jaillir soudain en tissus vivants ? […] Les débris des êtres fossiles tendent quelquefois à remplir de bien larges lacunes entres les ordres existants. […] Notre monde organique actuel ne serait donc que le reste d’un nombre infini de germes primitifs qui, tous, si les circonstances leur eussent été favorables, auraient pu chacun donner naissance, sinon à un embranchement, du moins à une classe, un ordre ou un groupe et qui tous ont au moins commencé une race. […] Dans ces groupes d’animaux et de végétaux, à l’état naissant et encore intermédiaire, des races durent varier encore parallèlement par faisceaux divergents entre eux et plus ou moins nombreux, de manière à produire les embranchements, puis les classes, puis les ordres, puis les genres, comme les fibres ligneuses d’un même arbre, d’abord réunies dans le tronc, se séparent en divergeant dans les branches.

1434. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Je rame, en vérité, pour amuser Mme la duchesse de Bourgogne… Comme on sent partout dans Mme de Maintenon à Saint-Cyr une âme qui en a assez du monde, qui dit aux jeunes âmes riantes : « Si vous connaissiez le monde, vous le haïriez » ; qui a connu la pauvreté et le manquement de tout, qui a été obligée de faire bonne mine et de sourire contre son cœur, d’amuser les autres, puissants et grands, et qui, sensée, délicate, raisonnable, est à bout de toute cette longue et amère comédie, — ne désirant plus, le masque tombé, que le repos, la réalité, la vérité, et une tranquilité égale et fructueuse dans l’ordre de Dieu ! […] Aujourd’hui, avec le nouvel état du monde, dans une société plus également morale en son milieu, nous qui ne sommes pas près de Versailles (dans le sens où l’était Saint-Cyr), il nous semble qu’il est quelquefois permis de se récréer d’un chant, d’une fleur, d’une joie d’imagination, mêlée aux choses du cœur, dans une éducation même de l’ordre le plus moral.

1435. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Appendice » pp. 453-463

Une pièce de poésie qui répondît à une idée très à l’ordre du jour, mais diversement comprise : Les Chercheurs d’or. […] Le poète, à un moment de la pièce, met en opposition les deux points de vue, les deux ordres de considérations morales et sociales.

1436. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Pour celui qui étudie les formes différentes et caractéristiques des esprits, il est curieux de suivre M. de Tocqueville en Allemagne, dans son voyage à la recherche de cet ancien régime qui le préoccupe tant : il ne parvient pas d’abord à trouver ce qu’il espérait, et à découvrir un ordre de symptômes précurseurs de 89 et corrélatifs aux nôtres. […] [NdA] Dans l’étude des esprits de différents ordres, rien ne me plaît comme les rapprochements, les comparaisons, les contrastes.

1437. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Campagnes de la Révolution Française. Dans les Pyrénées-Orientales (1793-1795) »

Peu après, l’anarchie régnait dans l’armée principale, réunie et acculée sous Perpignan, le général en chef Barbantane ayant résigné ses fonctions, le peuple appelle à grands cris à la tête des troupes le seul général populaire par ses succès, le vainqueur de la Cerdagne, et l’on expédie sur-le-champ à Dagobert l’ordre de redescendre dans la plaine avec l’élite de sa division. […] Il faut voir, dans les premières pages des Souvenirs du général Pelleport, comment il expliquait à ces nouveaux venus l’ordre et la marche : « Souvenez-vous, disait-il aux volontaires dans une retraite où ils accéléraient un peu trop le pas en entendant siffler les balles espagnoles, qu’il faut prendre le pas ordinaire quand on tourne le dos à l’ennemi, et le pas de charge quand on lui présente la poitrine. » Il avait vite électrisé son monde et obtenu des prodiges ; : et quand Doppet (un bien triste général) vint prendre la succession de Dagobert en Cerdagne, il y trouva des soldats tout faits et dignes des chefs les plus intrépides.

1438. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

Tout cela revient à dire que la disposition particulière des esprits et le moment précis de culture littéraire qui favorisaient et réclamaient les traductions en vers sont passés et ont fait place à une autre manière de voir, à un autre âge ; et ici, comme dans des ordres d’idées bien plus considérables et bien autrement importants, il n’est que vrai d’appliquer ce mot d’un ancien sage que je trouve heureusement cité, à savoir qu’on ne retourne jamais au même point et que le cours universel du monde ressemble à « un fleuve immense où il n’est pas donné à l’homme d’entrer deux fois. » Les choses allant de la sorte, on doit savoir d’autant plus de gré aux esprits non pas attardés, mais foncièrement religieux à l’art ou obstinément délicats, qui n’ont pas perdu la pensée, même devant un public si refroidi, de lutter de couleur, de relief et de sentiment avec de désespérants modèles. […] Si, dans les grands et pathétiques naufrages modernes, l’intérêt public se porte naturellement sur les deux ou trois survivants que le radeau a rapportés et qui représentent pour nous les absents abîmés et engloutis, il convient de faire, ce semble, la même chose dans l’ordre de l’esprit et du talent, et de ne pas trop chicaner un ancien qui nous est arrivé par exception et par un singulier bonheur, surtout quand il nous offre en lui des dons charmants, incontestables ; il sied bien plutôt de l’aimer et de le louer tant pour son propre compte que pour les amis et parents qu’il représente et qui ne sont plus, au lieu d’aller se servir de ces noms très grands assurément, mais un peu nus désormais et à peu près destitués de preuves, pour l’infirmer et le diminuer.

1439. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Note »

Mais l’ordre m’eût suffi pour être content de mon sort.  […] L’ordre le plus parfait a régné de bonne heure chez lui. — Il s’est sagement confiné dans une retraite bien choisie, pour y travailler plus à loisir.

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