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468. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Il faut donc faire là comme en tant d’autres points de l’histoire : étudier, creuser, recourir aux sources, se former une opinion directe ; après quoi l’on se trouvera revenu, par bien des détours et avec des motifs plus approfondis, à ce que les contemporains judicieux et vifs avaient exprimé d’une manière plus légère. […] Louis XIV, la première fois qu’il le revit après cet accident, « lui fit l’honneur de lui dire qu’il avait trop bonne opinion de l’étoile du marquis de Villars pour croire qu’il eût pu périr d’une chute dans les fossés de Bâle. » Dans les années de guerre qui suivirent et qui ne se terminèrent qu’à la paix de Riswick, Villars, d’abord commissaire général de la cavalerie, puis maréchal de camp, puis lieutenant-général et gouverneur de Fribourg en Brisgau, continua de se distinguer ; mais il souffrait beaucoup de l’inaction où l’on restait trop souvent avec de fortes armées, et se plaignait de ces campagnes trop peu remplies d’événements. […] (Voir le tome ii de l’Histoire du Bourbonnais, par M. de Coiffier, et une note lue à la Société d’émulation de Moulins, le 6 novembre 1852, par M. de Laguérenne, conservateur de la bibliothèque de la ville.) — L’opinion qui plaçait son berceau à Turin, tenait surtout au désir de faire un rapprochement remarquable.

469. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

Ce mouvement de l’opinion fut si fort, si irrésistible et tempétueux, qu’il pénétra jusque dans les cabinets et atteignit les gouvernements ; ils marchèrent en partie d’eux-mêmes, en partie ils furent entraînés : la Grèce fut délivrée et naquit. […] Un poète le premier, Alfred de Musset, s’avisa qu’on avait trop chanté sur cette corde, et le cruel enfant, dès les premiers couplets de Mardoche, ne manqua pas de nous montrée son héros prenant, comme de juste, le rebours de l’opinion, et aimant mieux la Porte et le sultan Mahmoud Que la chrétienne Smyrne, et ce bon peuple hellène, Dont les flots ont rougi la mer Hellespontienne, Et taché de leur sang tes marbres, ô Paros ! […] Grenier est un esprit essentiellement moderne ; il l’a assez prouvé dans une brochure curieuse intitulée : Idées nouvelles sur Homère (1861), dans laquelle il s’exprime en pleine liberté sur ce père de toute poésie, et en sens contraire de l’opinion commune.

470. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

« On insiste encore, et l’on dit que si c’était du moins dans tout autre journal que le Temps, soit les Débats, soit l’Opinion nationale, soit la Liberté, etc., etc., cela pourrait passer, mais que le Temps est d’une nuance plus tranchée et plus décidée ; que sais-je encore ? […] Il serait trop pénible d’être amené à devoir les énumérer et en informer le public, et de se voir forcé, pour sa défense morale, de prendre à témoin l’opinion, seul juge cependant et bon juge en dernier ressort de ce qui constitue la ligne de conduite d’un véritable homme de lettres, fût-il sénateur. […] … Au Temps, je suis comme quand nous causions à la table de Magny ; j’y retrouve Nefftzer, Scherer ; nous sommes là toujours entre amis ; on ne craint pas d’y exprimer tout haut ce que l’on pense, quand même ce ne serai pas l’opinion du voisin, et on laisse la parole au voisin qui réplique… » 7.

471. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Il a donné pour nœud à sa pièce le moment décisif où un jeune orateur politique, idolâtre de l’opinion, et arrivé au comble de la faveur populaire, se trouve tout d’un coup en demeure de choisir entre cette orageuse faveur et son devoir. […] Mais, je le répète, ce n’est là que la formalité de clôture, en quelque sorte, dans un thème donné : l’essentiel et le fond, c’est cet ensemble de réflexions morales provoquées chemin faisant, c’est le sentiment judicieux, généreux, sincère, qui ressort de tout l’ouvrage, qui déclare l’honneur supérieur à toutes les opinions de parti, qui le fait voir toujours possible au sein même de ces opinions contraires, comme dans la belle scène finale entre sir Gilbert et Mortins qui mouille les yeux de larmes.

472. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Eugène Montfort Depuis que l’objet de cette enquête est connu, j’ai rencontré plus d’un lettré disant : « Mais certainement, à présent, l’Académie s’ouvrirait devant Flaubert et devant Baudelaire… » Le lettré poursuivait : « Peut-être pas, d’ailleurs, devant des auteurs représentant aujourd’hui ce que Flaubert et Baudelaire représentaient de leur temps… » Opinion, à mon avis, mal fondée. […] La majorité des quarante académiciens s’offre impeccable, de style correct, d’idées moyennes, d’opinions orthodoxes, de respect aux lois, et de soumission aux religions courantes. […] Conclusion de l’Enquête L’opinion à peu près unanime de nos correspondants, c’est que l’Académie française n’est pas en décadence.

473. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

Enfin, pour compliquer le péril de cette situation précaire, elle avait pour voisine en Angleterre une reine rivale, Élisabeth, qu’elle avait offensée d’abord en revendiquant son titre, qu’elle n’offensait pas moins par une supériorité féminine et bruyante de beauté et de grâce, une reine capable, énergique, rigide et dissimulée, représentant l’opinion religieuse contraire, et entourée de conseillers habiles, constants et pleins de suite, compromis dans la même cause. […] Ne concevez donc point de moi aucune sinistre opinion, puisque vous-même êtes cause de cela : car je ne le ferais jamais contre lui pour ma vengeance particulière. […] … » Heureux les temps et les sociétés où une certaine morale générale et un respect humain de l’opinion, où le Code pénal aussi, mais surtout le contrôle continuel de la publicité, interdisent, même aux plus hardis, ces résolutions criminelles que chaque cœur humain, s’il est livré à lui-même, est toujours tenté d’engendrer !

474. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

Quelques hommes marchent en avant : les opinions de ces hommes de choix s’étendent peu à peu, et finissent par être l’opinion de l’âge suivant, qui, à son tour, voit naître d’autres idées, destinées aussi à être d’abord celles du petit nombre, puis les idées dominantes, et enfin les idées de tous. […] Les opinions humaines ne ressemblent donc point à la pièce de toile que le tisserand commence et achève : toutes se croisent, et se feutrent, pour ainsi dire.

475. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

dans l’état actuel de l’opinion, c’est distingué. […] Larreau, ancien marchand de robinets, devenu l’un des plus grands industriels de France, et c’est cet industriel dans lequel Droz a cubé tout l’industrialisme moderne et dont il a fait une personnalité tout à la fois odieuse, redoutable et comique, c’est ce coquin à gilet blanc qui s’est imaginé qu’un miracle, comme celui de la Salette, par exemple, si on pouvait se le procurer, poserait bien cette source dans l’opinion, et ferait colossale la fortune des établissements qu’il médite de fonder autour d’elle. […] Les fourberies, les bassesses et les efforts de Scapin-Larreau pour avoir son miracle, pour le lancer, pour le rattraper quand il lui échappe, pour le relancer, pour le tenir droit devant l’opinion, comme un Saint-Sacrement, pour le faire passer à l’état incontesté et fulgurant, enveloppent tous les personnages du roman, qui sont nombreux, comme d’un moulinet de roueries, et, pendant toute la durée du livre, c’est dans ce vaste moulinet qu’on les voit.

476. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — I » pp. 143-149

Il est clair qu’on n’en a pas toujours eu cette opinion, puisque des gens du mérite de M. de La Motte et de M. de Pons n’ont pas cru s’avilir en les fréquentantj. […] L’abbé de Pons est donc un critique brave, et qui, au besoin, ose approuver tout haut et le premier ; il a, comme nous dirions aujourd’hui, le courage de son opinion et de ses admirations.

477. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — L’orthographe, et la prononciation. » pp. 110-124

Les plus grands écrivains se rangèrent à leur opinion. […] Appel sur le champ de la part de l’abbé au parlement : l’affaire alloit devenir sérieuse ; mais les professeurs royaux, engagés d’honneur à ne pas laisser condamner le plus zèlé défenseur de leur opinion, allèrent en corps à l’audience, représentèrent avec éloquence à la cour l’injustice des procédés de la Sorbonne.

478. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Philippiques de la Grange-Chancel »

Ces Philippiques 36 effroyables, ces furies lyriques, insinuées d’abord dans l’opinion comme un secret, puis y détonant comme une indiscrétion, n’étaient pas d’un pauvre poète obscur, plein de courage et de génie, qui aurait eu le temps de mourir de faim avant qu’on eût entendu s’élever sur sa lyre la voix divine de la justice. […] IV Il n’en avait pas… Je sais bien que ce n’est pas là tout à fait l’opinion de de Lescure, qui n’est pas biographe pour rien et qui a surfait de toute manière La Grange-Chancel, sur son livre même, — ce livre qui atteste le néant de l’auteur et rend l’illusion impossible.

479. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « De Cormenin (Timon) » pp. 179-190

Il m’était resté dans la tête, après tout le bruit qu’il a fait, que Cormenin, qui s’était appelé lui-même Timon et que l’opinion avait accepté sous ce nom farouche, était un pamphlétaire redoutable, dont les griffes ne se détachaient pas quand elles s’étaient enfoncées quelque part. […] Après avoir tâté l’opinion sur son ami Carrel, il l’a prudemment remise, cette édition, dans sa poche… Chose mélancolique, d’ailleurs, qu’après quelques années, en se retournant, on s’aperçoive que ce qu’on Croyait du talent n’était que de l’influence, et l’influence, de l’illusion !

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