C’étaient des espèces de Mille et Une Nuits occidentales, récits merveilleux de l’imagination des harems, des cours et des camps, auxquels on ne demandait aucune vraisemblance, mais de la galanterie, de l’héroïsme, de l’imprévu et du prodige ; les héros, les chevaliers, les enchanteurs, les fées, les femmes, en étaient les acteurs obligés ; on rattachait ces aventures à quelques traditions historiques du temps de Charlemagne et de sa Table Ronde, ou bien au temps de l’invasion des Sarrasins en Espagne et en France. […] Quelques vagues, attardées comme nos cœurs, gardent leurs derniers reflets et les roulent jusqu’à la nuit, d’un rivage à l’autre, avec des lueurs et des soupirs qui donnent leur mélancolie même aux éléments. […] Une série d’aventures moitié plaisantes, moitié sérieuses, toutes féeriques, poursuivent la belle Angélique obsédée par une foule de chevaliers de chant en chant ; Renaud, Bradamante, Roger, Pinabel, et vingt autres guerriers ou guerrières apparaissent, disparaissent, combattent, adorent, s’évanouissent pour reparaître encore comme des fantômes de l’imagination dans une nuit semée de feux follets, mais tous dans des aventures pittoresques décrites en vers, tantôt épiques, tantôt comiques, qui embarrassent quelquefois la mémoire du lecteur, sans lasser sa curiosité et son admiration. […] Ariodant, suivi de son frère, se cache en effet une nuit derrière les murs abandonnés de ce précipice. […] Il faut vous laisser ces charmants bocages et ces charmants fantômes dans l’imagination pour enchanter cette nuit vos rêves de quinze ans !
Un crépuscule éclaira d’un jour croissant cette longue nuit de la barbarie. […] Le lendemain, après une nuit de sommeil passée dans la villa de Cicéron à Molo di Gaete, je poursuivis délicieusement ma course vers Rome. […] Les créations infinies et de dates immémoriales de Dieu dans les profondeurs sans mesure de ces espaces qu’il remplit de lui seul par ses œuvres ; les firmaments déroulés sous les firmaments ; les étoiles, soleils avancés d’autres cieux, dont on n’aperçoit que les bords, ces caps d’autres continents célestes, éclairés par des phares entrevus à des distances énormes ; cette poussière de globes lumineux ou crépusculaires où se reflétaient de l’un à l’autre les splendeurs empruntées à des soleils ; leurs évolutions dans des orbites tracées par le doigt divin ; leur apparition à l’œil de l’astronomie, comme si le ciel les avait enfantés pendant la nuit et comme s’il y avait aussi là-haut des fécondités de sexes entre les astres et des enfantements de mondes ; leur disparition après des siècles, comme si la mort atteignait également là-haut ; le vide que ces globes disparus comme une lettre de l’alphabet laissent dans la page des cieux ; la vie sous d’autres formes que celles qui nous sont connues, et avec d’autres organes que les nôtres, animant vraisemblablement ces géants de flamme ; l’intelligence et l’amour, apparemment proportionnés à leur masse et à leur importance dans l’espace, leur imprimant sans doute une destination morale en harmonie avec leur nature ; le monde intellectuel aussi intelligible à l’esprit que le monde de la matière est visible aux yeux ; la sainteté de cette âme, parcelle détachée de l’essence divine pour lui renvoyer l’admiration et l’amour de chaque atome créé ; la hiérarchie de ces âmes traversant des régions ténébreuses d’abord, puis les demi-jours, puis les splendeurs, puis les éblouissements des vérités, ces soleils de l’esprit ; ces âmes montant et descendant d’échelons en échelons sans base et sans fin, subissant avec mérite ou avec déchéance des milliers d’épreuves morales dans des pérégrinations de siècles et dans des transformations d’existences sans nombre, enfers, purgatoires, paradis symbolique de la Divine Comédie des terres et des cieux ; Tout cela, dis-je, m’apparut, en une ou deux heures d’hallucination contemplative, avec autant de clarté et de palpabilité qu’il y en avait sur les échelons flamboyants de l’échelle de Jacob dans son rêve, ou qu’il y en eut pour le Dante au jour et à l’heure où, sur un sommet de l’Apennin, il écrivit le premier vers fameux de son œuvre : Nel mezzo del cammin di nostra vita , et où son esprit entra dans la forêt obscure pour en ressortir par la porte lumineuse. […] Tous ces commentaires ne sont au fond que de la nuit délayée avec des ténèbres. […] Nous allons, le livre à la main, vous conduire, autre Virgile, dans ces trois mondes, pour y glaner çà et là des vers sublimes, et pour y recueillir, dans l’aridité des siècles en poudre, quelques-unes de ces gouttes de rosée qu’on trouve à la fin d’une longue nuit sur l’herbe des tombes.
Penses-tu que quelqu’un de nous ignore ce que tu as fait la nuit dernière et celle qui l’a précédée, dans quelle maison tu as rassemblé tes conjurés, quelles résolutions tu as prises ? […] Et que peux-tu espérer encore, quand la nuit ne peut plus couvrir tes assemblées criminelles, quand le bruit de ta conjuration se fait entendre à travers les murs où tu crois te renfermer ? […] Enfin rappelle-toi cette dernière nuit, et tu vas voir que j’ai encore plus de vigilance pour le salut de la république que tu n’en as pour sa perte. J’affirme que cette nuit tu t’es rendu, avec un cortège d’armuriers, dans la maison de Lecca ; est-ce parler clairement ? […] Oui, cette nuit, Catilina, c’est dans la maison de Lecca que tu as distribué les postes de l’Italie, que tu as nommé ceux des tiens que tu amènerais avec toi, ceux que tu laisserais dans ces murs, que tu as désigné les quartiers de la ville où il faudrait mettre le feu.
La Muse est un interlocuteur privilégié qu’on écoute sans l’interrompre ; quelquefois, comme dans les Nuits d’Alfred de Musset,25 le poète parle à son tour, et son dialogue avec la Muse est un drame complet. […] IV, § 1, sur La nuit de mai, d’Alfred de Musset]. […] « Nuit de mai », « Nuit d’août » et Nuit d’octobre » (publiées dans la RDM entre juin 1835 et octobre 1836) sont en effet constituées d’un dialogue entre le poète et la Muse. Dans « Nuit de décembre », le poète parle puis « la Vision » lui répond.
La nuit approchait : comme nous passions entre deux murs, dans une rue déserte, tout à coup le son d’un orgue vint frapper notre oreille, et les paroles du cantique Laudate Dominum, omnes gentes, sortirent du fond d’une église voisine ; c’était alors l’octave du Saint-Sacrement.
» La nuit, quand les tempêtes de l’hiver étaient descendues, quand le monastère disparaissait dans des tourbillons, les tranquilles cénobites, retirés au fond de leurs cellules, s’endormaient au murmure des orages ; heureux de s’être embarqués dans ce vaisseau du Seigneur, qui ne périra point213 !
Comme il était dandy, et l’un des plus brillants, il se laissait mourir de faim de peur de devenir gros, puis buvait et dînait à s’étouffer pendant les nuits d’abandon. « Les deux jours précédents, dit une fois son ami Moore, Byron n’avait rien pris sinon quelques biscuits, mâchant du mastic1242 pour apaiser son estomac. […] En Angleterre, il y a cinq ans, j’ai eu la même sorte d’hypocondrie, mais accompagnée d’une soif si violente, que j’ai bu jusqu’à quinze bouteilles d’eau de seltz en une nuit après m’être mis au lit, sans cesser d’avoir soif, faisant sauter le cou des bouteilles par pure impatience de soif… » Esprit et corps, on se ruinerait à moins tout entier. […] Toute la nuit il entend leur long galop monotone, et à la fin sa force s’abat : « la terre s’enfonçait, le ciel roulait ; — il me sembla que je tombais à terre : — je me trompais, j’étais trop bien lié ! […] Quelle nuit que celle d’Alp devant Corinthe ! […] Sa plus forte action est de séduire une grisette et d’aller danser la nuit en mauvaise compagnie, deux exploits que tous les étudiants ont accomplis.
D’ailleurs, la décentralisation ne nuit pas au patriotisme… En résumé, bravo pour Mistral d’autant que, tous, nous le croyions plus inféodé au classicisme. » Et pour terminer, l’aimable poète nous lit quelques strophes inédites, à la gloire du Septentrion ; en voici un des plus curieux et significatifs fragments, qui donne bien l’impression du « faire » habituel de M. […] « Mais rien plus ne me consterne Que baisers à contretemps. » Puis un rythme lent, un rythme triste, un rythme blême Mouilla la nuit de larmes. […] Le rieur ruisseau Reflète la lune Qui dans la nuit brune Jette son réseau. […] Non, la rime ne nuit point au rythme, qui lui-même ne gâte rien à la rime. […] Poète qui, veillant dans la nuit calme et noire, Vois passer des lueurs de génie et de gloire, Veux-tu pour un instant m’écouter et me croire ?
Le 21 mars 1804, de grand matin, Bonaparte le fit appeler, et, le mettant sur le chapitre du duc d’Enghien, lui apprit brusquement l’événement de la nuit. […] M. de Fontanes fut atteint, le 10 mars 1821, dans la nuit du samedi au dimanche, d’une attaque de goutte à l’estomac, qu’il jugea aussitôt sérieuse. […] Le prêtre vint dans la nuit : le malade, en l’entendant, se réveilla de son assoupissement, et, en réponse aux questions, s’écria avec ferveur : « Ô mon Jésus ! […] A deux reprises, dans la première nuit du samedi au dimanche, et dans celle du mardi au mercredi, il avait brûlé, étant seul, des milliers de papiers. […] De sept rayons premiers ta tête est couronnée : L’antique nuit recule, et par toi détrônée.
Si, quand on est mort, il n’y a plus de sensation, et si l’on est comme en un sommeil ou l’on n’a pas même de songes, alors mourir est un merveilleux avantage ; car, à mon avis, si quelqu’un choisissait parmi ses nuits une nuit pareille, une nuit où il a été si fort assoupi qu’il n’a pas eu un songe, et mettait en regard les autres jours et les autres nuits de sa vie pour chercher combien, parmi ces heures-là, il en a eu de meilleures et de plus douces, il n’aurait pas de peine à faire le compte, et je parle ici, non pas » seulement d’un particulier, mais du grand roi. Si donc la mort est telle, je dis qu’elle est un gain ; car de cette façon tout le temps après la mort n’est rien de plus qu’une seule nuit, — Mais si la mort est le passage en un autre lieu, et si, comme on le raconte, en ce lieu-là tous les morts sont ensemble, quel plus grand bien, ô juges, pourrait-on imaginer délivré des prétendus juges qu’on voit ici, trouvait là-bas de vrais juges, ceux qui, dit-on, jugent là bas, Minos, Rhadamanthe, Eaque, Triptolème et tous ceux des demi-dieux qui ont été justes dans leur vie, est-ce que ce changement de séjour serait fâcheux ? […] Pendant le jour, leurs ruisseaux élèvent un torrent de fumée rougeâtre ; aux heures de la nuit la flamme rouge tourbillonnante pousse avec fracas des roches dans la profonde mer… C’est merveille de le voir, le prodigieux reptile, lié comme il l’est sous les hautes cimes, sous les noires forêts de l’Etna, sous la plaine, rugissant sous les chaînes qui labourent et aiguillonnent tout son dos prosterné. […] Les jeunes filles qui ont brodé le voile s’appellent Errhéphores, porteuses de rosée ; ce sont les symboles de la rosée qu’elles vont chercher la nuit dans une caverne près du temple d’Aphrodite. […] D’autres traces de son origine étaient la couleur de ses yeux glauques et le choix de son oiseau, le hibou, dont les prunelles, la nuit, sont des lumières clairvoyantes.
Édouard Plouvier, a écrit une nuit visionnaire pour une nuit remplie de visions, ce qui est à la fois inintelligible et plat. […] La nuit est venue, mais dans leur chair granitique circule le dernier rayon de l’astre disparu. […] Il écrivait en marchant, le jour, à la campagne, ayant pour pupitre un arbre ou une pierre ; le soir, à Paris, adossé au mur visqueux d’une tabagie, éclairé par la lanterne du logeur de nuit. […] Pour n’en citer qu’un exemple, je dirai que l’insuccès des Deux Nuits devait hâter la période mortelle de la phtisie laryngée dont Boieldieu est mort en 1834. […] Quand on a écrit le deuxième acte du Songe d’une Nuit d’été, quand on a fait preuve d’idées pour son propre compte, on ne s’amuse pas à sculpter les formes d’autrui.
Comme un fanal, dans la nuit, brille au milieu des airs sans laisser apercevoir ce qui le soutient, de même l’esprit de Shakespeare nous apparaît dans ses œuvres isolé, pour ainsi dire, de sa personne. […] Ainsi Lucrèce, accablée sous le poids de sa honte, après une nuit de désespoir, appelle au jour naissant un jeune esclave, pour le charger d’aller au camp porter à son mari la lettre qui doit le rappeler. […] Mais Shakespeare en a fait le Songe d’une nuit d’été ; au milieu de cette fade intrigue interviendront Oberon et son peuple de fées et d’esprits qui vivent de fleurs, courent sur la pointe des herbes, dansent dans les rayons de la lune, se jouent avec la lumière du matin, et s’enfuient à la suite de la nuit, mêlés aux douteuses lueurs de l’aurore. […] Comme le Songe d’une nuit d’été, la Tempête est peuplée de sylphes, d’esprits, et tout s’y passe sous l’empire de la féerie. […] C’est probablement de quelque théâtre placé entre ces deux extrêmes que Shakespeare nous donne une si plaisante image dans le Songe d’une nuit d’été.