/ 1823
1752. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

… » Et ailleurs : « Disons donc hardiment que la religion est un produit de l’homme normal, que l’homme est le plus dans le vrai quand il est le plus religieux et le plus assuré d’une destinée infinie… » Que nous voilà loin des négations inintelligentes dont Stendhal lui-même se faisait l’écho quand il affirmait qu’aucun dévot n’est sincère, et du désespoir devant le catholicisme quitté, dont Théodore Jouffroy raconte les affres dans le tableau pathétique de sa nuit de décembre ! […] Qui a pu, durant une belle nuit étoilée, se promener seul dans la campagne et ne pas sentir, devant la magnificence du vaste ciel, s’amincir, s’atténuer, s’évanouir sa personnalité ? […] Quand Salammbô s’empare du zaïmph, de ce manteau de la déesse « à la fois bleuâtre comme la nuit, jaune comme l’aurore, pourpre comme le soleil, nombreux, diaphane, étincelant, léger… » elle est surprise — telle Emma entre les bras de Léon — de ne pas éprouver ce bonheur qu’elle imaginait autrefois : « Elle reste mélancolique dans son rêve accompli… » L’ermite saint Antoine, sur la montagne de la Thébaïde, ayant, lui aussi, réalisé sa chimère mystique, comprend que la puissance de sentir défaille en lui. […] Il prenait et reprenait ses lignes, infatigablement, se levait la nuit pour effacer un mot, s’immobilisait sur un adjectif. […] Ce labeur, aussi prodigieux qu’irrationnel, le pauvre grand artiste s’y est assujetti jusqu’à la dernière minute, passant ses jours et ses nuits à évoquer des personnages de roman qui lui faisaient horreur, à traduire les laideurs de l’existence médiocre dans une prose de lumière et de beauté, se débattant enfin dans les liens de sa doctrine, mais sans les briser : « Qu’il me serait agréable », disait-il, de crier ce que je pense et de soulager le sieur Flaubert par des phrases !

1753. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

J’ai quelque lieu de croire qu’il revit une partie de la traduction des Mille et une Nuits, de l’orientaliste Galland. […] « Il paraît, écrit Pontchartrain à l’abbé de Louvois à la date de 1715, qu’on pourrait faire imprimer quelqu’un de ces manuscrits, en faisant corriger les traductions et les mettre dans un plus beau français… on pourrait les faire corriger par quelqu’un, comme le sieur Le Sage, par rapport à la diction18… » Or, comme les deux derniers volumes de la première édition des Mille et une Nuits ne parurent qu’en 1717, il y aurait donc quelque chose de Le Sage dans le conte fameux d’Ali-Baba et les Quarante Voleurs. […] Qui de nous, en effet, ne serait curieux de ce qui se passe dans ces intérieurs si bien clos, où chacun — quand le soir arrive, et que la nuit, de ses ombres et de son silence a enveloppé la grande ville — dépouille son visage officiel, son personnage avec son costume, et redevient jusqu’au lendemain ce que la nature l’a fait ? […] Ils ont donc oublié que l’on y rencontrait, entre autres personnes d’une conduite assez libre, ou même quelque peu scandaleuse, cette jolie Mme de Murat, que ses désordres devaient finir par faire exiler de Paris, et cette autre encore, chez qui l’acteur Baron oubliait volontiers son bonnet de nuit, la fameuse Mlle de La Force24. […] De même encore — et dût-on m’accuser de cynisme — je trouve que Manon parlait mieux son langage quand elle disait de l’une de ses dupes : « Il n’aura pas la satisfaction d’avoir couché une seule nuit avec moi », qu’en disant avec plus de noblesse, mais avec moins de propriété : « Il ne pourra se vanter des avantages que je lui aurai donnés sur moi. » Dans l’un et l’autre cas, la première version était de la langue forte et précise du xviie  siècle ; dans l’un et l’autre cas, la seconde est de la langue noble et vague du xviiie .

1754. (1930) Le roman français pp. 1-197

Ainsi, dans la nuit, l’éclatante et somptueuse lumière d’un incendie qui deviendra bientôt dévastateur, ne laissera que des ruines et des cendres. […] Sans pensée : mais, nyctalopes, ils sortent la nuit pour manger les riches. […] « … Selon elle, continue Proust, on ne savait pas quand je dormais ; la nuit, je voltigeais comme un papillon, et, le jour, j’étais aussi rapide qu’un écureuil : « Mais il n’aime pas qu’on lui mette une serviette quand il mange.

1755. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Le peuple se pressoit nuit & jour à son tombeau : l’on y prioit en langue vulgaire. […] Étudiant en Théologie, il passoit la plupart des nuits à s’instruire à fond de ces matières : il prit ses dégrés en Sorbonne avec la plus grande distinction. […] Voilà comment nous nous divertissons En beaux discours, en sonnets, en chansons Et la nuit vient qu’à peine on a sçu faire Le tiers d’un mot pour le vocabulaire.

1756. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Il y a des caricatures d’intérieur touchées d’un mot : « Au déjeuner, M. de Casembrood (le chapelain) lit d’ordinaire dans la Bible, en robe de chambre et bonnet de nuit, et cependant en bottes et culottes de cuir, ce qui compose en vérité une figure très-risible et point charmante.

1757. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

Naudé qu’avec un attendrissement bien rare en cette caustique nature, et qui les honore tous deux : « Je pleure incessamment jour et nuit M. 

1758. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Ils ne peuvent cependant m’enlever le goût de la bonne et saine littérature, et chaque soir je prends sur mes nuits une heure ou deux pour lire quelques pages de la Revue des Revues ou à son défaut quelque ouvrage sérieux.

1759. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

  Des commencements difficiles, une fin cruelle, des espérances renaissantes et toujours trompées, une ambition sans scrupule et en même temps sans prudence, le funeste privilège d’inspirer des passions profondes et de ne les point ressentir, de connaître et de peindre, avec une force incomparable, les misères de la nature humaine, et de pouvoir être cité soi-même comme un vivant exemple de la vérité de ces peintures, telle fut en ce monde la destinée de Swift qui s’y résigna d’autant moins qu’il la comprit davantage, et qui prit l’amère habitude de relire, chaque fois que l’année ramenait le jour de sa naissance, le chapitre de l’écriture où Job déplore la sienne et maudit cette nuit fatale où l’on annonça dans la maison de son père qu’un enfant mâle était né.

1760. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

“C’étoit un voluptueux, dit Tacite, qui donnoit le jour au sommeil, & la nuit aux plaisirs & aux affaires.

1761. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

Quoi qu’il en soit, le jour est enfin venu pour nous ; mais comme la nuit avait été longue, le crépuscule et l’aurore de ce jour ont été longs aussi.

1762. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Dans le ciel même, l’ange qui frappe n’est pas l’ange qui couronne, et qui sait si sa fonction de justice cruelle ne nuit pas, dans l’historien, à la fonction de justice douce que nous voudrions aussi lui voir exercer ?

1763. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

L’amour, la jeunesse, les premières ivresses de la vie, tout cela est si beau quand tout cela n’est plus, tout cela s’empourpre tant en nous quand le noir de la nuit nous tombe sur la tête, qu’il n’est pas dit que cette Juliette et ce Roméo, ce groupe exquis et très certainement le plus pur que le Génie humain ait produit pour exprimer l’Amour partagé, n’aient pas une beauté plus grande que la simple beauté de la vie : — la beauté divine des fantômes !

/ 1823