Les ouvrages philosophiques, quand ils réunissent ces deux avantages, sont peut-être les plus propres à maintenir le bon goût dans l’art d’écrire : ils nous font sentir combien des idées nobles et grandes, revêtues d’ornements simples et vrais comme elles, sont préférables à des riens agréables et frivoles. […] Il se contente presque dans celle-ci d’un style coulant et naturel, qui n’ait rien de bas ni de choquant ; il exige de plus dans les vers une expression noble et choisie sans être recherchée, une harmonie facile, et où la contrainte ne se fasse point sentir ; il veut enfin que le poète soit précis sans être décharné, naturel et aisé sans être froid et lâche, vif et serré sans être obscur. […] En effet un long ouvrage doit ressembler, proportion gardée, à une longue conversation, qui pour être agréable sans être fatigante, ne doit être vive et animée que par intervalles ; or dans un sujet noble les vers cessent d’être agréables dès qu’ils sont négligés, et d’un autre côté le plaisir s’émousse par la continuité même.
I Puisqu’il n’y a pas de livres nouveaux, et que l’anémie littéraire continue, il faut bien se replier vers les réimpressions… En voici une toute récente d’un livre publié en 1870 par les deux Goncourt, et que celui qui reste des deux frères a remanié avec l’ambition d’atteindre aux qualités les plus solides de l’historien, après en avoir eu les plus brillantes… Et il faut lui savoir gré de ce noble effort ! […] et qui gémissent hypocritement sur le malheur d’un noble pays d’appartenir à un tel roi, il y ait une réponse à faire plus écrasante que celle-là… La France ne valait pas mieux que son maître. […] Et, à présent qu’on le sait, ceux qui ne le comprenaient pas comprendront, sans doute, que la guillotine d’une révolution expiatrice ait abattu, relativement, en plus grand nombre que des têtes de nobles, des têtes de bourgeois !
nous ne réclamons pas aujourd’hui son cadavre, et nous réprouvons, autant que jamais, la tendance générale et le mal absolu de ses Œuvres, mais nous réclamons ce qui appartient au sentiment chrétien dans ses Œuvres, à travers les plus mortelles erreurs… Et que cette réclamation tardive, faite sur sa tombe, soit la punition de sa mémoire ; car le meilleur châtiment du coupable, c’est de montrer, qu’il n’était pas fait pour son crime, et qu’en le commettant il ne transgressait pas seulement la loi divine, mais les plus profonds et les plus nobles instincts de son cœur ! […] Ils lui prirent son noble cœur, l’enfermèrent dans une urne d’argent, et le portèrent au premier rang, où il marchait quand il vivait. […] Sur ces nobles monuments, je vois le Roi et l’Empereur.
Un sentiment moins noble, moins désintéressé que ces spontanéités enflammées de nos ânes se produisant à la voix d’un grand orateur, a, sinon créé, au moins agrandi le succès du P. […] Comme le prédicateur dirait lui-même, avec ces images prises à la Bible dont il s’est abreuvé : le discours, c’est la citerne tarie, mais le livre, c’est le puits d’eau de source où la doctrine et la science doivent être éternellement puisées par ceux que tourmentent de si nobles soifs ! […] Lacordaire, et c’est ici que je touche au plus pur et au plus profond d’un talent admirable, au meilleur des dons que Dieu a faits à son noble serviteur.
Si vous examinez leur âme, ils s’offrent presque tous désintéressés et nobles, ou ne daignant pas appeler la fortune, ou la dédaignant même quand elle va à eux ; les uns ayant une pauvreté ferme et courageuse, les autres retranchant aux besoins pour donner aux bienfaits, et dans leur médiocrité, assez riches pour être généreux. […] D’autres relèvent les choses communes par des expressions nobles : lui, presque toujours, peint les grandes choses sous des images familières : cette manière peut être critiquée, mais elle est piquante. […] Ce qui caractérise l’auteur de ces éloges, c’est une philosophie pleine de fermeté, et quelquefois de hauteur ; une âme qui ne craint pas de se montrer, qui ose afficher son estime ou sa haine, qui ne blesse point les convenances, mais qui, en ôtant à la vérité ce qu’elle a de révoltant, lui laisse tout ce qu’elle a de noble ; un esprit à la fois sage et profond ; l’étendue des idées jointe à la méthode ; un style précis qui n’orne point sa pensée, qui ne l’étend pas, dont la clarté fait le développement, et dont la parure est la force ; et quelquefois l’art de saisir le ridicule et de le peindre avec toute la vigueur que donne le mépris, quand ce mépris est commandé par la raison.
& qu’il connoît peu ses intérêts, lorsqu’il employe un art mal-entendu à profaner en lui la noble simplicité de la nature ? […] les décences exigent que l’emportement soit noble, & n’empêchent pas qu’il ne soit excessif. […] Virgile a dit d’un genre de poésie encore moins noble, sylvoe sint consule dignoe. […] Le début n’est que le titre du poëme plus développé, il doit être noble & simple. […] Si les nobles sont des tyrans, le mal est sans remede : un sénat ne meurt point.
Noble foi ! noble vœu ! […] Ainsi M. de Vigny lui-même, cette noble nature qui n’eut d’autre visée que de rester une et fidèle à son premier mot une fois proféré, — ainsi, pareil en cela à plus d’un, il vit se voiler en lui ses religions, s’éclipser et s’éteindre ses soleils, et il fut réduit comme un autre à dire non et jamais, après avoir dit oui et toujours. […] La chute de la royauté légitime en 1830 exerça sur lui et sur sa pensée une grande influence : cette première monarchie, si elle avait été plus intelligente, était bien le cadre naturel qui lui aurait convenu, un cadre noble, digne, élégant, orné et un peu resserré, plus en hauteur qu’en largeur. […] Je me serais donc gardé d’engager la lutte avec un si noble devancier ; mais M. de Vigny, à vue d’œil et malgré l’éclat de ses titres, n’avait aucune chance de succès à ce moment-là.
La famille d’Alfieri était noble ; mais, comme en Italie la noblesse et les arts de la main ne s’excluent pas, un de ses oncles paternels était architecte du roi, d’autres étaient militaires, commandaient à Coni ou en Sardaigne. […] Telle est, par exemple, la faiblesse de vouloir devenir auteur, et c’est là surtout que les nobles et affectueux conseils de Gandellini me furent d’un grand secours et m’encouragèrent beaucoup. […] — Je fis ce qu’il me dit, et ce noble et généreux conseil devint pour moi dès lors un système. […] Elle appartenait par son père à l’une des plus nobles familles de la Thuringe, et se rattachait par sa mère, fille du prince de Hornes, à l’antique lignée de Robert Bruce, qui donna des rois à l’Écosse du moyen âge. […] On choisissait les abbesses, les supérieures, parmi les princesses des maisons souveraines, et pour mériter le titre de chanoinesse il fallait montrer dans sa famille, tant en ligne maternelle que paternelle, au moins huit générations de nobles.
Cette république noble et marchande, dont l’origine se perd dans les plus anciens débris de l’Empire romain ; qui eut la première en Italie, en face et à côté de la nouvelle politique romaine, une politique à elle, profonde, suivie, consommée, indépendante ; qui eut ses épisodes de grandeur héroïque et de chevalerie maritime, bien qu’un intérêt de commerce fût toujours au fond ; qui, dans le cours de sa longue et séculaire décadence, sut trouver tant de degrés encore brillants et des temps d’arrêt si glorieux ; qui ne s’abaissa véritablement que depuis la fin du xviie siècle ; ce gouvernement jaloux, mystérieux, si longtemps sage, de qui la continuelle terreur était tempérée par un carnaval non moins continuel, comme en France la monarchie absolue l’était par des chansons ; cette cité originale en tout, et qui le fut hier encore jusque dans l’insurrection dernière par laquelle, déjà si morte, elle essayait d’un réveil impossible ; cet ensemble d’institutions, d’intérêts, d’exploits et de prouesses, de conjurations, d’espionnages et de crimes ; tant de majesté, de splendeur et d’austère vigilance, se terminant en douceurs molles et en plaisirs, tout cela se suit et se comprend d’autant mieux dans le récit de M. […] Daru, aurait désiré qu’une plus grande part y fût faite à l’histoire des sciences et des lettres dans la personne des Bretons célèbres ; mais le même critique se montrait, en revanche, peu disposé à admettre la réalité du noble combat des Trente, que l’historien maintenait de tout son pouvoir comme étant vrai en vertu de la tradition seule, comme devant l’être et le paraître par la beauté même de l’action. […] Il n’en était plus à ce moment où, son ami le noble général Drouot quittant l’armée de la Loire et prenant congé de lui pour venir se constituer prisonnier à Paris, il lui offrait de l’accompagner et de le défendre devant le conseil de guerre : ce que Drouot refusait délicatement, mais dont il garda toujours le souvenir. […] Ceux qui l’ont connu me le dépeignent d’une taille qui n’était pas au-dessus de la moyenne, d’une physionomie agréable et forte, la tête brune, l’œil vif, le nez aquilin et noble, le teint assez coloré, le cou plein et puissant.
Était-on noble, en effet, plus noble d’un quartier que les autres Académies ? […] Ce fut aussi chose à peu-près convenue dès lors, dans l’opinion, que les autres Académies moins nobles travaillaient, publiaient des mémoires, des recueils savants dont on leur demandait un compte exact et fréquent mais que l’Académie française, à part son Dictionnaire qu’elle retouchait de temps en temps et qu’elle recommençait toujours, ne travaillait pas : elle était censée comme les lis de la vallée, « qui ne travaillent ni ne filent. » Une conséquence qui découlait de cette distinction première : toutes les autres Académies eurent des académiciens libres ou amateurs ; l’Académie française seule n’en eut pas. […] C’est une noble tâche qu’il s’est donnée là, en avançant dans la vie, que de lutter avec la beauté antique.
Après l’apothéose, après les gémonies, Pour le vorace oubli marqués du même sceau, Multitudes sans voix, vains noms, races finies, Feuilles du noble chêne ou de l’humble arbrisseau ; Vous dont nul n’a connu les mornes agonies, Vous qui brûliez d’un feu sacré dès le berceau, Lâches, saints et héros, brutes, mâles génies, Ajoutés au fumier des siècles par monceau ; Ô lugubres troupeaux des morts, je vous envie, Si quand l’immense espace est en proie à la vie, Léguant votre misère à de vils héritiers, Vous goûtez à jamais, hôtes d’un noir mystère, L’irrévocable paix inconnue à la terre, Et si la grande nuit vous garde tout entiers ! […] Mais parlez-moi des Soleils de juin, des Soleils de novembre, nobles essors d’une âme qui sait se retremper aux vraies sources de consolation. […] A quelque noble arbuste enlace, ô jeune Vigne ! […] Dans sa vie de montagnes, le poëte a dû plus d’une fois vérifier la pensée exprimée dans deux autres sonnets de Wordsworth, lorsque le soir, du haut d’un mont, on voit le couchant figurer, avec ses nuées fantastiques, mille visions lointaines, et que cependant on se dit, en redescendant par le sentier déjà sombre, que ces jeux du ciel ne sont rien en eux-mêmes auprès des nobles et durables pensées qu’on possède en soi et qui nous ouvrent le ciel invisible.
M. de Chateaubriand, à la tribune des Pairs, eut ce jour-là de nobles paroles, et, cet autre jour, il en eut de malheureuses… » Sur les violences matérielles et les horreurs qui ensanglantèrent le Midi, on est unanime ; mais là encore on essaye de n’en pas trop dire et de limiter l’indignation ; on n’emprunte que discrètement à l’effroi de la tradition populaire qui a survécu et qui subsiste encore ; on craint de paraître donner dans la légende qui grossit les faits et les transfigure : à ce travail honorable, entrepris par de bons esprits qui ont oublié d’être de grands peintres, le courant incendiaire qui traversa alors et dévora toute une partie de la France, se dissipe et s’évapore ; l’atmosphère embrasée du temps ne se traduit point au milieu de ces justes, mais froides analyses ; l’air échappe à travers les mailles du filet, et c’est encore dans les historiens d’une seule pièce, d’une seule et uniforme nuance comme Vaulabelle, dans ce récit ferme, tendu et sombre, où se dresse énergiquement passion contre passion, qu’on reçoit le plus au vif et en toute franchise l’impression et le sentiment des fureurs qui caractérisent le fanatisme royaliste à cette époque. […] On leur faisait un double et triple crime de leur belle étincelle, de leur noble inconséquence généreuse, si toutefois c’était chez eux inconséquence. […] Le Cabinet, qui était le second depuis la rentrée de Louis XVIII, et qui succédait à celui qu’avait présidé M. de Talleyrand, était présidé lui-même par le duc de Richelieu, noble figure, cœur loyal et resté français dans l’émigration et jusque sous le drapeau russe, et l’un des hommes qui firent le plus pour rendre la Restauration viable, si elle avait pu ou voulu l’être. […] J’ai assez dit les crimes et les excès : qu’on me laisse revenir à mon aise et reposer un peu mon regard sur ces nobles et graves figures qui apparaissent dans leur lointain, avec quelques autres également respectables, comme les bons génies si peu écoutés de la Restauration.