/ 2328
1242. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Il descendait d’une noble et ancienne famille du Rouergue, et plusieurs de ses aïeux avaient occupé les premières charges de la magistrature dans le parlement de Toulouse. […] Il est assez remarquable que ce furent trois hommes de noble race : un Bonald, de la province de Rouergue ; un de Maistre, descendant d’une famille originaire du Languedoc ; un Chateaubriand, issu d’une des vieilles familles militaires de la Bretagne, toujours d’un si bon secours aux heures des périls suprêmes de la société française, qui prirent la tête de ce grand mouvement. […] Après avoir côtoyé bien des rivages, il alla droit à Tebelen, où il fut merveilleusement accueilli par Aly ; le terrible pacha reconnut, à la conformation de l’oreille et à la délicatesse des mains du poëte, qu’il était de noble race, et par une de ces fantaisies qui viennent au pouvoir absolu, il lui permit de visiter la Grèce. […] L’amour chrétien a quelque chose de plus noble et de plus élevé ; ses élans ne s’arrêtent pas sur la terre, ils montent vers le ciel. […] Victor Cousin pour revêtir des belles formes de sa poésie les idées de la philosophie la plus noble et la plus pure qu’ait enfantée l’esprit humain. « Si la mort de Socrate fut celle du plus sage des hommes, avait dit Jean-Jacques Rousseau, la mort de Jésus-Christ fut celle d’un Dieu : il semble que le poëte se soit souvenu de ce rapprochement, et qu’il ait voulu peindre la première de ces deux morts comme l’humble préface de l’autre.

1243. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Qu’elle est belle et bienfaisante sous cette noble forme ! […] On croit entendre le discours qui coule de ses nobles lèvres, avec une gravité didactique. […] Et si dans nos palais, l’un de mes beaux-frères ou l’une des sœurs de mon époux m’outrageait, ô noble Hector ! […] Les raffinements du langage et de la pensée amollirent la noble muse de Pindare ; les subtilités l’étiolèrent, la galanterie l’affadit. […] L’homme s’envolait intact dans la sphère pure de la mémoire, comme l’idée noble ou gracieuse qu’il avait personnifiée sur la terre.

1244. (1933) De mon temps…

Je l’admirais et je respectais en lui cet amour fanatique des Lettres qui avait été sa passion unique et avait fait la haute et noble dignité de sa vie. […] Je le revois, à la fois joyeux et intimidé, très beau avec ses longs cheveux blancs, son pâle visage, ses yeux au noir regard, écoutant avec une émotion souriante l’hommage tardif, mais enthousiaste, rendu à sa glorieuse et haute vieillesse, à son œuvre, à sa noble vie. […] Â côté de ce portrait de jolie femme, une toile présentait un profil aux lignes nobles et nettes, où apparaissaient, à travers le tulle d’une voilette à pois, les restes d’une beauté qui avait dû être éclatante et qui demeurait visible en son vieillissement. […] Ce fut en ce noble arroi que la mort vint prendre ce frère des Saint-Cendre et des Clérambon pour l’emmener hors d’un siècle auquel il avait passionnément préféré le leur. […] Un jour vient donc où il faut se résigner à feuilleter de lourds dossiers qui renferment un noble amas d’actes de dévouement et de charité.

1245. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Il ne se trompe certainement pas lorsqu’il montre les grands, les nobles, le haut clergé, les femmes à la mode, ceux qu’on appellera aristocrates quelques mois plus tard, commencer par être les vrais démocrates, désirer un changement dans le gouvernement, y pousser à l’aveugle pour se procurer chacun plus de crédit dans sa sphère, se comporter en un mot comme des enfants qui, en maniant des armes à feu, se blessent et blessent les autres : « Ces aristocrates, dit-il, sont les véritables auteurs de la Révolution ; ils ont enflammé les esprits dans la capitale et les provinces par leur exemple et leurs discours, et n’ont pu ensuite arrêter ou ralentir le mouvement qu’ils avaient excité. » La bourgeoisie française a fait depuis, et sous nos yeux, ce que l’aristocratie avait fait alors ; ç’a été la même répétition, et selon le même esprit, à un autre étage. […] Le caractère d’Aladin et ses nobles imprudences de conduite ont leur contrepoids et leur correctif dans la sagesse d’un vieux moine philosophe, le Kalender : Le Kalender avait beaucoup vu, beaucoup observé, méprisait les hommes et s’en accommodait ; il ne connaissait point de vérité absolue, ne trouvait rien de grand, ni de vil, ni de petit… Jamais il ne faisait de reproches sur ce qu’on aurait dû faire : il prenait les choses où elles en étaient, et les hommes comme ils étaient… Il ne donnait point de conseils, mais quelquefois des avis… Jamais il ne raisonnait contre les passions, mais il prouvait souvent qu’on n’avait pas de passion.

1246. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Ballanche, c’est-à-dire comme une noble nature, une douce et belle âme qui a de sublimes perspectives dans le vague, des éclairs d’illumination dans le nuage ; qui excelle à pressentir sans jamais rien préciser, et sait atteindre en ses bons moments à des aperçus d’élévation et de sagesse. […] Il naquit dans le doux pays de Touraine, à Amboise, sur le Grand-Marché, le 18 janvier 1743, d’une famille noble : « Je suis le quatrième rejeton du soldat aux gardes, le plus ancien chef connu de la famille ; depuis cette tige jusqu’à moi, nous avons toujours été fils uniques pendant les quatre générations ; il est probable que ces quatre générations n’iront pas plus loin que moi. » Et en effet Saint-Martin ne se maria jamais.

1247. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Une telle passion exclut la vertu et cet amour du bien public, qu’on doit adorer après son simple bonheur et bien avant sa propre grandeur… Il faut remarquer, ajoute-t-il (et l’on n’a que le choix entre vingt passages), que mon frère aime mieux une place qui lui vient par une brigue, par un parti et par une intrigue, que par la voie simple et noble de sa capacité reconnue et placée. […] du seul archevêque de Bordeaux, mon oncle, lequel était un petit esprit, taquin et triste, grand économe, homme à vues bourgeoises, aimant sa maison avec orgueil, mais sans générosité, plein de lui et vide des autres, dur et sec, haïssable, et échappant seulement à la haine publique par son économie ; mais mon père et mes aïeux ont toujours passé dans leur temps pour gens francs, nobles, courageux et dignes de l’ancienne Rome, surtout de nulle intrigue à la Cour ; aimant la vie de province, ce qui est la vraie vie de la province ; riches ou pauvres, et cependant s’y faisant d’abord distinguer par les lumières de leur esprit et la bonté de leur cœur.

1248. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Parlant des derniers rebelles qu’on réduisit, Villars laisse échapper un mot qui est bien d’un noble soldat : « Ravanel, dit-il, mourut de ses blessures dans une caverne ; La Rose, Salomon, La Valette, Masson, Brue, Joanni, Fidel, de La Salle, noms dont je ne devrais pas me souvenir, se soumirent, et je leur fis grâce, quoiqu’il y eût parmi eux des scélérats qui n’en méritaient aucune. » On sent, à ce simple mot de regret d’avoir pu loger de tels noms dans sa mémoire, le guerrier fait pour des luttes, plus généreuses et pour la gloire des héros, celui qui a hâte de jouer la partie en face des Marlborough et des Eugène. […] Marlborough était étonné de la contenance des troupes françaises qu’il ne s’était pas figurées si vite rétablies des dernières campagnes, et qui, par la fierté de leur abord, lui imposaient ce retard : Elles n’ont jamais été si belles, écrivait Villars au roi durant ces journées de noble attente (13 juin), ni plus remplies d’ardeur.

1249. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

Mme Dacier, tout confusément et à travers ses théories morales gratuites et surfaites, Mme Dacier, dans son emphase du moins sincère, sentait encore mieux cette élévation et cette noble chaleur, inhérentes au poème épique, que l’abbé de Pons avec ses explications nettes et fines. […] Un mot n’est pas plus beau par lui-même qu’un autre mot ; une expression n’est ni plus noble ni plus brillante qu’aucune autre.

1250. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Saint Bernard notamment, dans une psalmodie sur le mépris du monde (Rhythmus de contemptu mundi), qui se compose de quatrains formés eux-mêmes d’espèces d’alexandrins à césure marquée et se suivant sur quatre rimes plates, s’était dès longtemps demandé : Où est le noble Salomon ? […] Toujours, quand il sera question de la rapidité et de la fuite des générations des hommes qui ressemblent, a dit le vieil Homère, aux feuilles des forêts ; toujours, quand on considérera la brièveté et le terme si court assigné aux plus nobles et aux plus triomphantes destinées : Stat sua quaeque dies, breve et irreparabile tempus Omnibus est vitae… mais surtout lorsque la pensée se reportera à ces images riantes et fugitives de la beauté évanouie, depuis Hélène jusqu’à Ninon, à ces groupes passagers qui semblent tour à tour emportés dans l’abîme par une danse légère, à ces femmes du Décaméron, de l’Heptaméron à celles des fêtes de Venise ou de la cour de Ferrare, à ces cortèges de Diane, — de la Diane de Henri II, — qui animaient les chasses galantes d’Anet, de Chambord ou de Fontainebleau ; quand on évoquera en souvenir les fières, les pompeuses ou tendres rivales qui faisaient guirlande autour de la jeunesse de Louis XIV : Ces belles Montbazons, ces Châtillons brillantes, Dansant avec Louis sous des berceaux de fleurs ; quand, plus près encore, mais déjà bien loin, on repassera ces noms qui résonnaient si vifs et si frais dans notre jeunesse, les reines des élégances d’alors, les Juliette, les Hortense, ensuite les Delphine, les Elvire même et jusqu’aux Lisette des poètes, et quand on se demandera avec un retour de tristesse : « Où sont-elles ? 

1251. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Il a tracé de ce salon célèbre et de sa confusion première un piquant tableau : « Le salon de Mme de Staël se trouvait alors peuplé, disait-il, de quatre à cinq tribus différentes : des membres du gouvernement présent, dont elle cherchait à conquérir la confiance ; de quelques échappés du gouvernement passé, dont l’aspect déplaisait à leurs successeurs ; de tous les nobles rentrés, qu’elle était à la fois flattée et fâchée de recevoir ; des écrivains qui, depuis le 9 thermidor, avaient repris de l’influence, et du Corps diplomatique, qui était aux pieds du Comité de Salut public en conspirant contre lui. » « Au milieu des conversations, des actes, des intrigues de ces différentes peuplades, ma naïveté républicaine se trouvait fort embarrassée. […] Cette influence cessant, une autre qui y succéda passagèrement, celle de Mme Récamier, décida de sa conduite au 19 mars 1815 ; et c’est pour plaire à cette beauté, amie des Bourbons, pour ne pas être éclipsé en zèle royaliste et antibonapartiste auprès d’elle, pour ne pas voir un rival, le guerroyant comte de Forbin, avec son sabre, obtenir un plus gracieux sourire que lui avec sa plume, qu’il se hâta d’écrire ce fameux article du Journal des Débats, et de le faire dans des termes tels qu’il était le seul peut-être de son parti qui ne put se rallier le lendemain à Napoléon, même par les meilleurs et les plus nobles motifs de résipiscence, sans s’exposer à une contradiction flagrante et à un échec moral irréparable.

1252. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Était-il possible, je le demande, qu’Horace Vernet vivant à Rome au sein d’une splendide nature, d’une belle race, de toutes les merveilles de l’art classique, en face des magnificences de Saint-Pierre et des pompes du Vatican, n’en fût pas touché, excité à se mesurer à sa manière avec ses nouveaux modèles, à s’exercer dans un genre plus noble et a y transporter ses qualités si, françaises ? […] Les autres membres de la famille, comme je vous l’ai déjà dit, ne sont pas mal non plus ; en entendant le vieux Carle parler de son père Joseph, on éprouve du respect pour ces gens-là, et je prétends, moi, qu’ils sont nobles. » — Et c’est ainsi qu’une vive nature d’artiste sympathise avec ses semblables, les reconnaît à travers les diversités de genre et de langue, les salue, les aime, les fait revivre… et l’on est à cent lieues du cuistre, de l’être immonde, arrogant et dur.

1253. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

On lui donna une noble et affectionnée gouvernante ; il passa sa première enfance sous la surveillance de ses tantes, les princesses doña Maria et doña Juana. […] Jusqu’ici on n’a pu remarquer s’il a de nobles inclinations, ni voir a quoi il est porté, si ce n’est au plaisir de la table : car il mange tant et avec tant d’avidité que ce n’est pas à dire, et à peine il a fini qu’il est prêt à recommencer.

/ 2328