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529. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface des « Burgraves » (1843) »

Celui qui écrit ces lignes, — et qu’on lui pardonne d’expliquer ici sa pensée, laquelle a été d’ailleurs si bien comprise qu’il est presque réduit à redire aujourd’hui ce que d’autres ont déjà dit avant lui et beaucoup mieux que lui ; — celui qui écrit ces lignes avait depuis longtemps entrevu ce qu’il y a de neuf, d’extraordinaire et de profondément intéressant pour nous, peuples nés du moyen-âge, dans cette guerre des titans modernes, moins fantastique, mais aussi grandiose peut-être que la guerre des titans antiques. […] Les Grecs ne s’en doutaient pas, et les plus imposants chefs-d’œuvre de la tragédie proprement dite sont nés en dehors de cette prétendue loi. La loi véritable, la voici : tout ouvrage de l’esprit doit naître avec la coupe particulière et les divisions spéciales que lui donne logiquement l’idée qu’il renferme.

530. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Émile de Girardin » pp. 45-61

… Assurément, en apprenant cette nouvelle, en entendant qu’il allait naître un nouveau Beaumarchais à la France dans la personne extrêmement connue de Μ. de Girardin, l’étonnement et la curiosité étaient légitimes. […] Μ. de Girardin, s’il est quelque chose, n’est pas plaisant.

531. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Funck Brentano. Les Sophistes grecs et les Sophistes contemporains » pp. 401-416

Il parle encore de Descartes et de Pascal, mais il les cite en bloc, pour les opposer, comme philosophes, aux sophistes nés d’eux et qui les ont suivis. […] Funck Brentano, tout sophiste naît de la déjection, remuée par lui, d’un philosophe, il nous donne la généalogie intellectuelle des sophistes qu’il a racontés, et, franchement, les aïeux ne valent guères mieux que les descendants. […] Mélange, tous deux, de physiologie et d’économie sociale, ils sont nés, selon la loi de progéniture formulée pour les sophistes par M. 

532. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Edgar Quinet. L’Enchanteur Merlin »

C’est un Allemand, en France, dont l’érudition est allemande, la science allemande, et qui a la naïveté allemande de croire nous donner des poèmes épiques en français. […] C’est un génie de plusieurs pères, et qui, justement parce qu’il n’en faut qu’un, ressemble à trop de gens pour pouvoir ressembler jamais beaucoup à personne. […] lesquels prouvent bien, comme vous voyez, que dans ce tout-puissant xixe  siècle il naît et se combine des créatures si fortes, qu’elles peuvent réunir en elles, sans éclater, Pradon et Gongora… L’amour commence, Tout est divin !

533. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Édouard Gourdon et Antoine Gandon » pp. 79-94

Ou bien encore, c’était l’amour heureux, en pleine possession, qui se suicidait lui-même sans raison (l’amour n’en ayant ni pour naître, ni pour durer, ni pour mourir), et qui se frappait, comme le scorpion se perce de son dard, en pleine flamme. […] Jean Gigon, avec le siècle, trouvé sur le versant français des Pyrénées par deux gendarmes, dont l’un son parrain, et l’autre sa marraine, lui donnent, l’un son prénom et l’autre son nom de famille, et lui constituent ce nom de Jean Gigon, si fameux — mais seulement fameux là !  […] C’est un Turenne du peuple, sans génie, sans bâton de maréchal resté dans la giberne pour donner raison à Louis XVIII, et aussi sans la piété du grand Turenne, qui lui aurait ôté, s’il l’avait eue, cet air triste qui ne lui va pas, pour mettre à la place l’air serein, le véritable air d’une figure, d’une vie, d’une conscience comme la sienne ; car le scepticisme qui nous déborde, et qui n’a pas fait de foi aux plus grandes âmes, a versé son ombre et sa misère sur les fronts les mieux nés pour être sereins.

534. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Un nerveux-bilieux-sanguin, en Champagne, à Montmirail ; qui a tété avec le vin de son pays l’ardeur, la joie et la légèreté. […] Si la poésie d’André Chénier est fille de la muse hellénique, lui-même de qui était-il  ? […] On sent une grandeur née d’un effort puissant, une harmonie savante et compliquée. […] Et, comme il écrit au commencement de la Restauration, il annonce en riant qu’on verra naître un beau idéal constitutionnel. […] Il est le peintre des femmes, surtout des femmes d’Angleterre, au sang vermeil.

535. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Il est dur de naître en cette contrée ; le ciel est si froid qu’au mois de juillet, à Glasgow, par un beau soleil, je n’avais pas trop de mon manteau. […] Ce n’est point dans ce monde armé en guerre contre les nouvelles théories que les nouvelles théories pouvaient naître. […] C’est de cette vie que naissent ses vers. Elle lui suffit et suffit à les faire naître. […] Par-dessus toute réforme, ils travaillaient à briser le grand style aristocratique et oratoire, tel qu’il était de l’analyse méthodique et des convenances de cour.

536. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

Il naquit à Florence, la ville où tout renaissait au quatorzième siècle. […] Audibert de Noves habitait pendant l’hiver une maison de sa famille à Avignon, Laure y était née. […] Cette adoration multipliait sous toutes les formes ses hommages : Laure était passée à l’état de divinité dans l’âme de son amant ; ce culte avait cependant l’onction, la dévotion, le mysticisme de tout autre culte ; il avait ses reliques et ses stations ; il consacrait la mémoire des jours où il était , des événements qui le nourrissaient, et bientôt, hélas ! […] Pétrarque et lui auraient dû naître au temps des Scipions. […] Il naquit poète, orateur, tribun et remueur d’hommes ; les noms de Tite-Live, de Cicéron, de César, des deux Sénèques, étaient toujours dans sa bouche ; ses entretiens reconstruisaient sans cesse la Rome de la république ou de l’empire ; il avait le fanatisme du Capitole.

537. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

En voyant naître une religion on peut dire : Une nouvelle architecture va sortir des carrières du globe. […] On voit à distance un grand village, maintenant une élégante et populeuse petite ville, née en trente ans de la nature pastorale et de l’industrie. […] Ce groupe de maisons, c’était la Chaux-de-Fonds, la ville où Léopold Robert était . […] Feuillet de Conches, son ami, la maison de son père, où il naquit, est en dehors du village sur le chemin qui conduit au Locle. […] On sentit bientôt qu’il n’était pas pour un comptoir de trafiquant de Bâle ou de Zurich.

538. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

C’est Dieu qui a tiré des profondeurs de son être le mouvement qu’il a communiqué à tout le reste des choses ; sans lui, le mouvement ne serait pas , et il ne continuerait point. […] Que se passe-t-il dans les profondeurs du moteur premier, et de quelle façon le mouvement peut-il y naître ? […] Tout ce que nos yeux peuvent découvrir lui semble connu : et l’éléphant qu’il a disséqué, et cet animal imperceptible qu’on voit à peine naître dans la pourriture et la poussière. […] Il en naît de petits vers qui croissent et deviennent abeilles et bourdons : mais la semence d’où naissent les rois est roussâtre, elle a plus de consistance que le miel épaissi, et dès les premiers instants elle est d’un volume qui répond à celui du roi qu’elle produira. […] Les besoins de l’humanité sont des prophéties, peut-être cet homme est-il .

539. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Je m’étais dit : « Un homme est  ; si l’opinion le comprend, et si l’adversité ne l’effeuille pas dans le ruisseau de la rue de Paris, ce sera un jour un grand homme !  […] Je l’avais vu naître quelques années avant, dans un petit entresol de la rue Gaillon. […] Je me dis : Voilà un homme il y a deux siècles ; — examinons-le bien. […] Mon frère avait déjà fait plusieurs séjours chez lui ; la spirituelle conversation de ce bon vieillard, ses curieuses anecdotes sur l’ancienne cour, où il avait obtenu de grands succès, les encouragements qu’il donnait à mon frère, dont il était le confident, avaient fait naître une telle affection entre eux qu’Honoré appelait plus tard l’Isle-Adam son paradis inspirateur. […] Il était comme moi-même, mal pour la scène : il n’y avait pas assez d’espace pour ses conceptions.

540. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

À tout cela ajoutez ces moments cruels où la passion moins vive nous laisse le loisir de retomber sur nous-même et de sentir toute l’indignité de notre état ; ces moments où le cœur, pour des plaisirs plus solides, se lasse de ses propres idoles et trouve son supplice dans ses dégoûts et dans sa propre inconstance. […] Le Régent disait qu’il était ennuyé : combien d’hommes depuis, qui, sans être régents du royaume ni fils de France, ont également commencé par l’ennui une vie que les passions n’ont pu qu’agiter et ravager sans la remplir ! […] Et quelle peinture plus frappante et plus reconnaissable que cette image d’une âme finalement vouée à l’ennui capricieux des plaisirs : Vos passions ayant essayé de tout et tout usé, il ne vous reste plus qu’à vous dévorer vous-même : vos bizarreries deviennent l’unique ressource de votre ennui et de votre satiété. […] Un nouveau règne, un nouveau siècle, en effet, venait de naître : à côté des désordres qui faisaient irruption et scandale dans les mœurs publiques, une grande espérance se faisait sentir dans tout ce qu’il y avait d’âmes restées encore honnêtes.

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