M. de Marca fut nommé à l’Archevêché de Paris, sur la démission du Cardinal de Retz ; mais il mourut au moment qu’il alloit en prendre possession, ce qui donna lieu à cette mauvaise épitaphe qu’on se plaît trop souvent à répéter : Ci-gît Monsieur de Marca, Que le Roi sagement marqua Pour le Prélat de son Eglise ; Mais la Mort qui le remarqua, Et qui se plaît à la surprise, Tout aussi-tôt le démarqua.
MOTTEVILLE, [Françoise Bertaud, Dame de] née en Normandie en 1615, morte à Paris en 1689.
Telle elle vécut et elle mourut. […] Petit-fils de ce duc de Nevers dont j’ai parlé, et qui, au milieu de toutes sortes de rimes à l’aventure, a fait un bien joli vers, daté de Rome : Sans un peu de Coulange on mourrait en ces lieux, il était fils d’un autre duc de Nevers, qui fut longtemps sans avoir le droit de s’appeler de ce nom ; car, dans leur insouciance épicurienne, ces distraits et excentriques seigneurs avaient omis, en temps utile, de faire enregistrer leur titre au parlement ; ils n’aimaient ni la guerre ni la Cour, et ne suivaient que leur caprice, la paresse et le plaisir. […] Ce dernier rejeton de la maison Mancini naquit à Paris, le 16 décembre 1716 ; très délicat, très frêle de constitution, il sut, malgré des excès de jeunesse qui l’exténuèrent encore, mener son fil très délié jusqu’à l’âge de quatre-vingt-deux ans, et mourut sur la fin du Directoire. […] Le jour même où il mourut, il dictait un billet en vers pour son médecin, et pour qu’il n’en appelât point d’autres en consultation ; il lui disait en badinant que, s’il mourait, il voulait que ce fût entre ses bras.
Je suis pourtant si jeune, si jeune ; et dois-je déjà mourir ? […] Laisse donc dans l’oubli l’irréparable passé ; tu me fais mourir. […] « Enfin, quand elle arrive, la grande lutte, quand il faut à son tour se présenter au combat de la mort, sans doute l’affaiblissement de nos facultés, la perte de nos espérances, cette vie si forte qui s’obscurcit, cette foule de sentiments et d’idées qui habitaient dans notre sein, et que les ténèbres de la tombe enveloppent, ces intérêts, ces affections, cette existence qui se change en fantôme avant de s’évanouir, tout cela fait mal, et l’homme vulgaire paraît, quand il expire, avoir moins à mourir ! […] Officier de cavalerie dans l’armée française, blessé presque mortellement dans les guerres d’Espagne, il était revenu languir et mourir dans sa patrie. […] Toutes les fois que je suis seule, je prie, disait-elle à sa fille, il n’y a point de solitude pour ceux qui vivent en présence de Dieu, il n’y a point d’absence, pour ceux que la mort ou la distance séparent, quand ils se rencontrent dans la prière. » Elle mourut ainsi dans les bras de sa fille.
Homère, Virgile, Tasse, Dante, Milton, Camoëns vivent, la Henriade est morte en moins de cent ans ; mais Voltaire vit éternellement, non dans la Henriade, non dans ses tragédies, mais dans l’universalité de son nom. […] Newton, qui venait de mourir, pour les sciences physiques ; Bacon, pour la philosophie réaliste et rationnelle ; Shaftesbury, pour l’audace de ses négations religieuses ; Bolingbroke, l’homme d’État célèbre, retiré en France et avec lequel Voltaire avait été lié précédemment en Touraine, pour son mépris des révélations ; le grand poëte anglais Pope pour l’éclectisme élégant de ses poésies didactiques, furent ses maîtres dans la pensée et dans le style. […] La mort presque soudaine de la marquise du Châtelet, qui mourut en couches à quarante-deux ans, changea en deuil ce bonheur, et dispersa ce cénacle de plaisirs et d’études. […] C’est que Voltaire, il faut le reconnaître, ne vivait pas tant en lui-même que dans le monde toujours jeune qui ne devait pas mourir après lui ; c’est qu’il était en réalité un homme collectif et par conséquent un homme immortel. […] Sa mort fut hâtée par cette faiblesse ; l’envie, qui avait poursuivi sa jeunesse, était morte avant lui ; pressé par sa nièce et par ses amis d’aller recueillir à Paris l’apothéose que la France lui décernait à l’unanimité sur ses derniers jours, il quitta à regret sa douce retraite de Ferney et se rendit à Paris.
La maîtresse, courageuse femme s’il en fût, vint à mourir. […] Mon meilleur ami, un jeune homme de Coutances, je crois, transporté comme moi, excellent cœur, s’isola, ne voulut rien voir, mourut. […] Selon les règles ordinaires, j’aurais dû mourir ; j’aurais peut-être mieux fait. […] Je songe quelquefois qu’en moi le Breton mourut ; le Gascon, hélas ! […] Dupanloup : de m’avoir fait venir à Paris et de m’avoir empêché de mourir en y arrivant.
Si bien que M. de Presles, désespéré de perdre sa femme, le jour même où il commençait à l’aimer et à la connaître, va se faire soldat, comme son ami Hector, si le Pont-grimaud, avec lequel il va se battre tout à l’heure, n’a pas l’esprit de le tuer, alors qu’il est si bien disposé à mourir. […] Sa conscience qui faisait la morte se réveille ; il se rappelle des chuchotements de salon, des propos railleurs surpris au passage ; il se voit déjà abandonné, isolé, échoué sur son rocher d’argent, au milieu du monde soulevé contre lui. […] Olympe, installée chez ses grands-parents, baille, s’ennuie, fait la morte. […] Les courtisanes de naissance ou de vocation sont comme les animaux marins que l’eau douce empoisonne ; il leur faut, pour vivre et respirer à l’aise, l’écume et la salure de leur mer Morte natale. […] Il nous a peint, en traits de feu, l’ensorcellement matériel d’une fille, ingénue comme une sauvage, qui, retirée de l’enfer, regrette machinalement son climat de braise, et se meurt de ne plus respirer son air empesté.
Témoin, La Jument morte.
Quelques mois après, Emmanuèle meurt à son tour. André brûle pour la morte d’un amour rétrospectif, mais ardent et halluciné, qui le conduit au tombeau par les voies rapides de la fièvre cérébrale. […] Évidemment, tout cela n’est pas dangereux, et nous n’en mourrons pas. […] Il n’a fait que des tirages limités de Corydon et de Si le grain ne meurt, sans service de presse. […] Pas plus de service de presse que pour Si le grain ne meurt et pour Corydon, M.
Ce sont amusements de ma jeunesse, premiers essais de mon imagination émancipée, au sortir de la longue enfance où nous avions tous perdu notre liberté de penser sous la tyrannie d’une lettre morte. […] Elle doit mourir. Seulement, comment mourra-t-elle ? […] Don Gutierre mande secrètement un chirurgien, et lui ordonne de saigner dona Mencia « jusqu’à ce que tout son sang soit sorti, et qu’elle meure ». […] « Ils alterquaient ensemble, dit Guy Patin, et ne s’accordaient pas de l’espèce de maladie dont le malade mourait.
» Elle languit et mourut. […] Tout était changé dans la maison de Swift. « À mon arrivée, dit-il, je crus que je mourrais de chagrin, et tout le temps qu’on mit à m’installer, je fus horriblement triste. » Des larmes, la défiance, le ressentiment, un silence glacé, voilà ce qu’il trouvait à la place de la familiarité et des tendresses. […] Un jour on l’avait vu s’arrêter devant un orme découronné, le contempler longtemps, et dire : « Je serai comme cet arbre, je mourrai d’abord par la tête966. » Sa mémoire le quittait, il recevait les attentions des autres avec dégoût, parfois avec fureur. […] S’ils rencontrent une vache morte, quoiqu’ils ne soient que cinq, et qu’il y en ait pour cinquante, ils s’étranglent ou s’ensanglantent ; voilà l’image de notre avidité et de nos guerres. […] La sensibilité, l’esprit positif et l’orgueil lui ont forgé un style unique, d’une véhémence terrible, d’un sang-froid accablant, d’une efficacité pratique, trempé de mépris, de vérité et de haine, poignard de vengeance et de guerre qui a fait crier et mourir ses ennemis sous sa pointe et sous son poison.
Elles vous reviennent ainsi qu’une tête de morte que vous auriez vue, éclairée et dorée au matin, par la flamme mourante d’un cierge. […] Hébert, assis derrière la princesse, sans toucher un crayon, préside au travail, et c’est à tout moment : « Faites donc cela avec la main morte… Indiquez ceci comme cela… Mettez de la sauce là… je sais bien, vous ne voulez pas vous salir les doigts ? […] 26 septembre On est venu nous dire que le vieil ami se mourait. […] Il se meurt. […] C’est l’embaumeur de la vie morte, et rien n’a un peu d’immortalité que ce qu’il a touché, décrit, peint ou sculpté.