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2210. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

Car « l’amour », est un mot qui désigne des choses profondément différentes ou même contraires. […] C’est le poème de l’amour et c’est un ouvrage d’édification, au sens exact du mot ; un traité d’élargissement, d’affranchissement de l’âme, et de perfectionnement moral par l’amour. […] » Il pose cet axiome qu’« il n’y a point de vieille femme », et le développe en un chapitre dont le sommaire tout seul est déjà bien joli : « … Le visage vieillit bien avant le corps. — L’ampleur des formes est favorable à l’expression de la bonté. — Une génération qui n’aimerait que la première jeunesse et ne serait pas policée par le commerce des dames resterait grossière. — Une femme qui aime et qui est bonne peut, à tout âge, donner le bonheur, douer le jeune homme. » Il vous apparaîtra de nouveau, si vous pesez les mots de cette dernière phrase et si vous en cherchez le commentaire dans le texte du chapitre, que le naturisme de Michelet n’est pas précisément le naturisme de Molière.

2211. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

Il y a, mêlés partout au dialogue, les détails de cuisine, d’ameublement ou d’habillement : gauche mosaïque qui fait ressembler la conversation des personnages au texte de ces « thèmes de difficultés » où d’ingénieux professeurs de grammaire se sont donné pour tâche de faire entrer certains mots, de gré ou de force. — Et j’allais oublier le Gaulois notre ancêtre, le bon esclave ou gladiateur gaulois que l’auteur ne manque pas de fourrer dans un coin de son drame, et à qui il prête un rôle honorable pour flatter notre patriotisme. […] Elle aurait des mots simples et profonds, que je ne me charge point de trouver, des mots qui ressembleraient à quelques-uns de ceux que Tolstoï a su prêter au vieil Akim ou à Platon Karatief.

2212. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

Ses Poèmes saturniens ont attiré l’attention de tous ceux que préoccupe encore un beau vers, un sonnet bien établi, un heureux choix de mots, de rimes et de rythmes servant à l’exécution d’un beau poème. […] Les efforts contradictoires de sa vie — vers la pureté et vers le plaisir — se coalisent en l’effort de sa pensée, quand sonne l’heure de lui donner la forme artistique, avec une intensité qui le met à part de tous les Modernes (à ce point de vue) et qu’il doit sans doute à sa naïve énergie de vivre… N’ayant que ses passions pour matière de son art, plus factice et plus lâche, il n’eût, comme la plupart de nos poètes français, accumulé que des rimes, sans unité d’ensemble : son instinct vital l’a sauvé, l’instinct triomphant qui n’a pas seulement soumis l’intelligence, mais qui, par un miracle, se l’est assimilée, se spiritualisant vers elle, la matérialisant vers lui, réalisant (au sens étymologique du mot) l’idéal, et puis, pour le conquérir, s’ingéniant, sans laisser jamais l’imagination se prendre à d’autres mirages que ceux de la vie elle-même, tels qu’ils sont peints par le hasard, sur le rideau de nos désirs. […] Il fouilla les dictionnaires pour y trouver des mots pareils aux pierres et aux métaux.

2213. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Premiere partie. » pp. 12-34

A ce mot je vois frémir les ames foibles qui redoutent la vie ; ames infortunées qui n’existent plus dès que les molles voluptés les abandonnent ; tristes victimes de leur lâcheté, dévouées à la crainte & nées pour l’impuissance ; sans doute elle ne sont point faites pour connoître ce courage mâle qui émousse la pointe de l’infortune, résiste aux revers, triomphe des evénemens, & met au rang des plus précieux trésors l’indépendance & l’honneur. […] Par ce mot, liberté, on ne veut exprimer que le droit légitime de conduire sa vie privée selon ses goûts, en n’offensant ni les Loix politiques, ni celles de l’Etat. […] Voilà le sens que présentent ces mots.

2214. (1842) Essai sur Adolphe

Adolphe et Ellénore ne sont pas seulement réels, ils sont vrais dans la plus large acception du mot. […] Mais comme ils s’étaient choisis par fierté, ils ne prononceront pas encore le mot d’abandon. […] Chaque mot renferme un regret ou une invective.

2215. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre I. L’intuition et la logique en Mathématiques. »

Le défaut de ce raisonnement nous apparaît immédiatement, parce que nous employons le terme abstrait de fonction et que nous sommes familiarisés avec toutes les singularités que peuvent présenter les fonctions quand on entend ce mot dans le sens le plus général. […] Cette autre chose, nous n’avons pour la désigner d’autre mot que celui d’intuition. Mais combien d’idées différentes se cachent sous ces mêmes mots ?

2216. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Dernière semaine de Jésus. »

Il eut un mot pour chacun de ses amis. […] Juda était présent ; peut-être Jésus, qui avait depuis quelque temps des raisons de se défier de lui, chercha-t-il par ce mot à tirer de ses regards ou de son maintien embarrassé l’aveu de sa faute. […] Jean, qui pouvait converser avec Jésus sans être entendu, lui demanda le mot de cette énigme.

2217. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre I : Des sens, des appétits et des instincts. »

Bain en distingue sept espèces : Les sensations dues à l’état des muscles, la douleur ressentie lorsqu’on les coupe, la souffrance causée par une fatigue excessive, les os brisés, les ligaments déchirés, en un mot, tous les dommages violents portés au système musculaire. […] A notre avis, le mot instinct prête à l’équivoque. […] C’est là le prélude essentiel de tout développement du pouvoir volontaire ; cette activité est l’un des termes ou éléments de la volition ; la volition, en un mot, est un composé, formé de cette activité spontanée et de quelque autre chose en plus.

2218. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XV, l’Orestie. — les Choéphores. »

La virginité violée ne refleurit plus. » — Et elles ajoutent ce mot terrible que lady Macbeth répétera plus tard : — « Les fleuves rassembleraient leurs eaux qu’ils ne laveraient point la main qu’a souillée le meurtre. » Le cortège s’est rangé autour du tombeau ; Électre s’en détache et interroge ses compagnes avec une sombre ironie : Femmes esclaves qui m’accompagnez, conseillez-moi sur ceci. […] Son premier mot a déjà le tranchant du glaive : — « Toi aussi, je te cherche : lui, il a payé, c’est fait. » Elle le pleure et elle se lamente : — « Malheur à moi ! […] Aux supplications de sa mère il jette d’inexorables répliques ; chaque mouvement qu’elle fait pour le fléchir est repoussé par un mot mortel.

2219. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XI »

Ce père serait, comme on voit, un parrain médiocre ; c’est le fruit sec de l’égoïsme dans la plus ingrate expression du mot. […] Secrétaire d’un ministre à vingt-trois ans, il sauve l’Europe, qui n’en a jamais rien su, en disant deux mots à l’oreille d’Ibrahim-Pacha, et il revient de sa campagne d’Egypte, chamarré de croix, illuminé de gloire, pourvu d’un consulat de première classe, en attendant mieux. […] Puis, sur un mot dit avec une simplicité qui pénètre, la glace se rompt, le malentendu se dissipe ; ils tombent dans les bras l’un de l’autre, avec effusion.

2220. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface du « Roi s’amuse » (1832) »

Il fut même enjoint au théâtre de rayer de son affiche ces quatre mots redoutables : Le Roi s’amuse. Il lui fut enjoint, en outre, à ce mat heureux Théâtre-Français, de ne pas se plaindre et de ne souffler mot. […] Le mot est souligné dans le billet écrit.

2221. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Il prétend que les premiers philosophes hermétiques, c’est-à-dire, ceux qui travaillèrent au grand-œuvre & à faire de l’or, sont les pères de la mythologie ; qu’elle leur étoit un langage particulier ; qu’ils l’avoient imaginé, pour dérober au public la connoissance de leurs secrets ; que la poësie représentoit la théorie de leur art ; qu’il leur servoit à parler énigmatiquement pour les autres, & très-intelligiblement pour les adeptes, à peu près comme les francs-maçons, qui se reconnoissent à certains mots & à certains signes. […] Mais Santeuil, le plus enthousiaste & le plus foible des hommes, faisant toujours le contraire de ce qu’il projettoit, changea d’idée : il crut avoir blasphêmé contre le ciel que d’avoir mis, dans une de ses pièces, le seul mot de Pomone. […] Cependant il prétendoit à l’érudition ; il se disoit très-habile dans le Grec, quoiqu’il n’en sçût pas un mot.

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