Jouant avec un merveilleux sang-froid son double personnage de sage et de fol, il dosa très modérément la satire sociale et irréligieuse, ne toucha jamais le dogme, et dissémina adroitement sous la satire morale et la bouffonne fantaisie une doctrine positive : dans le cinquième livre seul, les proportions sont décidément renversées, et ce n’est pas une des moindres marques de l’inauthenticité du cinquième livre, que la vie et la philosophie y cèdent presque toute la place à la polémique agressive. […] Toute la métaphysique et toute la morale religieuses, l’ascétisme catholique et le rigorisme huguenot, tout le christianisme enfin, dans son essence originale, est détruit par cette doctrine : elle est donc hardie, mais historiquement plutôt que philosophiquement. […] On passe de là facilement à sa morale. […] Comme artiste, il résume et dépasse de bien loin ces essais que j’ai déjà signalés, ces timides esquisses de la vie morale, des formes et du jeu des âmes.
S’il n’est pas psychologue profond et original, il est du moins observateur attentif des effets réels de la vie morale ; par là il est homme du xviie siècle plutôt que du xviiie . […] Pour que ses peintures soient comprises, il faut qu’il soutienne la particularité physique par la généralité morale. […] Et ainsi, jusque dans la conception morale que semble exprimer la dernière partie du roman, Lesage ne dépasse pas le possible et le réel : on ne saurait dire que Gil Blas soit un idéal ; il arrive à être à peu près la moyenne d’un honnête homme, après avoir été un peu au-dessous. […] Diderot pense, déclame, argumente, s’abandonne à son imagination fougueuse et cynique, verse pêle-mêle les vues ingénieuses, profondes, fécondes, sur la littérature, la société, la morale, les effusions ardentes d’une sensibilité lyrique, les impiétés énormes et les obscénités froidement dégoûtantes.
Là est sa poésie ; là sont ses souvenirs héroïques ; là est sa législation, sa politique, sa morale ; là est son histoire ; là est sa philosophie, et sa science ; là, en un mot, est sa religion. […] Comment, dans ces grandes œuvres primitives, la religion et la philosophie, la poésie et la science, la morale et la politique se seraient-elles combattues, puisqu’elles reposent côte à côte dans la même page, souvent dans la même ligne ? La religion était la philosophie, la poésie était la science, la législation était la morale ; toute l’humanité était dans chacun de ses actes, ou plutôt la force humaine s’exhalait tout entière dans chacune de ses exertions. […] Mais tout est noble en vue de la grande science définitive, où la poésie, la religion, la science, la morale retrouveront leur harmonie dans la réflexion complète.
Jérôme Pichon, offre un curieux traité de morale, de civilité honnête et d’économie domestique, le tout dressé par un bon bourgeois de Paris du xive siècle, à l’usage de sa jeune femme. […] S’il s’était glissé dans la lettre écrite de Montargis un éclair de préoccupation morale au milieu de toutes les grâces extérieures et de toutes les parfaites convenances qu’on y décrit, Louis XIV n’aurait pas été, après douze ans d’une intimité de toutes les heures, le grand-père odieux et dur qu’on vient de voir, pour la mère de son héritier. […] Cet abbé, depuis cardinal de Polignac, est celui qui se faisait le défenseur de la Providence outragée et de la morale contre le poète Lucrèce. […] Celle-là, elle n’était pas une enfant de onze ans, elle n’avait pas seulement les grâces, elle avait l’élévation morale, le vrai mérite et les hautes vertus.
Cousin n’avait voulu que rétablir, contrairement aux résultats du xviiie siècle, une philosophie où l’on prouvât, par diverses sortes de raisonnements plus ou moins rigoureux, l’existence de Dieu, la spiritualité de l’âme, son immortalité, la liberté morale de l’homme dans une certaine mesure, il y aurait eu peu à redire ; car une telle philosophie est la seule qui se puisse décemment enseigner, et elle a été généralement d’ailleurs la philosophie des Socrate, des Platon, des Descartes, des Bossuet, des Fénelon, des d’Aguesseau. […] Guizot, depuis deux ans, n’a cessé, indépendamment de ses écrits historiques, de recueillir et de publier, en les revoyant, d’anciens morceaux très distingués15, qui vont former toute une bibliothèque morale et littéraire : Méditations et études morales ; — Études sur les beaux-arts en général ; — Shakespeare et son temps ; — Corneille et son temps. […] Mais, pourrait-on dire aujourd’hui à plusieurs de ceux qui ont le plus cultivé les lettres dès leur jeunesse, qu’y avez-vous gagné pour la morale même et pour la pratique libérale de la vie ? […] Quelle élévation morale au-dessus des autres qui vous entouraient ?
Et si, malheureusement, il n’eut pas plus que Sainte-Beuve la conscience et la conviction morale, si nécessaires pour juger sainement les œuvres de l’esprit, il s’en vengea, du moins, par l’étendue, l’horizon, le mouvement d’esprit de sa critique. […] Mais ses principes d’esthétique et de morale, ces principes qui ne font qu’un, et sans lesquels la Critique n’est plus que l’empirisme d’une personnalité plus ou moins supérieure, ne sont pas beaucoup plus distincts que ceux de Sainte-Beuve, et je doute qu’on en pût faire sortir un seul, appuyé et déterminé, de l’universalité de ses Œuvres complètes, où le talent le plus sincère et le plus animé n’est pas capable de combler cette lacune terrible dans les œuvres d’un critique : — le manque de principes et d’autorité. […] Masque qui reprenait sa figure parce qu’il avait le désespoir de l’illusion… Non, je n’ai jamais vu d’opposition plus vive qu’entre ces deux critiques et ces deux professeurs du xixe siècle, contrastant en tout, — excepté en convictions fortes et en autorité morale qu’ils n’avaient pas plus l’un que l’autre, ce qui les frappe également tous deux de néant et leur enlève, du coup et pour jamais, toute grande influence sur les hommes ! […] Dans la notice que Philarète Chasles a consacrée à Macaulay, c’est bien plus de l’auteur du Guillaume III qu’il s’est occupé que du reviewer, qui, pour les connaisseurs, valait cent fois mieux que l’historien, et il n’est pas étonnant qu’il l’ait jugé avec la bienveillance d’un whig qu’il était lui-même et qui, par conséquent, ne pouvait rien comprendre à la beauté morale de Jacques II, — méconnu par toute l’Angleterre et par la France, très humble servante de l’Angleterre, — de ce Jacques II qui aura un jour son historien si Dieu prête vie à celui qui écrit ces lignes, de ce Roi qui n’a eu que le tort grandiose de rester fièrement catholique, quand la masse imbécile — comme toute masse — ne l’était plus, et qui oppose à la grivoiserie sceptique d’Henri IV écrivant à sa maîtresse Corisandre : « Paris vaut bien une messe », le mot plus grand : « un royaume ne vaut pas une messe », et, pour une messe, perdant héroïquement le sien !
Où mettre tels sermons, tels traités de morale, telles satires sociales ou littéraires ? […] Croce verra combien mon « système » diffère de la classification rigide encore en usage) que la satire n’est pas un « genre », pas plus que l’idylle, ou le poème héroï-comique, ou le roman champêtre… Ces combinaisons variées, dont nul ne saurait fixer le nombre ni la forme, naissent parfois de la fantaisie d’un génie et meurent avec lui, car les imitations qu’elles suscitent ne sont le plus souvent que de mauvaises copies et ne révèlent qu’une mode sans âme ; — d’autres fois, ces combinaisons (celles-là surtout qu’on essaie de grouper en « genre didactique »), sont tout simplement des œuvres de morale ou de science ; leur style agréable ne suffit pas à en faire des œuvres littéraires ; il s’agit d’un domaine intermédiaire, comme il y en a tant dans la vie où tout n’est que transition ; dans ces cas-là, qu’on commence par rendre courageusement à la morale et à la science tout ce qui n’est pas œuvre d’art ; il y a des documents d’une grande valeur psychologique qui sont sans « forme » au sens précis du mot, donc sans art ; il faut les connaître, les utiliser, en dire l’intention, la signification ; mais, loin de les mettre au nombre des œuvres d’art, dire pourquoi ce ne sont pas des œuvres d’art. […] Ce sont des œuvres qui traitent de politique, de morale ou de science, et que les historiens littéraires mentionnent le plus souvent pêle-mêle, au petit bonheur de la chronologie ou des ressemblances de forme (par exemple : le dialogue).
. — Poésie morale et virile des prières et des offices. — La prédication. — Latimer. — Son éducation. — Son caractère. — Son éloquence familière et persuasive. — Sa mort. — Les martyrs sous Marie. — L’Angleterre est désormais protestante. […] Les puritains. — Opposition de la religion et du monde. — Les dogmes. — La morale. — Les scrupules. — Leur triomphe et leur enthousiasme. — Leur œuvre et leur sens pratique. — Bunyan. […] Avec Latimer et ses contemporains, la prédication comme la religion change d’objet et de caractère ; comme la religion, elle devient populaire et morale, et s’approprie à ceux qui l’écoutent pour les rappeler à leurs devoirs. […] Rarement une génération s’est trouvée plus mutilée de toutes les facultés qui produisent la contemplation et l’ornement, plus réduite aux facultés qui nourrissent la discussion et la morale. […] Les deux derniers poëtes de la Réforme survivaient ainsi, au milieu de la froideur classique qui séchait alors la littérature anglaise, et de la débauche mondaine qui corrompait alors la morale anglaise
Soit dit en passant, la question des rapports de la morale avec la religion se simplifie ainsi beaucoup quand on considère les sociétés rudimentaires. Les religions primitives ne Peuvent être dites immorales, ou indifférentes à la morale, que si l’on prend la religion telle qu’elle fut d’abord, pour la comparer à la morale telle qu’elle est devenue plus tard. A l’origine, la coutume est toute la morale ; et comme la religion interdit de s’en écarter, la morale est coextensive à la religion. […] La force morale d’où part la résistance, et au besoin la vengeance, s’incarnerait donc dans une personne. […] Notre nature morale, prise à l’état brut, différerait alors radicalement de celle de nos plus lointains ancêtres.
Influence morale. […] Au-dessus des lois il y a la morale, et c’est on son nom que se commettent les pires iniquités. […] Il ne nous ont légué ni une idée morale, ni une règle de conduite, ni un principe de vie. […] Celle-ci ne traiterait que des questions de morale. […] Il y a traité de nombreuses questions, et notamment de la liberté morale.
La réputation de Zola était grande ; mais il y manquait quelque chose d’essentiel : la considération, qui ajoute l’estime morale à l’admiration littéraire. […] Vous me rappelez l’orgueilleuse chapelle des protestants, ces assommants prêcheurs de morale, demi-vertus et bassinoires complètes, que j’ai si bien habillés dans ma dernière comédie. […] Ils n’ont plus » la pauvre ressource de plaider l’infirmité intellectuelle, et il ne leur restera, s’ils résistent, que la monstruosité morale. […] Les indiscrétions et les clefs firent bien plus pour le succès immédiat du livre que la portion de vérité universelle et de morale largement humaine qu’il contient. […] Les catéchumènes entendant gastronomie pendant que le prédicateur leur parlait morale, sa position était critique.
Il a troublé ma sécurité morale. […] Il est dans sa supériorité intellectuelle et morale. […] C’est que, à peine l’acte par lequel il affirmait sa morale particulière était-il accompli, la morale universelle s’est vengée. […] Barbe-Bleue, c’est don Juan respectueux de la morale et de la légalité. […] C’était une grande nouveauté morale.