Nous estimons trop l’Université de France, nous avons une trop haute idée des esprits supérieurs, des maîtres illustres qu’elle a produits et qu’elle possède, et de ceux, plus jeunes, qui aspirent à les continuer, pour ne pas exprimer ici ce que nous croyons la vérité : l’Université n’a pas été sans préjugés et sans prévention dans l’étude du grec ancien et à l’égard de la Grèce moderne. Les Grecs modernes y ont bien été de leur faute pour quelque chose. […] Les érudits d’autre part, ceux qui l’étaient devenus uniquement par le labeur et par les livres, ont rendu aux Grecs modernes et à leurs prétentions exclusives la monnaie de leur dédain, et le désaccord s’est maintenu. […] L’interruption littéraire dans la Grèce moderne ne date que du xve siècle ; depuis lors la langue, en tombant à la merci du simple peuple, s’est amoindrie, s’est appauvrie, et a subi la loi des idiomes qui se décomposent ; elle a conservé pourtant beaucoup de son vocabulaire, de ses tours et de son harmonie. […] Pour bien savoir et bien sentir dans ses moindres nuances, pour bien articuler dans ses accents le grec ancien, il n’est rien de tel encore que d’être Grec moderne.
Comme lui, la muse moderne verra les choses d’un coup d’œil plus haut et plus large. […] Dans la pensée des modernes, au contraire, le grotesque a un rôle immense. […] Nous voici parvenus à la sommité poétique des temps modernes. […] L’ode moderne est toujours inspirée, mais n’est plus ignorante. […] C’est donc au drame que tout vient aboutir dans la poésie moderne.
Nos appréciations du dessin, de la couleur, de la perspective et de la pâte ont l’insolence involontaire et naïve des graveurs, musiciens ou droguistes discutant la technique du vers moderne. […] Sans rétrospectif, les jugements annuels de tels rédacteurs modernes sont un commentaire agréable des expositions de peintures. […] J’avais accepté d’écrire « un Salon », mais à la vérité les jugements que j’allais avancera la légère ne me parurent point, sur mes notes, différents de ceux des critiques indulgents aux modernes ; et par où j’en différais j’étais trop mal ferme en mes impressions pour être sûr d’avoir raison contre eux. […] Or, entre ce qu’en gros on appelle les modernes, il y a déjà des écoles à bien distinguer. […] J’oscille entre ces deux opinions, mais la seconde est plus juste. — Pourtant, il y a eu de l’art avant les artistes modernes, et depuis Delacroix.
Je ne connais pas de livre plus capable de faire mépriser le monde moderne et ses mœurs. […] Ceci est moderne, absolument moderne… et cette triste histoire est le livre de Daudet. […] Très moderne par ce côté-là, le roman de Daudet est aussi parisien par un autre. […] Être parisien et moderne ! […] C’est le sceptique moderne en tout, excepté en art peut-être ; incrédule à tout, excepté à ce qui est beau.
C’est aux plus « modernes », sentants ou pensants, que nous allons de préférence. […] Le moderne…, vois-tu, le moderne, il n’y a que cela… Une bonne idée que tu as là… Je me disais ; Coriolis qui a ça, un tempérament, qui est doué, lui qui est quelqu’un, un nerveux, un sensitif…, une machine à sensations, lui qui a des yeux… Comment ! […] … Le moderne, tout est là. […] Encore une fois, ce qu’il y a d’éminent en eux, c’est la nervosité — et le sentiment de la vie moderne. […] Ce néologisme s’entend aisément ; mais ce qu’il représente n’est pas très facile à déterminer, car le moderne change insensiblement, et puis ce qui est moderne est toujours superposé ou mêlé à ce qui ne l’est point ou à ce qui ne l’est déjà plus.
Beau côté de l’Histoire moderne. Il est juste maintenant de considérer le revers des choses, et de montrer que l’histoire moderne pourrait encore devenir intéressante, si elle était traitée par une main habile. […] Mais la grande vue à saisir pour l’historien moderne, c’est le changement que le christianisme a opéré dans l’ordre social. […] Ainsi, après avoir balancé les avantages et les désavantages de l’histoire ancienne et moderne, il est temps de rappeler au lecteur que si les historiens de l’antiquité sont en général supérieurs aux nôtres, cette vérité souffre toutefois de grandes exceptions.
On a beaucoup comparé entre eux les historiens anciens et les historiens modernes, sous le rapport du but, de la direction des idées, de l’intérêt. On a dit que les historiens anciens étaient les historiens des peuples, et que les historiens modernes étaient les historiens des princes, des grands de la terre. […] Les historiens donc ont voulu, chez les anciens comme chez les modernes, faire briller leurs talents, au lieu de faire briller la vérité. […] Les sujets anciens et les sujets modernes sont indifférents ; car la poésie est partout, il ne s’agit que de la faire sortir : sous ce rapport, aucune mine n’est épuisée. […] Toutes les poésies originales des temps modernes tournent autour de Charlemagne et des croisades.
Et maintenant je reprends, et je dis : L’Europe moderne ne peut pas avoir de poème épique, parce qu’elle en a un. […] N’accusons donc pas l’Europe moderne de n’avoir pas de poème épique. […] Athalie est le Parthénon des littératures modernes. […] Ni la Grèce, ni Rome, ni les nations de l’Europe moderne, n’ont un pareil monument de langue et d’histoire. […] La péroraison de ce discours est le sommet de l’éloquence moderne.
Par exemple, ceux des livres des anciens qui sont écrits sur des sciences dont le mérite consiste dans la multitude des connoissances, ne l’emportent pas sur ceux que les modernes ont écrit touchant ces mêmes sciences. […] Hippocrate étoit né avec un génie superieur pour la médecine, et ce génie lui donnoit plus d’avantage dans la pratique sur les médecins modernes, que les nouvelles découvertes n’en donnent aux médecins modernes sur Hippocrate. On dit vulgairement que Cesar, s’il revenoit au monde et qu’il vit les armes à feu et les fortifications à la moderne, en un mot les armes dont nous nous servons pour attaquer et pour défendre, seroit bien étonné. […] Je ne sçai par quelle fatalité tous les grands poëtes des nations modernes s’accordent à mettre ce que les anciens ont composé si fort au-dessus de ce qu’ils composent eux-mêmes.
Pour chacun de ces genres, il commence par l’Antiquité, analyse quelques-uns des chefs-d’œuvre, marque les transformations que le genre (si genre il y a) a subies à travers les temps et les lieux, en passant de la Grèce à Rome, puis dans le moyen âge et chez les nations modernes jusqu’à nos jours. Sur chaque point, cet esprit nourri aux sources, ce professeur appartenant à l’école exacte et sévère de notre Université, résume avec précision les idées, les vues les plus saines comme les plus avancées de la critique moderne. […] Chez les modernes, il s’est étendu à plaisir sur l’énergique et le parfois sublime d’Aubigné, mais il a sauté de lui jusqu’à Boileau, sans même essayer d’accoster Mathurin Régnier. […] Esprit grave et convaincu, il entre mieux, par certains côtés, dans l’inspiration sérieuse des modernes, dans celle même de Lamartine et de Victor Hugo ; il a cité d’eux d’éclatants exemples, et ces rapprochements, qu’aucune complaisance n’énerve, et qui seront ceux de l’avenir, jettent par réflexion une vive lumière sur les grands poètes du passé. […] Et nous aussi modernes, peut-on se dire, nous sommes du bois dont on fera peut-être un jour des classiques : il ne s’agit que de le mériter.
Ils ont emprunté des Grecs beaucoup d’inventions poétiques, que les modernes ont imitées à leur tour, et qui semblent devoir être à jamais les éléments de l’art. […] Elles n’avaient point encore l’existence indépendante que leur assurent les lois modernes : mais reléguées avec les dieux pénates, elles inspiraient, comme ces divinités domestiques, quelques sentiments religieux. […] Lorsque je parlerai de la littérature des modernes, et en particulier de celle du dix-huitième siècle, où l’amour a été peint dans Tancrède, La Nouvelle Héloïse, Werther et les poètes anglais, etc., je montrerai comment le talent exprime avec d’autant plus de force et de chaleur les affections sensibles, que la réflexion et la philosophie ont élevé plus haut la pensée. […] Néanmoins on se demande pourquoi les anciens, et surtout les Romains, ont possédé des historiens tellement parfaits, qu’ils n’ont été jamais égalés par les modernes, et en particulier pourquoi les Français n’ont aucun ouvrage complet à présenter en ce genre. […] Peut-on oublier d’ailleurs quel avantage prodigieux les historiens anciens ont sur les historiens modernes par la nature même des faits qu’ils racontent ?
Assez longtemps, on nous a donné les mêmes tragédies sous des noms différents, assez longtemps, les continuateurs, exagérant ce qu’il y avait de défectueux dans nos chefs-d’œuvre sans en reproduire les beautés, nous ont montré des personnages antiques habillés à la moderne, ou des modernes parlant un vieux langage ; la tragédie française, d’imitation en imitation, est arrivée, à fort peu d’exceptions près, à ne plus être qu’un moule banal où l’on jette des entrées et des sorties extrêmement bien motivées, sans s’occuper de faire agir et parler les personnages d’une manière neuve et attachante. […] Villemain sur ce créateur de la tragédie moderne, et qu’ils voient comment le goût le plus pur se prosterne devant le génie. […] Encore une fois, les maîtres de notre scène n’ont rien fait de complet par eux-mêmes dans les sujets modernes. […] Shakespeare au contraire est un génie qui répond à toutes les passions modernes, et qui nous parle de nous dans notre propre langage ; et puis, les moyens d’exécution de ses ouvrages sont à peu près les mêmes que pour nos tragédies. […] Si j’ai intercalé dans ce recueil de poésies toutes modernes, quelques extraits d’une traduction inédite des Odes d’Horace, malgré l’espèce de bigarrure qui en résulte ; c’est que M.