Tous ils s’abandonnent à ce délicieux et déchirant « mal de rêver qui est le génie des Bretons ».
Écoutons Comte à ce sujet : « La création de la sociologie complète l’essor fondamental de la méthode positive, et constitue le seul point de vue susceptible d’une véritable universalité, de manière à réagir convenablement sur toutes les études antérieuresafin de garantir leur convergence normale sans altérer leur originalité continue. » Il écrit mal, mais il pense bien !
Tour à tour courtisan et presque hiératique, chanteur de temple ou de palais, il était quelque chose d’aussi particulier, à sa manière, qu’un héraut d’armes au Moyen Âge, et, dans ces derniers temps, qu’un premier violon de chapelle, comme l’a dit Voltaire, le maître de Villemain, et qui ce jour-là n’a pas, après tout, dit si mal ; car il a fait sentir d’un tel mot ce qu’il y a de local et de particulier dans Pindare.
Mal en prend à ceux qui vont chasser sur ses terres sans avoir un permis en bonne forme. […] J’admire qu’Ampère, connaisseur de tout temps assez incertain en matière de beaux-arts, se trouve ainsi avoir aiguisé ses sens au point d’être subitement doué de seconde vue et de dépasser Lavater, et en général je ne saurais me faire à cette méthode qui me paraît bien hasardeuse et qu’il affectionne avant tout, de prétendre juger du caractère des hommes d’État par des portraits et des bustes plus ou moins ressemblants et quelquefois douteux ; mais, cela dit, ce voyage à travers l’histoire romaine qu’on refait avec Ampère est plein d’agrément et d’instruction ; la contradiction même y est profitable : on y remue, on y ravive, bon gré, mal gré, ses notions et ses jugements.
Le naturalisme y coule à pleins bords, si cette conviction le remplit que tous les maux de l’humanité ne viennent que de ne pas suivre d’assez près, et assez fidèlement, la nature. […] Parmi les maux de la guerre civile, compliqués de ceux de la guerre étrangère, on a compris ce que nous appellerions aujourd’hui la grandeur de l’institution sociale, et que le pire des malheurs était d’en voir les liens se briser ou seulement se détendre.
Le manque de lucidité dans la distribution des œuvres de Diderot, qui en étaient déjà à leur dixième volume quand nous écrivions ceci, ajoute un labeur nouveau à la rude besogne de la Critique, obligée de lire et déjuger, à un siècle de distance, des livres sans valeur absolue, écrits dans un intérêt de parti ou d’idées qui n’existe plus que par le terrible souvenir du mal que ces livres ont fait. […] Je ne me figure pas qu’il eût poussé l’originalité jusqu’à dire du mal de son auteur.
« C’est une chose presque infinie, — écrit Perrault dans son cinquième et dernier Dialogue, — que les découvertes que l’on a faites en notre siècle » ; et, en effet, si les historiens de notre littérature, en général, ont mal daté le triomphe du cartésianisme, de trente ou quarante ans trop tôt, ils ont en revanche daté de trente ou quarante ans trop tard ce que l’on pourrait appeler l’avènement de l’esprit scientifique (Cf. sur ce point F. […] Mais de plus avisés que lui s’y rendent au contraire attentifs, et bien que ne voyant pas, ou voyant mal ce qui sortira de là, deux ou trois avantages de la transformation les frappent, et ils réservent leur jugement. […] Le Discours sur l’histoire universelle. — Le Discours est, de tous les écrits que Bossuet a composés pour l’éducation du Dauphin, le seul qu’il ait publié lui-même. — Des raisons qu’il a eues de le publier ; — et qu’elles sont analogues à celles de Pascal lorsqu’il composait son apologie. — Des objections que l’on a faites au Discours, et que les unes ne tiennent pas compte que le Discours que nous avons devait être suivi d’un second ; — qu’il y en a d’autres qui proviennent de ce qu’on le lit mal, et qu’on en néglige la seconde partie : La Suite de la Religion. — Que cependant cette seconde partie est la plus importante ; — en ce sens que Bossuet y répond : aux attaques des « libertins » contre la religion ; — au Traité théologico-politique de Spinoza ; — et à la naissante exégèse de Richard Simon. — Beauté du plan du Discours. — Simplicité, vigueur et majesté du style. — Dans quelle mesure l’érudition moderne a-t-elle ruiné le Discours sur l’histoire universelle ? […] « Il y a longtemps que Dieu m’a fait la grâce d’être assez peu sensible au bien et au mal qu’on peut dire de mes tragédies, et de ne me mettre en peine que du compte que j’aurai à lui en rendre quelque jour » : — Il se rapproche de Port-Royal ; — et c’est sans doute pour cette raison qu’il encourt la disgrâce du roi [Cf. […] L’importance du roman de Le Sage ; — et qu’elle est d’avoir constitué le roman réaliste comme genre littéraire. — Après La Bruyère, et avec des procédés analogues, il a fait passer, de la scène dans le livre, la satire des mœurs ; — et ainsi il a ouvert une voie véritablement nouvelle. — Sa bonne fortune a été d’établir la distinction fondamentale du théâtre et du roman. — Le héros de roman est toujours la victime ou la créature des circonstances ; — et il s’y abandonne ; — mais le héros de théâtre prétend en demeurer le maître. — L’imitation de la vie commune dans le roman de Le Sage ; — et que ni le déguisement espagnol ; — ni l’intention constamment satirique n’en sauraient masquer l’exactitude. — Comparaison de l’histoire « fictive » de Gil Blas avec l’histoire vraie de Dubois ou d’Alberoni. — Du caractère des événements dans le roman de Le Sage ; — et qu’ils n’ont rien de « romanesque », — en tant que le mot est synonyme d’arbitraire ou d’extraordinaire. — L’erreur que l’on commet parfois à ce sujet ne provient que de mal connaître les mœurs privées du temps de Louis XIV et de la Régence. — Abondance de traits réalistes dans le roman de Le Sage ; — et comment, ainsi que dans la satire de Boileau, — l’excès en est constamment tempéré par son éducation littéraire. — D’une parole étrange de Nisard sur Le Sage considéré comme moraliste ; — et qu’il n’y a rien de commun, que l’abus des citations latines, entre Le Sage et Rollin.
Or il n’y a là qu’une différence de degré, analogue à celle qui sépare une race bien douée, comme les Grecs d’Homère et les Aryens des Védas, d’une race mal douée, comme les Australiens et les Papous, analogue à celle qui sépare un homme de génie d’un lourdaud.
Selon que la représentation est nette et comme découpée à l’emporte-pièce, ou bien confuse et mal délimitée, selon qu’elle concentre en soi un grand ou un petit nombre de caractères de l’objet, selon qu’elle est violente et accompagnée d’impulsions ou tranquille et entourée de calme, toutes les opérations et tout le train courant de la machine humaine sont transformés. — Pareillement encore, selon que le développement ultérieur de la représentation varie, tout le développement humain varie.
On ne sait quel accent de liberté classique, souvenir de l’antiquité, ranimé par les maux présents, se fait sentir depuis ce jour dans ses vers, dans ses lettres comme dans ses marbres.
Elle suça tout jusqu’à la dernière goutte dans la pauvre humanité : suc et force, sang et vie, nature et art, famille, peuple, patrie ; tout y passa, et sur les ruines du monde épuisé il ne resta plus que le fantôme du Moi, chancelant et mal sûr de lui-même.
Nous nous aperçûmes que le vaisseau gouvernait fort mal.