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1171. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

Ce qu’on a fait devient impersonnel, tandis que la copie, c’est vous, votre main, ça vous tient par des filaments, ce n’est pas dégagé de vous… Je me suis toujours fait arranger des endroits pour travailler, eh bien ! […] On se tâte, on passe la main sur quelque chose de mort qui est votre imagination… On se dit qu’on ne peut rien faire, qu’on ne fera plus rien. […] Elle se tient de la main à la portière. […] Enfin, ce matin, je prends mon courage à deux mains. […] Falloux lui a presque pris de force les mains qu’il mettait dans ses poches. « Il n’y a que de Broglie.

1172. (1888) Poètes et romanciers

En est-ce moins un joug, et qui le tient dans sa main ? […] Bien entendu que nous ne parlons ici que preuves en main ; de pareilles choses ne s’inventent pas. […] Mais croyez-vous donc que ces vieux poètes eux-mêmes, que Virgile ou l’Aveugle divin, s’ils renaissaient aujourd’hui, négligeraient d’étendre la main, leur savante main , sur ces trésors ? […] Feuillet, n’a touché d’une main si légère ces petits mystères d’une psychologie délicate. […] Une main bienveillante touche la plaie, une parole attendrie la guérit.

1173. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Or, sachez que ce cœur a des « yeux pleins de larmes » et que sa « main tremble ». […] D’autres jours, à cheval et cravache à la main, elle débite, d’un ton délibéré, du Musset mondain trop richement rimé. […] Les odes de Madeleine Lépine sont de pénibles et vraiment trop longues nouvelles à la main. […] On discerne l’été à ce que « le papillon volage… va vers d’autres fleurs pour leur baiser la main. » A l’automne, le papillon Lui-même est mort pour avoir trop baisé de mains. […] La première chambre sortie des mains féminines arrivera beaucoup plus honnête que les précédentes ; elle finira aussi vile.

1174. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

Les Lettres de Jean-Jacques sur ce sujet lui tombèrent un jour sous la main, et le remirent sur la trace d’un goût déjà ancien. […] Sur les débris des fleurs que les mains ont cueillies, Que j’aime à respirer l’air que tu respiras ! […] Nous fûmes tous les quatre au grand jardin où elle accepta un lis de ma main. Nous allâmes ensuite voir le ruisseau ; je lui donnai la main pour sauter le petit mur, et les deux mains pour le remonter. […] Il a donc fallu y renoncer, et je suis venu par la route du Bourg au village de Ceyzériat, plantée de peupliers d’Italie qui en font une superbe avenue ; … j’avais à la main un paquet de plantes.

1175. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Voilà bien quelques-uns des précurseurs parmi cette génération werthérienne d’avant 89, dont fut encore Granville, aussi décousu, plus malheureux que Bonneville, et qui semble lui disputer un pan de ce manteau superbe et quelque peu troué qui se déchira tout à fait entre ses mains. […] Le hasard a-t-il respecté Ce bocage si frais que mes mains ont planté, Mon tapis de pervenche, et la sombre avenue Où je plaignais Werther que j’aurais imité ? […] Avec cela des retours par accès vers les champs, des reprises de tendresse pour l’histoire naturelle et l’entomologie : un jour, ou plutôt une nuit, qu’il errait au bois de Boulogne pour sa docte recherche, une lanterne à la main, il se vit arrêté comme malfaiteur. […] Les jeunes essais, qui désormais rejoignent ses espérances brisées, le retrouvent souriant, et il bat des mains avec transport aux premiers triomphes. […] Dans sa retraite une fois trouvée, au soleil, au milieu des livres dont une élite sous sa main lui sourit, la vie de Nodier s’ordonna : des après-midi flâneuses, des matinées studieuses, liseuses, et de plus en plus productives de pages toujours plus goûtées.

1176. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

Elle nous donne sur le grand, le très grand écrivain, ce détail relatif à la singulière maladresse de ses mains, et au côté pleurard d’enfant rageur, qu’il conserva toute sa vie. […] Aujourd’hui, en voici un d’un parent de province qui veut couper les poissons rouges avec un sécateur, cherche à arracher en cachette tous les boutons de rhododendrons, et s’efforce de porter des doigts destructeurs partout, où sa petite main peut atteindre, et quand il a brisé ou détruit quelque chose, du bonheur monte à sa figure. […] » Dina portait le mourant sur son lit, où il ne parlait plus, n’ouvrait plus les yeux, avait seulement des contractions nerveuses des bras et des mains. […] Elle marche les bras croisés, ses mains soutenant ses bras, dont elles se délient par des mouvements d’abandon. […] Nous sommes à la porte du caveau provisoire, devant lequel, elle se tient la tête renversée en arrière, les yeux fermés, les lèvres murmurantes de paroles d’adoration, dans une pose d’aveugle, ayant étendues devant elle, et agitées de mouvements convulsifs, ses mains gantées de laine noire : des mains tragiques.

1177. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Que l’on prenne la scène des comices dans Madame Bovary, les files de filles de ferme se promenant dans les prés, la main dans la main, et laissant derrière elles une senteur de laitage, la myrrhe qu’exhalent les sièges sortis de l’église, les physionomies grotesques ou abêties de la foule, l’attitude nouvelle de Homais, les passes conversationnelles où Rodolphe conquiert la chancelante épouse, tout est saisi en de brefs aspects particuliers, sans le narré du train ordinaire qui dut accompagner ces faits d’exception. […] Son apparition dans le salon de la rue de Choiseul, avec son « air de bonté délicate » ; puis à la campagne où Frédéric échange avec elle les premiers mots intimes, plus tard la scène d’intérieur où il la trouva instruisant ses enfants : « ses petites mains semblaient faites pour répandre des umônes puis essuyer des pleurs, et sa voix un peu sourde naturellement avait des intonations caressantes et comme des légèretés de brise »   la visite qui lui est rendue dans une fabrique, et cette conversation où la beauté : s’élève au mystère et à l’auguste : « Le feu dans la cheminée ne brûlait plus, Mme Arnoux sans bouger restait les deux mains sur les bras de son fauteuil ; les pattes de son bonnet tombaient comme les bandelettes d’un sphinx ; son profil pur se découpait en pâleur au milieu de l’ombre. […] Elle s’amusait à les fendre, avec la main   Frédéric la saisissait doucement ; et il contemplait l’entrefac de ses veines, les grains de sa peau, la forme de ses ongles. […] L’étrange et bas palais de Constantin précède le festin farouche de Nabuchodonosor ; l’apparition de la reine de Saba galante et vieillote en son charme de chèvre ; dans le temple des hérésiarques la beauté flétrie, monacale et livide des femmes montanistes, le culte horrible des ophites, conduisent à l’évocation d’Apollonius de Thyane qu’un charme maintient suspendu sur l’abîme, planant et montant en sa noble robe de thaumaturge ;  le défilé des théogonies et sur la frise qu’a formée le pullulement des dieux brahmaniques, le Bouddha apparaissant assis, la tète ceinte d’un halo et sa large main levée ; le catafalque des adonisiennes, Aphrodite, puis l’immortel dialogue de la luxure et de la mort où les mots sont tantôt liquides de beauté, tantôt lourds de tristesse ; et ces dernières pages où tous les monstres se dégagent et se confondent en un protoplasme ’ qui est la vie même  quelle grandiose suite d’épisodes, dont chacun figure une plus charmante ou rayonnante ou tragique beauté. […] Que l’on se rappelle encore les chasses fantastiques de Julien, et surtout cette expédition où, quittant le lit nuptial, il parcourt une forêt enchantée dont les bêtes indestructibles le frôlent, et d’autres, qu’il abat, s’émiettent pourries dans ses mains  puis l’immense horreur des lieux glacés, dont l’hostilité expie son crime involontaire ; Flaubert paraîtra posséder le sens des choses à peine perçues, des sentiments naissants et balbutiants, que le mot, clair exposant de l’idée précise, peut rendre seulement par la suggestion, de mystérieuses analogies ou d’indirects symboles.

1178. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Nous le laisserons retourner l’histoire entre ses mains, costume montré par la doublure. […] Les uns l’ont traité brutalement de despote, faisant du despotisme pour l’apaisement de son âme orgueilleuse, et les autres le lui ont pardonné, parce que, clairvoyant ou aveugle, ce despotisme préparait, de longue main, les affaires de la liberté. […] Pour accomplir son énervement et son effacement d’un si grand homme, pour lui ôter le cœur de la poitrine avec cette main révolutionnaire accoutumée à ces besognes, et pour dire hypocritement après : « Voyez ! […] La plupart des hommes faits pour le pouvoir, mais qui ne l’ont pas trouvé, comme un jouet qui attendait leur main, sur la descente de leur berceau, connaissent la cruauté des premières luttes. […] Les plus forts, les plus gigantesques de ses chefs apparents, qu’il poussait devant lui sous le coup de fourche de son inflexible volonté, ne furent, entre ses mains de Briarée, que d’énormes pantins qu’il fît jouer et qu’il brisa.

1179. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

A un certain moment, il se trouva debout devant moi, sa tasse de thé à la main. […] Je vous serre les deux mains de bien grand cœur.‌ […] Je lui ai montré que je suivais ses regards, ses mains, ses manches, ses poches. […] Il racontait avec tout lui-même, notamment avec ses fines mains. » Jules Lemaître aussi, par un geste habituel de sa main à hauteur de la tempe, semblait pétrir et caresser ce qu’il disait ; ses doigts remuaient comme pour écarter, expliquer. […] La Grèce eût divinisé cette existence miraculeusement tracée par la main des dieux.

1180. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Ceux qui se souviennent laissent courir leur plume sur la pente d’une inspiration de seconde main, qu’ils ont puisée dans leurs lectures. […] C’est pourquoi je les ai rapprochés à dessein de ces philosophes auxquels ils semblent tendre la main au-dessus de l’abîme de la Révolution qui séparait les deux siècles. […] Cousin me remercia, me tendit la main, et m’invita sans m’avoir demandé mon nom à aller le voir de temps en temps. […] Il n’y avait pas une idée en Europe qui ne fût foulée par son talon, pas une bouche qui ne fût bâillonnée par sa main de plomb. […] Il tirait ensuite de sa poche un sale chiffon tout déchiré, dont il s’essuyait minutieusement les mains, et dont il époussetait son costume, — puis continuait gravement sa promenade.

1181. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Mais Joze, à qui Benoît avait lié les mains, puis avait eu la faiblesse de délier les mains, Joze s’échappe. […] Le fort de Cissey tombé aux mains de l’ennemi, Benoît se retire. […] Diverses publications, celle de notre Livre jaune en particulier, démontrent que l’Allemagne avait de longue main préparé son coup. […] L’évidence éclatait quarante ans plus tard, quand Frédéric II mit la main sur la Silésie. […] Nous l’avions sous la main ; nous l’avions entre les doigts, et il n’y avait plus qu’à fermer les doigts sur elle.

1182. (1923) Nouvelles études et autres figures

Maurice Croiset, à une esclave troyenne dans les mains de son brutal vainqueur. […] De temps en temps, son domestique Picard passait, d’un air secret, un rouleau de papier à la main. […] Il lâcherait sur le passé, la torche à la main, son troupeau d’Euménides. […] Je me suis efforcé de les relire : le livre me tombait des mains. […] C’était du macabre et du fantastique de seconde main.

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