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401. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

L’auteur s’excuse presque de repasser sur les mêmes scènes après Riouffe, qu’il appelle un « maître. » On n’est pas impunément de son époque : cette fausse élégance, ces fausses fleurs gagnaient et envahissaient alors les plus sages talents. […] Il ne réussit pas, dans son travail de ministre à portefeuille, à récréer Louis XVIII, à lui alléger la fatigue de la signature, et il lui parle trop au long des affaires : « Le roi ne voyait guère en moi, dit-il, qu’un ouvrier robuste qui avait fait son apprentissage sous un méchant maître. » On lui retire le ministère de l’intérieur pour le mettre à la direction générale de la police, à laquelle il est assez peu propre. […] Louis XVIII n’en voulut pas même entendre de sa bouche la lecture avant la séance royale ; l’heure pressait : « Nous avons confiance en vous, lui dit le roi, et je sais que vous êtes passé maître en ce point. » Cet auguste préambule de la Charte fut encore un des succès anonymes ou pseudonymes de celui qui en eut plus d’un de cette nature en 1814. […] Il a du maréchal de Beurnonville, notamment, un portrait-notice fait de main de maître et comme on peut l’attendre d’un compatriote qui sait son maréchal dès l’enfance et dès la charrue.

402. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre III. Grands poètes : Verlaine et Mallarmé, Heredia et Leconte de Lisle » pp. 27-48

Ils sont contournés, affectés, incohérents, alors que le maître est toute ingéniosité, grâce et ordre. […] Et qu’on souhaite le départ de l’homme d’esprit vers quelque fabrique, où c’est l’heure de mettre en pages, afin que reparaisse, de dernières minutes, voix baissée, paupières closes, pour la fuite plus mesurée et savourée du rêve, le délicieux maître, le poète. […] Pour son Esthétique, pour ses Poèmes, il ne serait qu’estimable ; mais par là il est le Maître. […] Pourquoi un artiste de vers serait-il plus tôt maître de son métier qu’un artiste de couleurs ou de sonorités ?

403. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

Seuls, Pierre et Jean ne quittèrent pas de vue leur maître. […] Les disciples de Jésus nous apprennent, en effet, que le crime reproché à leur maître était la « séduction 1102 », et, à part quelques minuties, fruit de l’imagination rabbinique, le récit des évangiles répond trait pour trait à la procédure décrite par le Talmud. […] Pierre et Jean avaient suivi leur maître jusqu’à la demeure de Hanan. […] L’expérience de tant de conflits l’avait rendu fort prudent dans ses rapports avec un peuple intraitable, qui se vengeait de ses maîtres en les obligeant à user envers lui de rigueurs odieuses.

404. (1759) Observations sur l’art de traduire en général, et sur cet essai de traduction en particulier

C’est à peu près comme si un graveur habile, qui copie le tableau d’un grand maître, s’interdisait quelques touches fines et légères pour en relever les beautés, ou pour en masquer les défauts. […] On se borne, dans le cours des études, à mettre entre les mains des enfants un petit nombre d’auteurs, et même à ne leur en montrer pour l’ordinaire qu’une assez petite partie qu’on leur fait expliquer et apprendre : on charge indifféremment leur mémoire de ce que cette partie contient de bon, de médiocre et même de mauvais ; et grâces au peu de goût de la plupart des maîtres, les vraies beautés sont pour l’ordinaire celles qu’on leur fait remarquer le moins. […] Préjugé de traducteur à part, comme il est sans comparaison le plus grand historien de l’antiquité, il est aussi celui dont il y a le plus à recueillir ; mais ce que j’offre aujourd’hui suffira, ce me semble, pour faire connaître les différents genres de beautés dont on trouve le modèle dans cet auteur incomparable, qui a peint les hommes avec tant d’énergie, de finesse et de vérité, les événements touchants d’une manière si pathétique, la vertu avec tant de sentiment ; qui posséda dans un si haut degré la véritable éloquence, le talent de dire simplement de grandes choses, et qu’on doit regarder comme un des meilleurs maîtres de morale, par la triste, mais utile connaissance des hommes, qu’on peut acquérir par la lecture de ses ouvrages. […] On peut juger un ouvrage libre, en se bornant à exposer dans une critique raisonnée les défauts qu’on y aperçoit ; parce que l’auteur était le maître de son plan, de ce qu’il devait dire, et de la manière de le dire : mais le traducteur est dans un état forcé sur tous ces points, obligé de marcher sans cesse dans un chemin étroit et glissant qui n’est pas de son choix, et quelquefois de se jeter à côté pour éviter le précipice.

405. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

Malheureusement le crédit du ministre se prolongeait par l’enfance du maître ; mais peu après cette époque, les panégyriques commencent. […] Tout le monde connaît les douze panégyriques prononcés dans différentes villes d’Italie, par des hommes à qui la magnificence de Louis XIV avait prodigué des pensions, et qui, dans un roi étranger, honoraient plus qu’un maître, puisqu’ils honoraient un bienfaiteur. […] Ce prince eut deux ministres célèbres ; Colbert, qui enrichit l’État par ses travaux, et dont les erreurs même furent celles d’un citoyen et d’un grand homme ; Louvois, dont l’esprit étendu et prompt semblait né pour la guerre, et servit son maître en désolant l’Europe. […] Tous deux protégèrent les lettres ; mais Auguste, en honorant de sa familiarité Virgile, Horace et Tite-Live, honorait des hommes nés tous citoyens comme lui : les proscriptions seules avaient décidé s’ils auraient un maître.

406. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

Mais, quand il se vit seul maître survivant, sans complice ni rival, il cessa des violences dont il eut porté seul le blâme ; et ses cruautés anciennes s’oublièrent, sous l’allégement du joug et l’abaissement continu des âmes. […] Il vit dans Auguste le maître habile et modéré d’un peuple trop corrompu pour être libre ; et il servit de ses louanges ce maître, dont il recevait les bienfaits. […] Ô maître des naïades et des bacchantes, dont les fortes mains brisent les plus hauts frênes, je ne dirai rien de petit ou de faible, rien qui soit d’un mortel.

407. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 11, des ouvrages convenables aux gens de génie et de ceux qui contrefont la maniere des autres » pp. 122-127

Les faiseurs de pastiches, ce sont ces tableaux peints dans la maniere d’un grand artisan, et qu’on expose sous son nom, bien qu’il ne les ait jamais vûs, les faiseurs de pastiches, dis-je, ne sçauroient contrefaire l’ordonnance, ni le coloris, ni l’expression des grands maîtres. […] Tous ces tableaux qui représentent differens évenemens de l’histoire de Persée, sont à Gennes dans le palais du marquis Grillo, qui païa le faussaire mieux que les grands maîtres, dont il se faisoit le singe, n’avoient été païez dans leur temps.

408. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une conspiration sous Abdul-Théo. Vaudeville turc en trois journées, mêlé d’orientales — Première journée (1865). Les soucis du pouvoir » pp. 215-224

… Quel meilleur maître espèrent-ils ? […] Mon maître exige que je parle ?

409. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

Lebrun eut plus qu’un regard du maître d’alors. […] J’imagine que les plaintes du vieil Évandre s’arrachant des bras de son fils unique, qui vole aux combats et à la mort, n’auraient pas convenu, pour l’attendrissement, au maître sourcilleux : N’as-tu pas des enfants ? […] Un sourire du maître, plus que le talent de Luce, faisait la fortune d’Hector. […] O ma maison, reçois ton maître ! […] Nos auteurs vivants ne vont pas si loin que ce maître dans le genre.

410. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

Une note du livre de comptes de son père, retrouvée et conservée par les érudits toscans, ne laisse aucun doute sur ces commencements de Michel-Ange : « Le premier jour d’avril 1588, moi, Ludovico di Buonarrota, j’ai engagé mon fils, Michel-Agnolo, chez Dominico Ghirlandaïo et David Cunado, pour trois ans, aux conditions suivantes : que ledit Michel-Agnolo, mon fils, devra rester chez ces maîtres pendant le susdit temps pour apprendre à dessiner et pour faire tout ce que ces maîtres lui commanderont ; et que ces susdits maîtres lui donneront pour ces trois années vingt-quatre florins de gages, savoir : six florins la première année, huit florins la seconde, dix florins la troisième, en tout quatre-vingt-seize livres. […] Il osa corriger plusieurs fois avec supériorité les ébauches du maître en son absence. À la fin de sa peinture à la coupole de Santa Maria Novella, œuvre pendant laquelle Michel-Ange avait étonné et secondé son maître, « Cet enfant en ferait déjà plus que moi !  […] Laurent de Médicis, témoin des jeux de ce génie enfant, qui dépassait du premier jet ses modèles et ses maîtres, se prit d’une tendre et paternelle admiration pour Michel-Ange ; il lui donna une chambre dans son propre palais ; il l’admit à sa table, où Laurent le Magnifique, entouré de ses enfants, des poëtes, des savants, des philosophes, des artistes les plus renommés de la république, prolongeait dans la nuit les entretiens dignes des temps de Périclès, pour faire rejaillir jusque sur le père de Michel-Ange les bontés qu’il avait pour le fils. […] Sans rival déjà parmi les sculpteurs du siècle, il rivalisait en se jouant les maîtres de la peinture, indifférent à l’instrument et à la matière, pourvu qu’il reproduisît la forme, l’attitude, le contour ou la couleur en toute chose créée ou pensée.

411. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Il fait aimer ce maître qui s’en confesse avec cette émouvante ingénuité. […] Leurs maîtres ont accompli le même effort, commandé par la préparation à une besogne identique, et pareillement les maîtres de ces maîtres. […] D’un maître. […] Le maître ne les a pas pour les exploiter. […] Que j’ai entendu de fois, moi-même élève sur ces bancs, mon maître, M. 

412. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

On voit bien de quels hommes ils sont les maîtres et les dieux ! […] — Moi, grand maître, grand maître, j’étends les mains, je les étends jusqu’au ciel… Je pose les doigts sur les étoiles comme sur les cercles de verre d’un harmonica. […] Une grande intimité s’établit entre le maître et l’élève. C’était alors de Latouche qui était le maître. […] C’était, en somme, un maître plus utile que de Latouche.

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