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530. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

Aujourd’hui on est plus avancé ; l’habitude est prise, la partie est gagnée, et presque au-delà ; depuis trente ans et plus, les nouvelles générations de lettrés et d’artistes, qui s’élèvent et se pressent à la file, se mêlent familièrement entre elles, se confondent même volontiers. […] Peu d’hommes, indépendamment de toute éducation et de tout acquit, sont nés aussi instinctivement distingués ; j’entends par distinction « une certaine hauteur ou réserve naturelle mêlée de simplicité. » Dans tout ce qui sort de son crayon, de même : il est toujours élégant, aussi peu comme il faut que possible quand il le faut et que ses personnages l’y forcent, aussi bas que le ton l’exige ; il n’est jamais commun. […] Ce qui est vrai, c’est que son goût primitif l’eût peut-être tourné davantage vers les sujets de grâce et de sentiment ; mais on avait affaire, dans les journaux auxquels il collaborait, à un public mêlé auquel on portait un grand respect.

531. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

» On n’est pas philosophe à ce point, dans un art où l’on excelle, sans avoir de l’esprit de reste pour de tout autres parties, lorsqu’on voudra s’en mêler. […] Parlant du chevalier de Folard, qu’il voudrait bien emmener avec lui en Saxe pour le faire causer sur ses systèmes de fortification et de tactique que le brave et digne officier mêlait dans les dernières années de sa vie avec sa dévotion janséniste convulsionnaire : « Enfin, disait-il, je compte qu’il amusera Votre Majesté sur toute sorte de métiers. […] Il l’écrit au comte de Bruhl dès le premier jour (12 novembre 1740) : « Si le grand événement qui vient d’arriver nous conduit à la guerre et que le roi (de Pologne) me juge capable de le servir, je supplie Votre Excellence de l’assurer de mon zèle et de ma fidélité ; mais, si la chose se passe paisiblement, le roi n’a pas besoin de moi, et je pourrai lui être utile ici. » Sans prétendre, dit-il, se mêler de politique et même en ayant l’air de s’en défendre, Maurice, à partir de ce moment, ne fait autre chose que d’en traiter dans toutes ses lettres, et avec supériorité.

532. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

Le champ même de la littérature et de la poésie nous offre le spectacle, plus innocent du moins, de ces luttes et de cette mêlée des esprits ; et, en ce qui est de la langue en particulier, nous assistons à l’effort de Du Bellay et de ses amis pour l’avancer, pour l’illustrer, pour la rehausser d’ornements, de figures, pour lui donner la trempe et l’éclat. […] Il traduit et répète les préceptes de l’Épître aux Pisons, en nous les appropriant ; il conseille l’étude avant tout, le travail, de tenter le difficile ; se choisir de bons modèles ou ne pas s’en mêler ; qu’on ne lui allègue point le Nascuntur poetæ, mais parlez-moi de la méditation, des veilles, de l’abstinence et du jeûne : Qui studet optatam cursu contingere metam Multa tulit fecitque puer, sudavit et alsit, Abstinuit venere et vino105……………… Il faut laisser aux poètes courtisans la paresse et la facilité épicurienne, qui ne mena jamais à la gloire. […] L’éloge de la France qui s’y mêle est le pendant de celui que Virgile a fait de l’Italie dans les Géorgiques.

533. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

C’est court, net, vif, cursif, mêlé d’allusions promptes et frappantes, d’élans tendres et modérés. […] Dans les beaux jours, tout est bien ; mais on oublie souvent comment cela est venu ; le mot de nature semble exprimer tout ; mais, aux jours mêlés de l’automne, on voit avec reconnaissance et un intérêt qui améliore le cœur, ce qu’il en coûte à l’homme pour rendre la terre riante et féconde. […] Ce n’est pas seulement Alfred de Musset qui se mêle de répondre ; Alfred Tattet, que je ne savais pas si poëte, est censé lui-même riposter par les rimes les plus satiriques, les plus irrévérentes.

534. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

Pour trancher la difficulté, l’esprit seul ne suffit pas toujours ; le plus simple est que le cœur s’en mêle. […] L’élévation et la sensibilité s’y joignent bientôt et y mêlent un sérieux attendri : qu’on relise le touchant chapitre xxi sur la mort d’un ami et sur la certitude de l’immortalité. « Depuis longtemps, dit-il en continuant, le chapitre que je viens d’écrire se présentait sous ma plume, et je l’avais toujours rejeté. […] elle agit sur moi avec tant d’empire, que je suis porté à croire que cet amour de l’ordre fait partie de notre essence… » Peu s’en fallait, si l’ami s’en était mêlé davantage, que le Lépreux ne fût devenu un Vicaire savoyard catholique et, non moins que l’autre, éloquent.

535. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

Ce n’est que quinze ans après, que ce triste et doux souvenir, gardien de sa jeunesse, s’affaiblit assez chez lui pour lui permettre d’épouser une autre femme ; et alors il commence une vie bourgeoise et de ménage, dont nul écart ne le distraira au milieu des licences du monde comique auquel il se trouve forcément mêlé. […] Il y avait en lui, mêlée à l’inflexible nature du vieil Horace, quelque partie de la nature débonnaire de Pertharite et de Prusias ; lui aussi, il se fût écrié en certains moments, et sans songer à la plaisanterie : Ah ! […] depuis sa rentrée au théâtre en 1659, et dans les pièces nombreuses de sa décadence, Attila, Bérénice, Pulchérie, Suréna, Corneille eut la manie de mêler l’amour à tout, comme La Fontaine Platon.

536. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Il est serviable, généreux : il n’a pas la sympathie compréhensive, il ne s’unit pas par l’amour à ses semblables, à la création ; il ne mêle pas son âme dans les choses. […] Le Lutrin est plus fin, mais plus mêlé. […] Seul il représente le réalisme pittoresque, qui ne mêle aucun élément sensible ni moral dans ses peintures.

537. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Mais laissons ce triste sujet… Ce n’est pas notre faute, hélas, si, dans de telles catastrophes, la comédie se mêle trop souvent au drame ; parfois, du reste, on rit de certaines choses, crainte d’avoir à s’en indigner. […] Une foi brûlante, sacrée, précise, inaltérable, est le signe premier qui marque le réel artiste : — car, en toute production d’Art digne d’un homme, la valeur artistique et la valeur vivante se confondent : c’est la dualité mêlée du corps et de l’âme. […] Lorsqu’après quelque temps, j’eus feuilleté la musique placée tout devant moi, j’y trouvai mêlées quelques brochures « l’œuvre d’art de l’avenir » « la musique de l’avenir », par Richard Wagner.

538. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Ainsi toute la gentilhommière de Philiberte parle de son mieux la langue forte en gueule des farces de Molière, mêlée au mièvre jargon des petits-maîtres. L’odeur de la farine du tréteau se mêle au parfum de la poudre à la maréchale ; Gautier Garguille donne à Marivaux des crocs-en-jambe qui le font tomber à plat, du haut de ses quintessences, sur le pavé du Pont-Neuf. […] Elle mêle des phraséologies d’harmonica à ses gorges chaudes ; elle chante la verdure en dînant sur l’herbe.

539. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Dans ses lettres à Ménage, il associe et mêle perpétuellement dans un même hommage et dans une commune admiration Mlle de Scudéry et Mme de La Fayette, c’est-à-dire celle qui égara et noya le roman dans les fadeurs, et celle qui le réforma avec tant de justesse et de goût. […] Ceux qui aiment surtout les lettres ne doivent jamais parler de Huet qu’avec un respect mêlé d’affection. […] Huet sentait à merveille l’antique poésie ; il y mêlait l’amour de la nature et de la campagne, et il en a plus d’une fois exprimé le sentiment avec charme.

540. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Le fond pourtant s’y fait sentir à qui le cherche ; et, après avoir vécu quelque temps auprès d’elle, on se dit qu’il n’est rien de tel encore qu’une race forte quand la grâce s’y mêle pour la couronner. […] Ceci nous conduit à l’examen d’une question qui a été déjà traitée, et à laquelle le nom de Mme de Caylus s’est trouvé mêlé dès l’origine. […] Mme de Caylus, y faisant allusion, dira ailleurs, dans une image pleine de pensée : Je suis fort bien ici, je ne perds pas un rayon du soleil, ni un mot des vêpres d’un séminaire (Saint-Sulpice) où les femmes n’entrent point ; c’est ainsi que toute la vie est mêlée : d’un côté, ce palais (le Luxembourg), et de l’autre, les louanges de Dieu !

541. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Elle nous peint en traits expressifs le moment où elle retrouve M. le Prince dans un des intervalles de l’action : Il était dans un état pitoyable, il avait deux doigts de poussière sur le visage, ses cheveux tout mêlés ; son collet et sa chemise étaient pleins de sang, quoiqu’il n’eût pas été blessé ; sa cuirasse était pleine de coups, et il tenait son épée nue à la main, ayant perdu le fourreau ; il la donna à mon écuyer. […]  » Quand elle alla trouver ce lâche père pour savoir s’il avait ordre en effet de quitter le Luxembourg, et ce qu’elle avait à faire elle-même, il lui dit qu’il ne se mêlait point de ce qui la regardait, et il désavoua tout ce qu’elle avait fait en son nom : Ne croyez-vous pas, Mademoiselle, reprit-il avec cette ironie méprisante et couarde qui lui était familière, que l’affaire de Saint-Antoine ne vous ait pas nui à la Cour ? […] Il était dit qu’un peu de ridicule se mêlerait à tout ce qui serait de Mademoiselle, même à l’article des funérailles.

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