Il y a donc pour le poète double profit à respecter, à pratiquer les lois du goût le plus sévère. […] Comprendre pour aimer, telle est la loi de Béranger, et cette loi se trouve admirablement formulée dans le Dieu des Bonnes Gens. […] La pudeur est muette dans son âme aussi bien que la loi morale. […] Le style dramatique et le style lyrique obéissent à des lois diverses. […] Il fait de la verbosité la première loi du style.
Ce premier projet de loi porté au Tribunat y excita de l’opposition. […] Benjamin Constant, sous le coup de cette note, commençant son discours quelques heures après, était obligé de dire pour exorde : « Il eût été à désirer que le premier projet de loi soumis à la discussion du Tribunat eût pu être par lui adopté ; la malveillance n’aurait pas le prétexte de dire que cette enceinte est un foyer d’opposition… » J’ai eu sous les yeux des lettres qui prouvent à quel point Benjamin Constant et son monde, au moment où ils ouvraient les hostilités, furent sensibles eux-mêmes à de si promptes représailles. […] À un an de là, à la Malmaison, en janvier 1801, le premier consul disait aux sénateurs Laplace et Monge, et à Roederer, au sujet même des injures qu’on s’était permises au Tribunat contre le Conseil d’État pour la loi sur les tribunaux spéciaux : « Je suis soldat, enfant de la Révolution, sorti du sein du peuple : je ne souffrirai pas qu’on m’insulte comme un roi. » Il disait dans un autre moment : « Il faut que le peuple français me souffre avec mes défauts, s’il trouve en moi quelques avantages : mon défaut est de ne pouvoir supporter les injures. » Vers le même temps à Paris, toujours au sujet de la même affaire, comme Roederer lui disait : Les parlements autrefois parlaient toujours aux rois dans leurs remontrances des conseils perfides qui trompaient Leur Majesté, mais leurs séances n’étaient pas publiques. — Et d’ailleurs, reprenait vivement le premier consul, ces choses-là les ont renversés ; et moi j’ose dire que je suis du nombre de ceux qui fondent les États, et non de ceux qui les laissent périr. […] Il en était encore à un certain projet de listes nationales de notabilités, projet conçu et adopté dans le premier ordre consulaire et provenant de Sieyès : comme Roederer avait été le rédacteur de ce projet de loi, il continuait de le croire existant, non incompatible avec les changements survenus, et il en écrivit en ce sens au premier consul, qui crut sentir à l’instant qu’il n’était plus compris.
L’auteur cherche ainsi à introduire une sorte de pensée fixe et de loi dans ces perpétuelles et confuses révoltes du prétoire. […] Il conteste que le roi mérovingien fût soumis à la loi de composition qui gouvernait autour de lui, et qu’il ait jamais été cité devant le mâl ou assemblée nationale il revient3 sur un article de la loi salique duquel on se serait à tort prévalu. […] La suprématie de Rome au temporel et les luttes qu’elle engendre, la féodalité européenne qui sort de l’immense anarchie, le rôle et la part des ordres religieux directeurs de l’esprit du temps, le système de falsifications historiques auxquelles ils tiennent la main, ces graves et toujours si difficiles problèmes occupent finalement l’auteur, qui est forcé de subir, après Charlemagne, la loi de son sujet, c’est-à-dire la diffusion.
Il fit une tragédie, les Lois de Minos (1773), sur la suppression des Parlements. […] Un beau jour circulèrent des dialogues « traduits de l’anglais552 », qui démontraient que l’Esprit des Lois est un « labyrinthe sans fil, un recueil de saillies », un livre plein de fausses citations, où l’auteur prenait « presque toujours son imagination pour sa mémoire ». […] Il n’a pas eu de grandes vues politiques ; il n’a pas approfondi l’origine des sociétés, la théorie des pouvoirs publics, les principes du droit et des lois. […] II, p. 85-87, 1777 ; Commentaire sur l’Esprit des Lois, 1778.
Notre maniere d’être est entierement arbitraire ; nous pouvions avoir été faits comme nous sommes ou autrement ; mais si nous avions été faits autrement, nous aurions senti autrement ; un organe de plus ou de moins dans notre machine, auroit sait une autre éloquence, une autre poésie ; une contexture différente des mêmes organes auroit fait encore une autre poésie : par exemple, si la constitution de nos organes nous avoit rendu capables d’une plus longue attention, toutes les regles qui proportionnent la disposition du sujet à la mesure de notre attention, ne seroient plus ; si nous avions été rendus capables de plus de pénétration, toutes les regles qui sont fondées sur la mesure de notre pénétration, tomberoient de même ; enfin toutes les lois établies sur ce que notre machine est d’une certaine façon, seroient différentes si notre machine n’étoit pas de cette façon. […] La loi des deux sexes a établi parmi les nations policées & sauvages, que les hommes demanderoient, & que les femmes ne feroient qu’accorder : de-là il arrive que les graces sont plus particulierement attachées aux femmes. Comme elles ont tout à défendre, elles ont tout à cacher ; la moindre parole, le moindre geste, tout ce qui sans choquer le premier devoir se montre en elles, tout ce qui se met en liberté, devient une grace, & telle est la sagesse de la nature, que ce qui ne seroit rien sans la loi de la pudeur, devient d’un prix infini depuis cette heureuse loi, qui fait le bonheur de l’Univers.
L’expérience peut seule nous apprendre si cette loi se vérifie. […] Elle m’a montré qu’une certaine loi se vérifie approximativement. […] Si alors nous formons une nouvelle coupure C″ avec toutes celles des sensations de la coupure C′ qui sont accompagnées d’une certaine sensation de convergence, d’après la loi précédente, elles seront toutes indiscernables et pourront être regardées comme identiques ; donc C″ ne sera pas un continu et aura 0 dimension ; et comme C″ divise C′ il en résultera que C′ en a une, C deux et que l’espace visuel total en a trois. […] Va-t-on dire alors que c’est l’expérience qui nous apprend que l’espace a trois dimensions, puisque c’est en partant d’une loi expérimentale que nous sommes arrivés à lui en attribuer trois ?
Mais cela ne nous fixe pas sur la volupté qu’un esprit nourri peut trouver à s’adapter, moins aux lois des choses qu’à leurs projections fantasmagoriques. […] La loi du désordre apparent y est constante. […] Et il sait bien aussi que le vulgaire a besoin de foi, de lois et d’espérance, et qu’il doit être guidé. […] Et, parallèlement, les vertus qui nous distinguent, auraient-elles leurs torpeurs, et, soumises à des lois de nutrition, à des fonctions actives analogues à celles qui régissent la vie animale, courraient-elles les mêmes périls, et traverseraient-elles les mêmes crises !
Puis c’est le problème final, la grande cause, la loi suprême qui tente sa curiosité. […] Régler sa vie conformément à la raison, éviter l’erreur, ne point s’engager dans des entreprises inexécutables, se procurer une existence douce et assurée, reconnaître la simplicité des lois de l’univers et arriver à quelques vues de théologie naturelle, voilà pour les Anglais qui pensent le but souverain de la science. […] La science, et la science seule, peut rendre à l’humanité ce sans quoi elle ne peut vivre, un symbole et une loi. […] Croira-t-on, dans cinq cents ans, qu’un des premiers esprits du XIXe siècle ait pu dire que, depuis l’émancipation des diverses classes de la société, le nombre des hommes distingués ne s’est point accru en France, comme si la Providence, ajoute-t-il, « ne permettait pas aux lois humaines d’influer, dans l’ordre intellectuel, sur l’étendue et la magnificence de ses dons 26 ».
L’histoire entière des peuples est présentée comme un vaste quiproquo et une fausse route prolongée qui ne doit se rectifier que lorsque les hommes seront éclairés et sages ; et comme le néophyte, effrayé de ce spectacle universel d’erreurs, se met à désespérer de nouveau et à se lamenter, le Génie le rassure une seconde fois et lui démontre que ce règne de la sagesse et de la raison va enfin venir ; que, par la loi de la sensibilité, l’homme tend aussi invinciblement à se rendre heureux que le feu à monter, que la pierre à graviter, que l’eau à se niveler ; qu’à force d’expérience, il s’éclairera ; qu’à force d’erreurs, il se redressera ; qu’il deviendra sage et bon, parce qu’il est de son intérêt de l’être ; que tout sera fait quand on comprendra que la morale est une science physique, etc. […] Ce livre, commencé par le spectacle des ruines de Palmyre, aboutit à un Catéchisme de la loi naturelle annoncé dans le dernier chapitre, et publié ou promulgué deux ans plus tard, en 1793 : « Maintenant que le genre humain grandit, observe l’auteur, il est temps de lui parler raison. » La morale y est présentée comme « une science physique et géométrique, soumise aux règles et au calcul des autres sciences exactes ». […] Il dit qu’il a vu les hommes sous les diverses religions rester les mêmes et obéir à leurs intérêts, à leurs passions : il ne se demande pas si les hommes ne s’y abandonneraient pas bien davantage en étant absolument destitués de cet ordre de lois. […] Pendant deux années, il visita successivement presque toutes les parties des États-Unis, appliquant sa méthode d’étude et de voyages, commençant par le climat et par les circonstances physiques pour base fixe, et n’arrivant qu’ensuite aux lois, aux habitants et aux mœurs.
Bientôt la famille humaine devient la patrie ; et sous les regards satisfaits de cette Providence que les anciens voyaient sourire du haut du ciel aux sociétés d’hommes, les hommes se lient par la loi et le droit, et se transmettent le patrimoine de la chose publique. […] Elle dira les idées portées par un monde, et d’où sont sorties les lois qui ont renouvelé ce monde. […] Elle cherchera partout l’écho, partout la vie d’hier ; et elle s’inspirera de tous les souvenirs et des moindres témoignages pour retrouver ce grand secret d’un temps qui est la règle de ses institutions : l’esprit social, — clef perdue du droit et des lois du monde antique. […] Nous voulons exposer les mœurs de ce temps qui n’a eu d’autres lois que ses mœurs.
« Si, comme nous l’avons vu, le poète est prédestiné, le poème aussi a ses lois, et il doit être consubstantiel à l’objet qu’il célèbre : car un hymne est un élément de la nature. […] qui dira les lois de l’hydraulique, l’attraction et la répulsion, par quoi se nécessitent tel chant, et cette églogue, et cette puissante statue ?”… Un hymne comme un autre a ses lois. […] Car dans le moindre frisson où se pâment les blés et les cœurs, le poète percevra une loi éternelle ; de la réalité il déduira le paradis et sur ce banal fait divers, que nous apporte le gris papier du jour, il bâtira une éclatante épopée… » M.
Nous ne pouvons lire sans être attendris les péroraisons touchantes de Cicéron pour Flaccus, pour Fonteius, pour Sextius, pour Plancius et pour Sylla, les plus admirables modèles d’éloquence que l’antiquité nous ait laissés dans le genre pathétique : qu’on imagine l’effet qu’elles devaient produire dans la bouche de ce grand homme ; qu’on se représente Cicéron au milieu du barreau, animant par ses pleurs le discours le plus touchant, tenant le fils de Flaccus entre ses bras, le présentant aux juges, et implorant pour lui l’humanité et les lois ; sera-t-on surpris de ce qu’il nous apprend lui-même, qu’il fut interrompu par les gémissements et les sanglots de l’auditoire ? […] La clarté, cette loi fondamentale, aujourd’hui négligée par tant d’écrivains, qui croient être profonds et qui ne sont qu’obscurs, consiste à éviter non seulement les constructions louches, et les phrases trop chargées d’idées accessoires à l’idée principale, mais encore les tours épigrammatiques dont la multitude ne peut sentir la finesse ; car l’orateur ne doit jamais oublier que c’est à la multitude qu’il parle, que c’est elle qu’il doit émouvoir, attendrir, entraîner. […] Cette contrainte et les avantages qui en naissent, sont peut-être la meilleure raison qu’on puisse apporter en faveur de la loi si rigoureusement observée jusqu’ici, qui veut que les tragédies soient en vers ; mais il resterait à examiner si l’observation de cette loi n’a pas produit plus de mauvais vers que de bons, et si elle n’a pas été nuisible à d’excellents esprits, qui, sans avoir le talent de la poésie, possédaient supérieurement celui du théâtre.