/ 2234
278. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Ces exemples pourraient être multipliés sans fin et descendre à des détails de diction, qui surprendraient parfois et donneraient en même temps la seule idée vraie de l’expression de Pindare, dans ses nombres sans loi. […] Le corps, chez tous, suit la loi de la mort irrésistible ; mais il reste de nous une image vivante du principe éternel : car seule, elle vient des dieux. […] » Ce qui pour lui cependant résolvait le problème, c’était un autre principe de philosophie, l’idée présente d’une Loi souveraine, d’un destin moral, pour ainsi dire, au lieu de cette fatalité aveugle qu’on reproche à l’antiquité, et dont elle ne peut guère se justifier que par exception. […] Il n’a pas seulement, comme le dit Horace, chanté les dieux et les rois issus des dieux : il a aimé cette forme de puissance ; il l’a louée, en la voulant soumise aux lois. […] « Ô fils de Saturne et de Rhée, qui tiens sous ta loi le seuil de l’Olympe, la couronne des jeux et le cours de l’Alphée, daigne, adouci par nos chants, transmettre leur héritage à toute leur lignée !

279. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

C’est dans le sang de son premier citoyen que les scélérats doivent éteindre les lois antiques de Rome. […] Cicéron vivant, la ville a un centre, les lois une main, la patrie une voix, le sénat un guide. […] L’horreur, avant la loi, fait le vide autour du conspirateur. […] Combien de temps ta rage éludera-t-elle nos lois ? […] Contre toi les lois sont muettes et les tribunaux impuissants, ou plutôt tu les as renversés, anéantis.

280. (1886) De la littérature comparée

Taine s’est efforcé, le premier — car les indications de Herder dans ce sens ne sont ni très précises ni très méthodiques — de rattacher ses études particulières à la psychologie générale, de les utiliser en vue de la recherche de ces lois encore mal connues qui gouvernent les hommes et les sociétés. […] Il y a un état moral distinct pour chacune de ces formations et pour chacune de leurs branches ; il y en a un pour l’art en général et pour chaque sorte d’art ; pour l’architecture, pour la peinture, pour la sculpture, pour la musique, pour la poésie ; chacune a sa loi, et c’est en vertu de cette loi qu’on la voit se lever au hasard, à ce qu’il semble, et toute seule parmi les avortements de ses voisines, comme la peinture en Flandre et en Hollande au xviie  siècle, comme la poésie en Angleterre au xvie  siècle, comme la musique en Allemagne au xviiie  siècle. […] Mais avec la méthode historique et psychologique, le problème est tout autre : il s’agit de rattacher le cours à quelque idée générale, de s’en servir pour arriver à la démonstration de quelqu’une de ces lois que la pensée moderne s’efforce de préciser, ou tout au moins pour suivre dans ses diverses phases un grand mouvement intellectuel. […] Maintenant, dans l’œuvre que je viens de citer : « Dieu a créé l’homme afin qu’il connaisse les lois qui régissent l’univers qu’il en aime la beauté, qu’il en admire la grandeur ». […] Posnett ne s’en tient pas là : après avoir constaté que les faits d’influence permanente, tels que le climat, le sol, etc., constituent les influences statiques dont dépend le développement de la littérature, il croit en trouver le principe dynamique dans la loi de l’évolution de la vie commune à la vie personnelle.

281. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Il fallait alors que la philosophie luttât contre les égarements de l’imagination, contre les séductions des sens, mais toujours en respectant le sentiment religieux, sorte d’instinct qui seul donne de la durée à l’existence de l’homme, qui seul revêt d’une sanction inviolable les lois auxquelles il doit obéir. […] Mais, le respect pour la loi des convenances, loi fondamentale chez les Français, a dû faire disparaître cette désharmonie choquante, et obliger à abolir une disposition étrangère à nos mœurs, à retirer une loi frappée de désuétude en naissant. […] Si nous parcourions toute la série d’idées que peut faite naître le sujet qui nous occupe, nous verrions que le duel, reste de nos anciennes mœurs, s’est conservé intact dans nos mœurs nouvelles, mais qu’il commence à sortir de la sphère des opinions ; que l’institution du jury, réclamée par nos opinions, et regardée avec raison comme le fondement de toutes nos garanties sociales et de nos libertés actuelles, n’est point entrée dans nos mœurs, puisque nous obéissons avec tant de répugnance à la loi qui nous impose le devoir de juger nos pairs, puisque les jugements rendus dans le sanctuaire de la justice, sous la responsabilité de la conscience des jurés, sont attaqués ouvertement, et discutés comme nous discutons tout ; nous verrions enfin que si nous n’étions pas soutenus par l’esprit de parti, nous nous acquitterions de nos fonctions d’électeurs avec une négligence que l’on prévoit déjà pour l’avenir. […] Nous chercherons à établir, plus tard, que, la société étant imposée à l’homme, les lois de la société sont nécessaires. Or les hiérarchies sociales sont au nombre des lois nécessaires.

282. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

Si la vérité, la sincérité sont les lois suprêmes de l’art, il n’y a plus lieu, dès que l’artiste est honnête homme, d’exiger qu’il ait le dessein formel et particulier de faire une œuvre morale : quoi qu’il fasse, il la fera morale, en vertu de sa nature. […] La nature que la poésie imitera sera donc la nature commune, celle qui est partout et toujours, les objets qui existent en vertu de ses lois éternelles, non pas les accidents de l’individualité, ni les bizarreries des phénomènes monstrueux. […] Il pose les lois de la versification, qui sera correcte d’abord, mais aussi harmonieuse, expressive ; il pose les lois du style, qui sera correct et clair, mais efficace et expressif, les lois de la composition qui sera juste et proportionnée : vers, langage, plan, ce sont trois moyens, qui doivent concourir à approcher l’objet naturel, sans le déformer, de l’esprit du lecteur. […] C’est une chose curieuse que cet art du xviie  siècle qu’on accuse de n’avoir connu que la froide raison, est celui qui fait le plus une loi d’adapter la nature à l’esprit, et qui pose nettement le plaisir comme sa fin suprême, comme la condition nécessaire et presque suffisante de la perfection. […] Mais la grande loi reste toujours la vérité, d’autant que ces natures tout intellectuelles du xviie  siècle ne sauraient se plaire aux objets où leur raison ne trouve point de vérité.

283. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Nous sommes trop habitués en France et en Allemagne à recevoir des hypothèses sous le nom de lois historiques, et des anecdotes douteuses sous le nom d’événements attestés. […] La démonstration ne serait ni plus soignée, ni plus rigoureuse, s’il s’agissait de prouver une loi de physique. […] Le poëte ranime les êtres morts ; le philosophe formule les lois créatrices ; l’orateur connaît, expose et plaide des causes. […] Pas une seule des lois cruelles portées contre les non-conformistes par les Tudors et les Stuarts n’est rapportée. […] Cette loi, remplie de contradictions que peut découvrir le premier écolier venu en philosophie politique, fit ce que n’eût pu faire une loi composée par toute la science des plus grands maîtres de philosophie politique.

284. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « TABLE » pp. 340-348

. — Projet de loi sur l’instruction secondaire. — Concession aux petits séminaires. — Retour de la critique aux chefs-d’œuvre du XVIIe siècle     183 XLVII. — Opinion d’un gallican sur la brochure du Père Ravignan en faveur des jésuites. — Condamnation de Félix Pyat pour diffamation envers Jules Janin. — Élections de MM. […] Lebrun. — Le Juif errant      198 LII. — Rapport du duc de Broglie sur la loi de l’enseignement secondaire. — Lettre de M. […]      206 LIV. — Discussion de la loi sur l’enseignement supérieur à la Chambre des pairs. — Réfutation d’un article de M. […] Cousin et Villemain dans la discussion de la loi sur l’enseignement secondaire. — Peisse     215 LVII. — Réponse au discours de M. de Montalembert     218 LVIII. — L'abbé Dupanloup. — Le Rancé de Chateaubriand. — Gémissements des poëtes sur leur jeunesse enfuie. — Antigone, par MM.

285. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

« Il est évident que la complication et la mobilité sociales ont pour résultat immédiat de contrecarrer la loi de l’hérédité, et de rendre impossible l’hérédité des caractères acquis. […] Draghicesco, partisan de la loi du nombre, prend ses exemples dans la catégorie d’hommes qui réalisent le mieux son idéal du grand homme : les politiciens démocrates, et il arrive à cette énormité qui consiste à faire du vote populaire la mesure de la supériorité d’un homme et le signe d’élection du génie. […] Par le fonctionnement bienfaisant de la loi d’adaptation et d’intégration sociales, l’individualité sera complètement abolie et l’antinomie résolue. […] — Ici encore on ne voit pas comment des recherches, si instructives qu’elles soient, sur les sociétés australiennes, africaines, ou même européennes, ou encore quelques lois sociologiques très générales, telles que la loi de la division du travail social ou la loi de l’intégration sociale progressive, ou la loi de l’entrecroisement des groupes sociaux, pourraient servir à unifier et à discipliner la pensée collective. — Les jugements de valeur portés par les sociologues restent d’ordre subjectif et reflètent seulement des préférences individuelles. — Démocratie ou aristocratie ? […] La loi de la pensée individuelle est de s’intégrer dans la pensée sociale.

286. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre III. Coup d’œil sur le monde politique, ancien et moderne, considéré relativement au but de la science nouvelle » pp. 371-375

Les trois formes de gouvernement se succédèrent chez eux conformément à l’ordre naturel ; l’aristocratie dura jusqu’aux lois Publilia et Petilia, la liberté populaire jusqu’à Auguste, la monarchie tant qu’il fut humainement possible de résister aux causes intérieures et extérieures qui détruisent un tel état politique. […] Après avoir observé dans ce Livre comment les sociétés recommencent la même carrière, réfléchissons sur les nombreux rapprochements que nous présente cet ouvrage entre l’antiquité et les temps modernes, et nous y trouverons expliquée non plus l’histoire particulière et temporelle des lois et des faits des Romains ou des Grecs, mais l’histoire idéale des lois éternelles que suivent toutes les nations dans leurs commencements et leurs progrès, dans leur décadence et leur fin, et qu’elles suivraient toujours quand même (ce qui n’est point) des mondes infinis naîtraient successivement dans toute l’éternité.

287. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

Cette manière de juger les œuvres des hommes, et par conséquent les hommes mêmes, a ses avantages en ce qu’elle soumet à des lois fixes et invariables les travaux de l’imagination. Sans doute il faut des lois et des lois sévères pour contenir les passions humaines, parce que le désordre des passions est un fléau pour la société ; mais l’Imagination, cette fille du ciel, veut être libre et indépendante. La seule loi que la société lui impose, c’est de ne jamais oublier sa céleste origine. […] Le goût peut-il être une loi souveraine et universelle qu’on doive appliquer indistinctement à tous les peuples, à tous les âges ! […] « Sa voix retentissante est un don de nature « Dont il fait à la chambre un merveilleux emploi, « Quand il faut appuyer le vote d’une loi.

288. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

Devenus prédicants passionnés de la loi nouvelle, ils ont voulu la faire exécuter dans ces derniers temps, comme les guerriers de Mahomet ou comme les satellites de Robespierre, la barbe au menton et le sabre au côté. […] J’ai prévu même que la liberté du théâtre qui devait être un inévitable effet des événements de juillet, en enlevant tout frein à ceux qui ne reconnaissaient déjà plus les lois du savoir et de l’expérience, aiderait à violer bientôt celles de la décence et de la morale. […] N’avez-vous pas vu d’ailleurs quels ont été les effets de votre déplorable système ; n’avez-vous pas vu que, dans ce renversement de toutes les lois dramatiques, vous avez excité une anarchie qui vous a donné d’anarchistes imitateurs ? […] Il faut se défendre également de cet orgueil despotique, qui veut en dépit de la raison et des lois nous faire briser les obstacles que nous nous sommes créés nous-mêmes. […] À leur place j’enverrais des missionnaires prêcher la nouvelle loi.

289. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

cette théorie, parfaitement impuissante, a vainement essayé de donner la loi des faits, que les vues faibles prennent pour le dévergondage du hasard, et, désespérée de ne pouvoir la dégager, cette loi entrevue, a fermé les yeux, s’est assise par terre et a proclamé la fatalité. […] quel parti pourrait se soustraire à la nécessité de dire, de penser, d’agir au rebours du gouvernement qui l’opprime, et de tomber ainsi sous l’aveugle loi des contradictions politiques ? […] En effet, si la fatalité est la reine du monde, la loi éternelle, pourquoi le philosophe est-il triste lorsqu’il proclame ses arrêts ? […] et l’on ne peut pas dire selon le vent, car le vent obéit à une loi ! […] Ferrari parle de fatalité, et c’est commode quand la loi qu’on cherche, on n’est pas capable de la trouver.

/ 2234