La meilleure preuve que je puisse vous donner de la liberté réfléchie de ma résolution, c’est que je ne me plains de personne ; car maudire les Dieux ou accuser les hommes, c’est le signe d’un homme qui répugne à mourir et qui voudrait vivre encore. » Quelle grandeur de civisme, même dans ses vices, étale ce peuple romain ! […] « Choisi pour gendre par Thraséa, de toutes les vertus de son beau-père, il n’en rechercha aucune autant que l’amour de la liberté. […] On verra que je n’apostasie rien que l’erreur dans laquelle je suis une ou deux fois tombé, et quelques expressions mal sonnantes ou mal interprétées par mes nombreux lecteurs ; que j’ai mûri mes idées sur les conditions naturelles du pouvoir ; que j’ai profité de l’expérience et des temps, mais que je suis après ce que j’étais avant, l’homme qui se corrige des moyens sans se détourner du but : la liberté par l’honnêteté, le gouvernement spiritualiste. […] Ils ne méritent pas la liberté, ceux qui ne respectent pas la conscience. — Deux poids et deux mesures, est-ce la justice ? […] Le mot est malheureux ; mais le spirituel rédacteur ne nous condamne pas à mort, et cette erreur de fait de sa part n’enlève rien de l’estime et de la reconnaissance que nous portons à la rédaction d’un journal libéral partout ailleurs qu’en Italie, pierre d’attente de la liberté, et qui mérite que la liberté l’attende à son tour.
Chez nous, la tradition de la liberté n’a pu se perpétuer et s’affermir par les mêmes hommes qui avaient inauguré cette grande cause. […] Jeunes gens qui voulons nous retremper et nous affermir dans l’intégrité politique, qui voulons espérer en l’avenir sérieux dont l’aspect momentanément se dérobe, qui sommes résolus à ne nous immiscer d’ici là à aucun mensonge, à ne signer aucun bail avec les royautés astucieuses, à ne jamais donner dans les manèges hypocrites des tiers-partis, faisons donc, pour prendre patience et leçon, ce salutaire voyage d’Amérique ; faisons-le dans Jefferson du moins ; étudions-y le bon sens pratique, si différent de la rouerie gouvernementale ; apprenons-y la modération, la tolérance, qui sied si bien aux convictions invariables, la rectitude, la simplicité de vues, qui, si elle s’abstient maintes fois, a l’avantage de ne jamais s’embarquer dans les solutions ruineuses ; apprenons-y, quelle que soit la vivacité de nos préoccupations personnelles sur certains points de religion, de morale, d’économie ou de politique, à ne prétendre les établir, les organiser au dehors que dans la mesure compatible avec la majorité des esprits : car la liberté et la diversité des esprits humains sont le fait le plus inévitable à la fois et le plus respectable qu’on retrouve désormais dans le côté social de toutes les questions. […] Au lieu de ce noble amour de la liberté et du gouvernement républicain qui nous a fait surmonter toutes les difficultés de la guerre, il s’est formé un parti monarchique et aristocratique dont l’objet avoué est de nous imposer la substance, comme il nous a déjà donné la forme du gouvernement de l’Angleterre. […] Nous avons contre nous le pouvoir exécutif, la judicature, deux des trois branches de la législature, tous ceux qui ont des places dans le gouvernement et ceux qui en désirent, tous les gens timides qui préfèrent le calme du despotisme aux orages de la liberté, les marchands anglais et les Américains qui commercent avec des capitaux anglais, les agioteurs et tous les hommes intéressés dans les banques ou dans les fonds publics, invention imaginée dans des vues de corruption et pour nous assimiler en tout point, aussi bien aux parties gangrenées qu’aux portions saines du modèle anglais. […] En un mot, ce n’est que par des travaux soutenus, et non sans de continuels dangers, que nous parviendrons à conserver la liberté que nous avons conquise ; mais nous la conserverons : la masse d’influence et de richesse est assez grande de notre côté pour que nous n’ayons à craindre aucune tentative violente ; nous n’avons qu’à nous réveiller et à briser les cordes lilliputiennes dans lesquelles on nous a enlacés durant le premier sommeil qui a suivi nos travaux. » Cette délivrance, que Jefferson présageait si énergiquement en 96, il a eu l’honneur de l’accomplir.
L’agitation inséparable d’un gouvernement républicain met souvent en péril la liberté, et si ses chefs n’offrent pas la double garantie du courage et des lumières, la force ignorante ou l’adresse perfide précipitent tôt ou tard le gouvernement dans le despotisme. […] Et César, et Cromwell, pensez-vous, dira-t-on que l’enthousiasme qu’ils ont inspiré ne soit pas devenu fatal à la liberté de leur patrie ? L’enthousiasme qu’inspire la gloire des armes, est le seul qui puisse devenir dangereux à la liberté ; mais cet enthousiasme même n’a de suites funestes que dans les pays où diverses causes ont détruit l’admiration méritée par les qualités morales ou les talents civils. […] La réputation, les suffrages constamment attachés aux hommes qui ont honorablement rempli la carrière des affaires publiques, sont l’un des premiers moyens de conserver la liberté ; et ce qui peut contribuer le plus efficacement aux progrès des lumières, c’est de mêler ensemble, comme chez les anciens, la carrière des armes, celle de la législation, et celle de la philosophie. […] Lorsque la pensée peut contribuer efficacement au bonheur de l’homme, sa mission devient plus noble, son but s’agrandit ; ce n’est plus seulement une rêverie douloureuse, parcourant tous les maux de l’univers, sans pouvoir les soulager, c’est une arme puissante que la nature donne, et dont la liberté doit assurer le triomphe.
On trouve par-ci, par-là, dans les doctrines morales, particulièrement dans la morale stoïcienne et dans la morale kantienne, un appel à l’idée de personnalité, à l’idée de liberté individuelle et d’autonomie individuelle. […] Sorel a montré l’existence d’un « sublime » moral à l’état latent dans l’âme ouvrière ; d’une aptitude au sacrifice dans la lutte sans merci que la classe ouvrière soutient contre les classes possédantes qui représentent pour elle l’immoralité. — L’ouvrier anticlérical confond volontiers casuistique et jésuitisme ; de plus il est intolérant dans les choses qui touchent à la conduite comme dans celles qui touchent aux opinions et il ne respecte guère la liberté individuelle. […] La casuistique est regardée par ses ennemis comme une sophistique au service de l’instinct de liberté et d’anomie morale ; comme un prétexte qu’invoque trop aisément l’instinct égoïste toujours disposé à se dérober à l’autorité de la règle. […] Bayet déclare en effet qu’en principe, dans tous les cas où il y a conflit entre l’intérêt du groupe et l’intérêt de l’individu, le premier peut être préféré comme étant l’intérêt de tous, même à certains égards de ceux qu’il lèse110. — Une fois ce principe admis, la vie intérieure elle-même, en tant qu’elle a des conséquences pour la vie sociale, risque fort de tomber tout entière sous les prises de la réglementation sociale ; et d’ailleurs, du moment que toute la conduite extérieure de l’individu est sujette à cette réglementation, n’est-ce pas une concession toute platonique, que celle qui consiste à lui laisser la liberté du for intérieur. […] Solidarité ou liberté, égalité ou inégalité, résignation ou révolte, moralisme ou immoralisme ; ou, pour passer à des problèmes plus spéciaux, mariage indissoluble ou divorce facilité, condamnation ou légitimation du suicide, ce sont là autant de problèmes à solutions ambiguës que tranche au fond le jugement de l’individu et pour tout dire, en fin de compte, le tempérament de l’individu.
Mais, par là même, nous jugerons mieux la nôtre et nous prémunirons notre temps, qui en a souffert beaucoup déjà, contre d’insidieux exemples de liberté pris dans des sociétés qui ne ressemblent en rien à notre société actuelle. […] Si nous nous préoccupions beaucoup de la chimère de ce siècle, de cette liberté dont il est si follement épris, nous citerions encore Lerminier : « La liberté antique — dit-il — était le triomphe de la forme sur le fond des choses humaines. Quand la statue était brisée, il n’y avait plus de Dieu. » Pour les Grecs, même la liberté, c’est-à-dire ce qui tient le moins dans une forme quelconque, tout était dans la forme, et, que disons-nous ? […] Il y a dans les constitutions des diverses républiques de ce pays un despotisme de dispositions qui doit plaire à la plupart d’entre eux, hommes de formules, faisant, chacun à sa façon, de la liberté politique un système.
« Le spectacle de la mort de Virginie immolée par son père à la pudeur et à la liberté fit évanouir la puissance des décemvirs. […] Le Sénat et le peuple rentrèrent dans une liberté qui avait été confiée à des tyrans ridicules. […] Il avait prévu l’oppression de la Prusse, de la Russie, de l’Autriche ; tout principe faux de liberté, tout sophisme de civilisation porte en lui sa peine. […] C’est ce qui fait qu’en Asie, il n’arrive jamais que la liberté augmente ; au lieu qu’en Europe, elle augmente ou diminue selon les circonstances. […] Ce n’est point la fertilité du sol qui règle la population ; c’est la sécurité, la liberté, l’industrie.
Les vicissitudes de sa captivité nous mèneraient trop loin, à les raconter en détail ; il passa successivement au service de trois maîtres et se fit considérer en même temps que redouter d’eux par les tentatives réitérées et pleines de hardiesse qu’il fit pour recouvrer sa liberté et la procurer à ses compagnons de chaîne. […] Le Dey d’Alger disait de lui que « quand il tenait sous bonne garde le manchot espagnol, il tenait en sûreté ses esclaves, ses galères et même toute la ville. » Dans l’Histoire du Captif, Cervantes, faisant raconter à ce personnage réel ou fictif bien des choses dont lui-même avait été témoin et les horreurs qui avaient affligé sous ses yeux l’humanité, lui fait dire encore : « Un seul captif s’en tira bien avec lui (avec le Dey) ; c’est un soldat espagnol, nommé un tel de Saavedra, lequel fit des choses qui resteront de longues années dans la mémoire des gens de ce pays, et toutes pour recouvrer sa liberté. […] Cervantes dut ressentir bien vivement le bonheur d’une liberté si longuement attendue, si chèrement achetée, et il s’en ressouvenait sans doute après tant d’années lorsqu’il faisait dire par Don Quichotte à Sancho, au sortir d’une captivité, toute gracieuse cependant et hospitalière : « La liberté, Sancho, est un des dons les plus précieux que le Ciel ait fait aux hommes. […] Pour la liberté aussi bien que pour l’honneur, on peut et l’on doit aventurer la vie. […] au milieu de ces mets exquis et de ces boissons glacées, il me semblait que j’avais à souffrir les misères de la faim, parce que je n’en jouissais pas avec la même liberté que s’ils m’eussent appartenu ; car l’obligation de reconnaître les bienfaits et les grâces qu’on reçoit sont comme des entraves qui ne laissent pas l’esprit s’exercer librement.
Il se déclare seulement dans sa Préface de 1826, où il fait une sortie contre les limites des genres, revendique le nom de romantique, attaque l’imitation, et, demandant à l’art d’être avant tout inspiration, pose la formule de la liberté dans l’art 724. […] Hugo ne dit pas, comme les autres, la liberté de l’art, mais la liberté dans l’art, c’est-à-dire la liberté et l’art, être libre, à condition de respecter l’art : comme il dit la liberté dans l’ordre, pour l’union de la liberté et de l’ordre, son idéal politique à cette époque.
Étudiant le problème de l’éducation à propos de la crise du libéralisme 61 déclare qu’il y a antinomie entre la liberté de l’individu et « cette ressemblance, cette obéissance et cette concentration » sans lesquelles il n’y a pas de vie sociale possible. […] Toute liberté politique est au fond un mode spécial de réglementation. La liberté de la presse est au fond une réglementation de la presse : la liberté d’association est au fond une réglementation du droit d’association ; la liberté du vote une réglementation du vote, et ainsi de suite. […] L’individualisme stirnérien, on pourrait dire aussi l’individualisme spencérien, est tout négatif ; il consisterait à supprimer toute éducation et à laisser l’enfant se développer en toute liberté.
Nos pères avaient, à mon avis, plus de respect pour les nations : tout à fait dans les temps anciens les rois étaient de race divine ; dans les temps modernes on a cru, d’après l’autorité de l’Écriture sainte, que Dieu lui-même se mêlait de choisir les princes des peuples : il y avait alors une religion sociale ; un roi n’était pas traîné à l’échafaud par ses propres sujets ; il ne tombait pas du trône à la présence d’un chef de bande : la royauté avait ses martyrs, et la patrie ne périssait jamais : le roi était la patrie devenue sensible ; la royauté était une des libertés de la nation, et la plus importante de toutes. […] Nous avons retrouvé les protecteurs-nés de nos antiques libertés, ceux qui pouvaient seuls consacrer et rendre durables nos libertés nouvelles. […] En effet, lorsque la Providence veut punir les hommes, elle semble leur enlever pour un temps la liberté dont ils abusèrent, et les placer en quelque sorte sous l’empire de la nécessité : alors paraît au milieu des peuples, ou le fléau de Dieu, ou l’homme du Destin ; mais aussitôt que cette mission redoutable est accomplie, le fléau de Dieu est brisé, l’homme du Destin reste sans pouvoir, les nations sont rendues à la liberté. Louis XVIII, en rentrant parmi nous, ne nous promettait point d’éclatantes conquêtes, la gloire de vastes et funèbres triomphes, le silence des rois et des peuples devant un sceptre formidable ; il ne se présentait que comme le ministre de la paix et de la réconciliation, le gage de l’indépendance et de la liberté.
Tout le monde, en effet, a deviné le motif qui amenait le poëte devant le roi75 ; et ce motif n’était pas seulement une affaire privée : c’était aussi, et avant tout, une grave question d’art et de liberté que M. […] Autrefois, les libertés de la nation étaient mal définies, obscures, discrètes, obérées sous des formes minutieuses et confuses ; la voix de l’opposition, qui sort des entrailles de tout gouvernement non despotique, n’avait pas de quoi se faire jour. […] Le poète aurait pu dire encore qu’il avait, fort jeune, et en plus d’une circonstance mémorable, donné à la monarchie et au prince d’humbles gages qu’il ne séparait point, dans sa pensée, des autres gages qu’on devait donner aussi aux libertés et aux institutions du pays ; il aurait pu (et le roi l’eût cru sans peine) protester de son aversion contre toute malice détournée, de sa sincérité d’artiste, de sa bonne foi impartiale à l’égard des personnages que lui livrait l’histoire ; et, alors, la conversation tombant sur le caractère de Louis XIII, et sur le plus ou moins de danger ou de convenance qu’il y aurait à le laisser paraître dans la pièce en litige, le poëte eût pu expliquer à loisir à l’auguste Bourbon que le drame n’ajoutait rien là-dessus, retranchait bien plutôt à ce qu’autorisait la franchise sévère de l’histoire, et que l’image de temps si éloignés et si différents des nôtres ne pouvait le moins du monde paraître une indirecte contrefaçon du présent.
Linguet dans le pays étranger, & les écarts qui en ont été la suite, sont le fruit de ces persécutions scandaleuses, qui prouvent qu’il n’y a jamais eu de Secte plus intolérante, plus vindicative, plus tyrannique, plus inhumaine, que celle dont les bannieres ont pour cri les noms de tolérance & de liberté. […] A peine cet Ecrivain a-t-il été hors de France, que, profitant de la liberté des presses étrangeres, il a écrit contre ses ennemis, & les a peints sous les couleurs les plus vraies. […] Mais, abusant de la liberté que sa position lui donnoit de se plaindre, & n’écoutant que son amour propre irrité, on l’a vu se venger du crime de quelques particuliers, & envelopper, dans son ressentiment, des hommes dignes de son respect.