Et c’est pourquoi, non seulement certains hommes ne sont éloquents que parce qu’ils sont révolutionnaires ; mais on en cite qui, peut-être à leur insu, ne sont devenus révolutionnaires que parce qu’ils étaient nés éloquents ; qui, partis du criticisme un peu timide du centre gauche, ne se sont arrêtés que là où ils trouvaient l’emploi total de leur éloquence magnifique, violente et vague, et qui, menés par leur langue, dupes de leur propre séduction, ont sans doute fini par croire qu’ils remplissaient une mission, quand ils ne faisaient qu’accomplir une fonction naturelle et fatale.
Bienveillant par nature, exempt de toute envie, il ne put jamais admettre ce qu’il considérait comme des infractions extrêmes à ce point de vue primitif auquel lui-même n’était plus que médiocrement fidèle ; il croyait surtout que l’ancienne langue, celle de Racine, par exemple, suffit ; il reconnaissait pourtant qu’on lui avait rendu service en faisant accepter au théâtre certaines libertés de style qu’il se fût moins permises auparavant et dont la trace se retrouve évidente chez lui, à dater de Louis XI.
Sans doute les Arlequin, les Pedrolino, les Pantalon, étaient d’excellentes charges (ce mot est la traduction du mot italien caricature, passé depuis lors dans notre langue), c’est-à-dire des copies ressemblantes, quoique outrées, de la nature humaine.
« Notre langue, peu accentuée, prétendait-il16, ne saurait admettre le vers blanc, et ni Voltaire, vice-roi de Prusse en son temps, ni Louis Bonaparte, roi de Hollande au sien, ne me sont des autorités suffisantes pour hésiter, ne fût-ce qu’un instant, à ne me point départir de ce principe absolu.
Nous reviendrons sur ce sujet dans la quatrième période, en examinant la doctrine de Molière sur l’usage de plusieurs expressions qu’il a voulu maintenir, et que l’usage a écartées de la langue.
Des fautes de langue ne rendront jamais une pensée, et le style est comme le cristal : sa pureté fait son éclat.
Ce tour n’est guère dans le génie de notre langue, et la grammaire trouverait à chicanner ; mais le sens est si clair que ce vers ne déplaît pas.
L’évêque de Meaux a créé une langue que lui seul a parlée, où souvent le terme le plus simple et l’idée la plus relevée, l’expression la plus commune et l’image la plus terrible, servent, comme dans l’Écriture, à se donner des dimensions énormes et frappantes.
Il ne reprit point en sous-œuvre l’idée de l’ancienne Monarchie pour l’empreindre du cachet de son génie à lui, et pour donner à cette idée tout son accomplissement et toute sa force ; et l’organisateur par excellence, qui a laissé même jusqu’à ce mot d’organiser dans la langue du xixe siècle, oublia d’organiser l’Histoire et la laissa aux partis qu’il avait vaincus !
On ne sait dans quelle langue il est écrit.
L’analyse directe des pensées et des sentiments est transposée en quelque sorte par lui, comme par les réalistes du xixe siècle, dans la langue des gestes et des attitudes, ce qui nous vaut, avouons-le, des tableaux d’une grâce charmante. […] Il n’est rien de plus abstrait que la grammaire : aussi laissent-ils rouiller le mécanisme ingénieux et compliqué de la langue latine. […] La quantité se fausse, le vocabulaire s’appauvrit, ou ne gagne que des mots âpres, et raboteux au contact des langues germaniques, et la voyelle accentuée, au lieu de respecter les autres lettres, comme auparavant, les chasse, les écrase ou tout au moins les assourdit. […] Attirer, comme il le fait, le moine dans un guet-apens savamment préparé, le forcer de se défendre avec la hache qu’il n’a jamais maniée, l’abattre sans qu’il fasse résistance, « lui percer d’une dague la langue et les deux jones et en ce point le laisser » n’est pas déjà un bien admirable exploit. […] Les suites de gravures que nous ont laissées les deux grands peintres allemands, les Passions, les Scènes de la vie de la Vierge, l’Éloge de la folie, l’Alphabet de la mort, les Simulacres de la mort, sont des moralités qui, comme il arrivait au Moyen-Âge, forment une sorte de traduction en langue vulgaire des livres saints et des enseignements qu’ils contiennent.
C’est pour les aventures, pour le ton et pour la langue (à quelques mots près), un agréable pastiche du roman, tel qu’il fleurissait sous le règne de Louis XV le bien-aimé. […] Si ce méchant esprit allait passer de la grammaire à la politique, des mots à la Société, de la langue à l’impôt, à la Constitution ! […] Il était bien utile, n’est-ce pas, de traduire Marx et Bebel dans la langue de Cicéron ! […] Salut, oiseaux chanteurs, qui fûtes peut-être nos premiers maîtres de langue ! […] Ses écrivains ne rappellent leur pays d’origine que par la langue qu’ils écrivent.