Il est une chose pourtant que Louis XIV n’eut à emprunter à personne et qui lui est bien originale, ce fut cet état, cette fonction réelle de souverain dont personne alors n’avait l’idée autour de lui, que les troubles de la Fronde avaient laissé dégrader et dépérir dans les esprits, et que Mazarin, même dans la restauration du pouvoir, n’avait que médiocrement relevée dans la révérence publique. […] Laissons à chacun le nom qui le désigne en propre. […] Ce dernier point fut toujours la grande prétention de Louis XIV : ne pas se laisser gouverner, n’avoir point de Premier ministre. […] Il est des princes qui ont raison de craindre de se laisser aborder de trop près et de se communiquer aux autres : il ne croit pas être de ceux-là, et, sûr qu’il est de lui-même, et de ne prêter jamais à aucune surprise, il gagne à cette communication aisée de pénétrer plus à fond ceux à qui il parle, et de connaître par lui-même les plus honnêtes gens de son royaume. […] Je laisse de côté Louis XV et les lâches indignités de son règne : mais on peut dire que le caractère bon, honnête, modéré, des respectables Bourbons qui ont succédé, n’était plus à la hauteur des circonstances ; ils n’ont pas su remplir le vœu et le conseil de leur grand aïeul.
Mais, mon ami, quand nous laisserions là un moment le peintre Doyen pour nous entretenir d’autre chose, croyez-vous qu’il y eût si grand mal ? […] Si elle s’arrête, la composition laissera un vuide, un trou. […] C’est que Michel qui tient l’école laissera bientôt vacante une place à laquelle ils prétendent tous. […] C’est vous, c’est moi qui nous laissons blesser, envelopper dans ces filets ; c’est nous qu’ils retiennent invinciblement aeterno devincti…etc. . […] Laissez-le aller, vous dis-je.
Mais alors, si vous êtes si charmants les uns pour les autres, laissez donc vos pointes d’épée que vous cachez sous des roses. […] Jouffroy (car, avec tout mon désir de le laisser en dehors de cette critique, je ne puis tout à fait l’omettre), Jouffroy n’avait rien du comédien et était sérieux ; il a fini par mourir de ce qui a fait vivre les autres. […] Je suis de ceux qui assistaient à ces petits cours intimes, à ces leçons que Jouffroy faisait à quinze ou vingt auditeurs dans sa petite chambre de la rue du Four-Saint-Honoré, et qui nous ont laissé une impression si vive. […] Cette comparaison, qui vise à l’applaudissement, est très fausse, et l’impression que laissaient les leçons de M. […] C’est alors qu’on apercevrait, j’imagine, combien les mailles du filet, toutes bien faites qu’elles sont, se trouvent trop larges et laissent souvent passer le poisson.
Son père, entré en qualité de doyen des conseillers au parlement de Metz, qui était de création nouvelle, laissa ses enfants aux soins d’un frère qui était conseiller au parlement de Dijon. […] Pourquoi M. de Lamartine, qui trouve au passage de ces vues charmantes et de ces aperçus d’un biographe supérieur, les laisse-t-il fuir par négligence, et les gâte-t-il presque aussitôt ? […] Il commence avec grandeur et par une large similitude : Comme on voit que de braves soldats, en quelques lieux écartés où les puissent avoir jetés les divers hasards de la guerre, ne laissent pas de marcher dans le temps préfix au rendez-vous de leurs troupes assigné par le général ; de même, le Sauveur Jésus, quand il vit son heure venue, se résolut de quitter toutes les autres contrées de la Palestine par lesquelles il allait prêchant la parole de vie ; et sachant très bien que telle était la volonté de son Père qu’il se vînt rendre dans Jérusalem, pour y subir peu de jours après la rigueur du dernier supplice, il tourna ses pas du côté de cette ville perfide, afin d’y célébrer cette Pâque éternellement mémorable et par l’institution de ses saints mystères et par l’effusion de son sang. […] Ailleurs, c’est plutôt dans l’emploi de certains mots rudement concis, et dans le tour presque latin, qu’on sent le contemporain de Pascal : Car enfin ne vous persuadez pas que Dieu vous laisse rebeller contre lui des siècles entiers : sa miséricorde est infinie, mais ses effets ont leurs limites prescrites par sa sagesse : elle qui a compté les étoiles, qui a borné cet univers dans une rondeur finie, qui a prescrit des bornes aux flots de la mer, a marqué la hauteur jusqu’où elle a résolu de laisser monter tes iniquités. […] Son front élevé et plan laissait voir à travers une peau fine les veines entrelacées des tempes.
Le caractère le plus remarquable de ce morceau tout sentimental et poétique et nullement dogmatique, c’est peut-être qu’il ne conclut pas, et qu’il laisse conjecturer tout ce qu’on voudra sur la pensée finale de l’auteur ; il laisse chacun rêver à son gré sur l’état d’âme définitif que cela suppose. […] Il essaye, pour y répondre, d’hypothèses diverses : l’arrangement fortuit, la nécessité du mouvement de la matière, l’infinité de combinaisons possibles dont une a réussi… Il hésitait, il commençait à se troubler : placé entre des explications incomplètes et des objections sans réplique, il allait, s’il n’y prenait garde, trop accorder à la raison, au raisonnement ; il sentait poindre l’orgueil en même temps que s’accroître les obscurités, quand tout à coup… mais laissons-le parler lui-même sa plus belle langue : Quand tout à coup un rayon de lumière vint frapper son esprit et lui dévoiler ces sublimes vérités qu’il n’appartient pas à l’homme de connaître par lui-même et que la raison humaine sert à confirmer sans servir à les découvrir. […] On m’a laissé entrer paisiblement ; je puis du moins espérer qu’on me laissera sortir de même. […] sans doute, vivre est une belle chose, puisqu’une vie aussi peu fortunée me laisse pourtant des regrets.
Mais laissons ce coin fâcheux du débat33. […] Viollet-Le-Duc, né en 1814, avait pour père un homme d’esprit et fort instruit, qui a laissé sa trace dans l’étude critique de notre poésie au xvie siècle, et pour oncle il avait M. […] L’avantage d’une telle éducation, pour ceux qui ne se destinent pas à desservir en lévites fidèles les autels de l’Antiquité, c’est qu’elle laisse de la liberté aux aptitudes, qu’elle ne prolonge pas sans raison les années scolaires, qu’elle donne pourtant le moyen de suivre plus tard, si le besoin s’en fait sentir, telle ou telle branche d’érudition confinant à l’Antiquité, et que, vers seize ou dix-sept ans, le jeune homme peut s’appliquer sans retard à ce qui va être l’emploi principal de toute sa vie. […] Il a parlé, en une occasion, de ses impressions à Rome, rien qu’incidemment, il est vrai, mais d’une manière qui laisse peu à désirer aux plus fervents. […] C’était en effet une sorte de pèlerinage où se portaient dévotement les fidèles ; on courait les provinces, on se dirigeait aux bords du Rhin ; de Strasbourg à Cologne, on saluait du plus loin, à l’horizon, chaque ville qui laissait apercevoir un clocher, une flèche « montrant comme du doigt le ciel » ; c’était une vraie course au clocher et à l’ogive.
Les précieuses écrivaient des lettres ; la phrase de Mme de Montausier, ou de Mme de Sablé, ou de Mme de Maure, est encore un peu compassée, cérémonieuse, à longue queue : cependant avec elles, et surtout avec Voiture, qui a laissé échapper de délicieux billets, on sent que l’on marche vers l’excellent style, sans relief et sans couleur, mais d’un trait si juste et si fin, que Bussy et Mme de la Fayette emploieront. […] Il a manqué de naturel : c’était inévitable ; mais il en a manqué surtout par scrupule d’artiste, qui ne veut laisser dans son œuvre aucune négligence. […] Par malheur, il manquait ou de netteté ou de courage dans l’esprit ; il se laissait donner des admirations ou des dégoûts par la société où il vivait, et par les patrons qui le pensionnaient. […] Il la manie avec insouciance, la laisse s’étaler sous le poids de la pensée, sans coquetterie mondaine et sans inquiétude artistique. […] La plupart ont des jugements déterminés suivant lesquels ils règlent une partie de leurs actions ; et, bien que souvent leurs jugements soient faux, et même fondés sur quelques passions par lesquelles la volonté s’est auparavant laissé vaincre et séduire, toutefois… on peut… penser que les âmes sont plus fortes ou plus faibles à raison de ce qu’elles peuvent plus ou moins suivre ces jugements, et résister aux passions présentes qui leur sont contraires.
Fier de servir un homme illustre dont le nom emplissait les journaux, il s’était laissé aller à cette inspiration délicate. […] Stuart Merrill nous a laissé une relation inexacte de ce dîner, soit que ses souvenirs l’aient trahi, soit qu’il ait cédé au travers d’être piquant. […] Il faut laisser nos instincts rire et s’ébattre au soleil comme une troupe d’enfants rieurs. […] laissons cela ! […] Notre entrée le surprit, absorbé par son entourage, en train d’éclater avec un geste bref : « Je ne me laisse pas marcher sur les pieds !
Quand son sénat, qui ne faisait pas tout ce qu’il en eût désiré, le nomma à l’ambassade de Rome, ce poëte, considérant l’état de crise où il laissait la république, et le péril de confier cette légation à un autre, dit ce mot devenu célèbre : S’io vo, chi sta, e s’io sto, chi va : Si je pars, qui reste, et si je reste, qui part ? Quoique logé chez le prince de Ravenne, il ne laissa pas de raconter dans son Enfer l’aventure délicate et désastreuse arrivée à la fille de ce prince ; et lorsque après son exil il se fut réfugié auprès de Can de l’Escale, il conserva dans cette cour ses manières républicaines. […] L’effet qu’il produisit fut tel, que, lorsque son langage rude et original ne fut presque plus entendu, et qu’on eut perdu la clef des allusions, sa grande réputation ne laissa pas de s’étendre dans un espace de cinq cents ans, comme ces fortes commotions dont l’ébranlement se propage à d’immenses distances. […] Enfin, du mélange de ses beautés et de ses défauts, il résulte un poëme qui ne ressemble à rien de ce qu’on a vu, et qui laisse dans l’âme une impression durable. […] La croyance d’un purgatoire a bien donné le change à ces idées, en substituant le besoin des prières et des œuvres pies à celui des sacrifices ; mais elles ne laissent pas de subsister parmi le peuple.
Nous voilà loin du roux, et je ne vois de moyen de tout concilier que d’en passer par ces cheveux « si beaux, si blonds et cendrés » qu’admirait Brantôme, témoin très oculaire ; cheveux que la captivité devait blanchir, et qui laisseront apparaître, à l’heure de la mort et aux mains du bourreau, cette pauvre reine de quarante-cinq ans « toute chenue », comme dit L’Estoile. […] » Après un acte si rigoureux qu’elle laissait accomplir par crainte du scandale, et pour mettre son honneur au-dessus de toute atteinte et de tout soupçon, Marie Stuart n’avait, ce semble, qu’un parti à prendre, c’était de rester la plus sévère et la plus vertueuse des princesses. […] Le mot était lâché, il ne s’agissait, pour Marie comme pour son frère Murray, que de regarder à travers ses doigts, selon l’expression vulgaire, et de laisser faire sans se mêler de rien. […] Ce qui est dû à de semblables passions quand elles ne laissent pas après elles la haine, et ce qui leur va le mieux, c’est l’oubli. […] Ayant à raconter dans ses Recherches la mort de Marie Stuart, il l’oppose à l’histoire tragique du connétable de Saint-Pol, à celle du connétable de Bourbon, qui lui ont laissé un mélange de sentiments contraires : « Mais en celle que je discourrai maintenant, dit-il, il me semble n’y avoir que pleurs, et, par aventure, se trouvera-t-il homme qui, en lisant, ne pardonnera à ses yeux. » M.
Ce qui est, selon moi, très juste, le voici : c’est de maintenir aux choses aimables, légères, leur droit d’exister non seulement à côté des grandes choses, mais au lendemain des chocs terribles et jusque dans les moindres intervalles lucides que nous laissent les révolutions de la société. […] Loin de moi l’idée que l’écrivain littéraire puisse rester indifférent à de certaines heures, qu’il puisse venir parler au public en des jours d’émotion universelle sans laisser lui-même éclater ses vœux, ses émotions, ses sympathies généreuses ! […] D’ailleurs, ces amoureux, qui s’en vont de Paris à Vincennes, ne laissent rien derrière eux qui les rappelle, pas un parent, pas un regret. […] Celui-ci, dès l’abord, à la manière dont il saisit Louise qui s’est enfuie, et dont il l’introduit sous son toit, laisse deviner ce qui adviendra un jour. […] Laissons pour cette fois Voltaire, et, comme seule moralité à tirer de tout ceci, disons simplement : Jeunes filles, ne faites pas comme elle !
Son honneur est de n’avoir à aucun degré laissé la littérature, le roman, le drame, s’introduire dans le sanctuaire, à jamais voilé, de sa douleur. […] Mme la duchesse d’Angoulême vécut et habita continuellement dans cet ordre de pensées, sans s’en laisser distraire un seul jour. […] Mais, dans l’intimité, aux meilleurs jours, elle se laissait quelquefois aller sinon à dire du moins à écouter des choses assez gaies. […] Elle avait le soin de le laisser toujours en avant sur le premier plan : délicatesse d’autant plus vraie qu’on ne sait même si elle en a eu conscience. […] C’est là le cadre de cette destinée de douleur et de sacrifice, sur laquelle l’Antiquité eût versé aussitôt la poésie et l’idéal, mais qui ne nous laisse entrevoir qu’une beauté intérieure, à demi voilée, comme il sied au christianisme.