Essayons donc d’apprécier les hommes qui font profession de juger les écrivains. D’autres peut-être prendront encore la peine de nous juger, et seront jugés à leur tour. […] Elle raconte avec luxe, comme pour se dispenser de juger. […] Que daignent-ils ignorer ces hommes qui jugent de tout ? […] Définissons de même le critique : un homme de bien qui sait juger.
Les personnes qui en avoient jugé autrement que les gens de l’art, et en s’en rapportant au sentiment, s’entrecommuniquent leurs avis, et l’uniformité de leur opinion change en persuasion l’opinion de chaque particulier. Il se forme encore de nouveaux maîtres dans les arts qui jugent sans intérêt et avec équité des ouvrages calomniez. […] Une piece lui paroît toujours une piece médiocre quand on la reprend, s’il l’a jugée telle à la premiere représentation. […] Le public s’assemble pour juger les pieces de théatre, et les personnes qui se sont assemblées s’entrecommuniquent bien-tôt leur sentiment.
profond, à fond d’âme, qui nous vengerait des étouffements de l’étouffeur Moore, ne serait pas, ne pourrait pas être, sous un titre fallacieux, ce vieux procès de lord Byron, jugé par tous les témoins de sa vie, ces témoins que nous connaissons tous, — que nous avons rapprochés et comparés tous, et dont nous avons épuisé tous les témoignages ! […] Manière ordinaire de juger ! […] Et celle-ci n’a pas été plus heureuse que les autres… La mobilité dans la profondeur qui est la caractéristique, géniale et humaine, de Byron, et qui pourrait, d’un seul trait, nous éclairer toute sa vie, n’a pas été saisie par la femme qui nous a donné ce Byron jugé… et qui ne l’est pas ! […] Et elle aussi, elle y a pris, dans le tas, la femme du Byron jugé ; et pourtant, de tous, elle était celle qui devait le moins y prendre ! […] Byron jugé par des témoins de sa vie. — Chez Amyot.
Jusqu’ici la Restauration n’a pas été jugée. […] Il devait s’appuyer sur les idées pour juger les œuvres, sur les œuvres pour juger les écrivains, ne séparant pas les unes des autres, ne repoussant pas les idées dans leur hauteur abstraite pour être plus à l’aise avec les hommes dans leur en-bas. […] c’est à la lumière de ce programme que nous allons juger le livre de M. […] Nettement, se vantait avec l’orgueil de la pauvreté « de ne juger la littérature qu’avec des doctrines littéraires ». […] Après cela, on comprend très bien que, jugé physiquement à travers des mots si effroyablement dissolus, Balzac dut avoir pour cette combinaison d’hermine et de lynx, qu’on appelle M.
Le public à venir, qu’on me permette cette expression, qui en jugera par sentiment, ainsi que le public contemporain en avoit jugé, sera toujours de l’avis des contemporains. […] Je dis ébloüir, car comme je l’ai exposé, la plûpart des peintres et des poëtes ne jugent point par voïe de sentiment, ni en déferant au goût naturel perfectionné par les comparaisons et par l’expérience, mais par voïe d’analyse. Ils ne jugent pas en hommes doüez de ce sixiéme sens dont nous avons parlé, mais en philosophes spéculatifs.
Elle le jugea du premier coup d’œil, le prit en dégoût, le quitta, essaya par moments de se remettre avec lui, en trouva l’ennui trop grand, et finit par se passer avec franchise toutes les fautes et les inconséquences qui pouvaient nuire à la considération, même en ce monde de mœurs relâchées et faciles. […] Nous la jugeons trop, en un mot, comme si nous étions du bord de son ennemie, Mlle de Lespinasse, ou de celui de Mme Geoffrin. […] Ce qu’elle avait aimé tout d’abord dans Walpole, c’était sa liberté de penser et de juger. […] lui disait Walpole ; votre style est à vous, comme le sien est à elle. » Mme de Sévigné, d’ailleurs, est parfaitement jugée par Mme Du Deffand, ainsi que son cousin Bussy. […] Elle jugeait même du jeu des acteurs, des actrices, et c’est elle qui a marqué d’un mot le caractère de Mlle Raucourt à ses débuts : « C’est une démoniaque sans chaleur.
C’est donc au plus haut point de bonheur que l’amour de la gloire puisse donner, qu’il faut s’attacher pour en mieux juger les obstacles et les malheurs. […] Les individus de la même classe que soi, qui se sont résignés à n’en pas sortir, attribuant bien plutôt cette résolution à leur sagesse, qu’à leur médiocrité, appellent folie une conduite différente, et sans juger la diversité des talents, se croient faits pour les mêmes circonstances. […] On ne trouvera peut-être pas que ce siècle donne encore l’idée d’aucun progrès en ce genre ; mais il faut dans l’effet actuel voir la cause future, pour juger un événement tout entier. […] Les géomètres, ne pouvant être jugés que par leurs pairs, obtiennent, d’un petit nombre de savants, des titres incontestables à l’admiration de leurs contemporains ; mais la gloire des actions doit être populaire. […] S’il est donc vrai que choisir le malheur est un mot qui implique contradiction en lui-même ; la passion de la gloire, comme tous les sentiments, doit être jugée par son influence sur le bonheur.
Je vous assure que je pourrais, comme un autre, juger par principes et non par impressions. […] Je serais fixe si je le voulais ; je serais capable de juger les œuvres, au lieu d’analyser l’impression que j’en reçois ; je serais capable d’appuyer mes jugements sur des principes généraux d’esthétique ; bref, de faire de la critique peut-être médiocre, mais qui serait bien de la critique… Seulement alors, je ne serais plus sincère. […] Juger toujours, c’est peut-être ne jamais jouir. […] Mais ne voyez-vous pas que classer ceux-ci, c’est, au bout du compte, distribuer en groupes et juger ceux-là, et qu’ainsi la critique subjective arrive finalement au même but que l’objective, par une voie plus humble, plus couverte et peut-être moins aventureuse, puisqu’on est beaucoup moins sûr de ses jugements que de ses impressions ?
L’action de l’espérance embellit tellement tous les caractères, qu’il faut avoir bien de la finesse dans l’esprit, et de la fierté dans le cœur, pour démêler et repousser les sentiments que votre propre pouvoir inspire : si vous voulez donc aimer les hommes, jugez-les pendant qu’ils ont besoin de vous ; mais cette illusion d’un instant est payée de toute la vie. […] L’homme qui s’est jugé comme la voix publique, qui conserve au-dedans de lui tous les sentiments élevés qui l’accusent, et peut à peine s’oublier dans l’enivrement du succès, que deviendra-t-il à l’époque du malheur ? C’est par la connaissance intime des traces que l’ambition laisse dans le cœur après ses revers, et de l’impossibilité de fixer sa prospérité, qu’on peut juger surtout l’effroi qu’elle doit inspirer. […] L’ambition dénature le cœur, quand on a tout jugé par rapport à soi, comment se transporter dans un autre ? […] Il reste encore des moyens d’acquérir du pouvoir, mais l’opinion qui distribue la gloire, l’opinion n’existe plus ; le peuple commande au lieu de juger ; jouant un rôle actif dans tous les événements, il prend parti pour ou contre tel ou tel homme.
Chateaubriand jugé par un ami intime en 1803 Lundi 21 juillet 1862. […] J’eus toutefois la satisfaction de voir que ceux qui avaient le plus anciennement, le plus habituellement vécu dans le même monde et les mêmes sociétés que M. de Chateaubriand, et qui en jugeaient sans prévention, reconnaissaient la vérité de la plupart de mes remarques, et y retrouvaient leurs propres souvenirs dans leur mélange, « de très bons souvenirs, et parfois d’assez mauvais. » C’est ce que m’écrivait l’illustre chancelier M. […] Aujourd’hui, une preuve positive et des plus curieuses de la manière dont les amis du grand écrivain le jugeaient in petto, nous est produite dans une lettre confidentielle de M. […] Il y a plus : comme il ne s’occupe jamais à juger personne, il suppose aussi que personne ne s’occupe à le juger. […] Cela posé, jugeons-le sans miséricorde, et parlons-en entre nous sans retenue ; vous avez fort bien commencé, vous voyez que je vous suis de près ; achevez, et déterminez-moi irrévocablement, car mon incertitude m’est insupportable.
Partisan très fervent des maximes opposées, si j’avais eu l’imprudence de juger ces écrivains dans le vif de ce retour de faveur et de disgrâce, j’aurais fait de la polémique au lieu de faire de l’histoire. […] Je me suis donc abstenu, attendant que l’ordre, rétabli dans la société et dans les esprits, me permît de les juger, non comme des auxiliaires appelés en de mauvais jours pour des œuvres de destruction, mais comme des maîtres de l’art et comme les guides de l’esprit humain au dix-huitième siècle. J’ignore si je les ai bien jugés ; du moins j’ai la conscience qu’au moment où ces pages ont reçu leur dernière forme, il ne m’était resté aucun ressentiment de l’usage qu’on avait fait des erreurs de ces écrivains contre les vérités conservatrices de la société humaine.
Un auteur qui a trente ans quand il produit ses bons ouvrages, ne sçauroit vivre les années dont le public a besoin pour juger, non-seulement que ses ouvrages sont excellens, mais qu’ils sont encore du même ordre que ceux des ouvrages des grecs et des romains toujours vantez par les hommes qui les ont entendus. […] Les contemporains jugent très-bien du mérite réel d’un ouvrage, mais ils sont sujets à se tromper quand ils jugent de son mérite de comparaison, ou quand ils veulent décider sur le rang qui lui est dû. […] Après ce que je viens d’exposer on voit bien qu’il faut laisser juger au temps et à l’expérience quel rang doivent tenir les poetes nos contemporains parmi les écrivains qui composent ce recueil de livres que font les hommes de lettres de toutes les nations, et qu’on pourroit appeller la biblioteque du genre humain.