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513. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre I : Une doctrine littéraire »

Tels sont les doutes que nous éprouvions en relisant dans une nouvelle édition améliorée cette œuvre sérieuse et forte, qui nous agrée par un endroit, nous refroidit par un autre, où les jugements, toujours solidement motivés, ne répondent pas toujours à nos propres impressions. […] C’est celle qui recommande et même ordonne l’examen, c’est-à-dire le libre exercice du jugement.

514. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Deshays » pp. 208-217

Peut-être la Fable offre-t-elle plus de sujets doux et agréables ; peut-être n’avons-nous rien à comparer en ce genre au Jugement de Pâris : mais le sang que l’abominable croix a fait couler de tous côtés, est bien d’une autre ressource pour le pinceau tragique. […] Je m’en rapporte à vous, marquis de la Vallée de Josaphat, chevalier d’honneur de la Résurrection, illustre Montami, vous qui avez calculé géométriquement la place qu’il faudra à tout le monde au grand jour du jugement, et qui à l’exemple de Notre Seigneur entre les deux larrons, aurez la bonté de placer dans ce moment critique à votre droite Grimm l’hérétique, et à votre gauche Diderot le mécréant, afin de nous faire passer en paradis, comme les grands seigneurs font passer la contrebande dans leurs carrosses aux barrières de Paris, illustre Montami, je m’en rapporte à vous.

515. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Chine »

Elle est donc toujours un mystère… non pas un simple mystère à ténèbres dans lesquelles l’œil cherche sans voir, mais un mystère à éblouissements qui brise la lumière sous les feux luttants des contradictions… Avec un pareil peuple, qui semble échapper au jugement même, avec ce sphinx retors qui a remplacé l’énigme par le mensonge et auprès de qui tous les sphinx de l’Egypte sont des niais à la lèvre pendante, n’y a-t-il pas toujours moyen, si on ne met pas la main sur le flambeau de la vérité, de faire partir, en frottant son esprit contre tant de récits, les allumettes du paradoxe, et d’agir ainsi, fût-ce en la déconcertant, sur l’Imagination prévenue, qui s’attend à tout, excepté à l’ennui, quand on lui parle de la Chine et des Chinois ? […] Nous aurions voulu qu’on eût répondu une fois pour toutes aux esprits les plus forts, les plus imposants, qui ont regardé sans rire ce pays qui semble exciter je ne sais quelle méprisante gaîté, et qu’on eût renversé, par exemple, pour ne plus le voir jamais debout, ce jugement terrible d’un de ces grands esprits qui ont, dans les choses de l’histoire, l’infaillibilité de leurs instincts : « Quand on m’aura montré des sociétés aussi fortes que la judaïque et que la chrétienne (si c’est la chinoise, montrez-le !)

516. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rigault » pp. 169-183

Déjà, en 1850, Rigault avait publié la première partie de ce morceau qu’il a complété, en 1858, par une seconde qui ne modifia en rien les jugements de cette première partie et qui ne pouvait pas les modifier. […] Si le jugement que j’ai porté sur lui paraît trop byronien aux horatiens qui vivent toujours, à cette race d’égoïstes, d’impuissants et de vulgaires qui ont pris Horace pour leur poète et croient leur fond sauvé par sa forme, j’ai gardé pour la fin un mot doux et terrible, plus terrible dans sa douceur que la brusquerie de Byron.

517. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gobineau » pp. 67-82

Des scènes historiques qui ne sont que de l’imagerie historique, des découpures de personnages avec la petite couleur locale appropriée, ne valent pas la plus médiocre narration ou le plus médiocre jugement d’un historien quelconque ; car une narration et un jugement sont, après tout, des choses viriles, et des scènes historiques qui ne sont pas des chefs-d’œuvre ne sont que de la puérilité.

518. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Crétineau-Joly » pp. 247-262

La fonction du biographe était d’attacher à ces livres un jugement (dans la portée de son esprit) concis et résumant. Tant mieux si ce jugement définitif eût été le trait du génie !

519. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexandre de Humboldt »

Les deux à trois jugements plus ou moins durs et comme tout le monde en prononce dans sa vie, les deux à trois jugements qu’on trouve en ces lettres intimes, n’ont fait les blessures qui ont crié que parce qu’ils venaient de Humboldt ; que parce qu’ils tombaient de très haut !

520. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIV. Alexandre de Humboldt »

Les deux à trois jugements plus ou moins durs et comme tout le monde en prononce dans sa vie, les deux à trois jugements qu’on trouve en ces lettres intimes n’ont fait les blessures qui ont crié, que parce qu’ils venaient de Humboldt ; que parce qu’ils tombaient de très haut !

521. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Dargaud »

Car après le jugement sur la philosophie de l’écrivain il y a le jugement sur son œuvre, et c’est une loi de l’esprit humain que les chefs-d’œuvre littéraires diminuent d’autant de beautés qu’il s’y trouve de vérités méconnues.

522. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Stendhal et Balzac » pp. 1-16

Mille motifs autres que son propre jugement peuvent influer sur lui quand il s’agit d’un livre nouveau qu’il publie : ainsi la nouveauté, les coteries, l’entourage, l’action plus ou moins éloquente de l’auteur, que sais-je encore ? […] Un éditeur qui se dévoue la tire de cet oubli et la replace sous les yeux du public, comme un homme qui compte sur la justesse de son jugement et sur sa justice.

523. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Xavier Aubryet et Albéric Second » pp. 255-270

J’ai quelquefois parlé, en mes critiques des Œuvres et des Hommes au xixe  siècle, de l’auteur des Jugements nouveaux et des Patriciennes de l’amour 28, et ce que j’en ai dit, je le pense toujours. […] Vous le voyez, c’est un moraliste d’instinct et de réflexion qu’Aubryet ; mais plus encore de rétorsion… Jusqu’ici, il avait, comme la famille d’esprits dont il descend : les Chamfort et les La Bruyère, procédé surtout par des jugements, des portraits et des caractères ; mais l’invention l’a tenté, et, de moraliste devenu romancier, il nous donne cette Vengeance de Madame Maubrel, qui est un livre de détails parisiens si connus qu’il fallait sa plume pour les renouveler en les décrivant, mais qui n’est pas le cas nouveau d’âme humaine que j’attendais, et que tout romancier psychologique est tenu de mettre dans son livre, s’il se risque à faire un roman.

524. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXIV » pp. 337-339

Sainte-Beuve n’a pu vouloir, au reste, dans ce parallèle, que poser la limite du talent de Béranger ; il l’a apprécié et loué ailleurs, et il ne prétend rien retrancher sans doute de ses premiers jugements ; mais, cette fois, il aura tenu à faire sa restriction sur ce seul point où Béranger prête le flanc.

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