Dans ses extases de joie, l’amante, saintement passionnée, disoit à son amant dans le seigneur : « O mon fils !
Si notre religion n’était pas une triste et plate métaphysique ; si nos peintres et nos statuaires étaient des hommes à comparer aux peintres et aux statuaires anciens : j’entends les bons, car vraisemblablement ils en ont eu de mauvais et plus que nous, comme l’Italie est le lieu où l’on fait le plus de bonne et de mauvaise musique ; si nos prêtres n’étaient pas de stupides bigots ; si cet abominable christianisme ne s’était pas établi par le meurtre et par le sang ; si les joies de notre paradis ne se réduisaient pas à une impertinente vision béatifique de je ne sais quoi qu’on ne comprend ni n’entend ; si notre enfer offrait autre chose que des gouffres de feux, des démons hideux et gothiques, des hurlements et des grincements de dents ; si nos tableaux pouvaient être autre chose que des scènes d’atrocités, un écorché, un pendu, un rôti, un grillé, une dégoûtante boucherie ; si tous nos saints et nos saintes n’étaient pas voilés jusqu’au bout du nez ; si nos idées de pudeur et de modestie n’avaient proscrit la vue des bras, des cuisses, des tétons, des épaules, toute nudité ; si l’esprit de mortification n’avait flétri ces tétons, amolli ces cuisses, décharné ces bras, déchiré ces épaules ; si nos artistes n’étaient pas enchaînés et nos poètes contenus par les mots effrayants de sacrilège et de profanation ; si la Vierge Marie avait été la mère du plaisir ; ou bien, mère de Dieu, si c’eût été ses beaux yeux, ses beaux tétons, ses belles fesses qui eussent attiré l’Esprit Saint sur elle, et que cela fût écrit dans le livre de son histoire ; si l’ange Gabriel y était vanté par ses belles épaules ; si la Magdelaine avait eu quelque aventure galante avec le Christ ; si aux noces de Cana le Christ entre deux vins, un peu non-conformiste, eût parcouru la gorge d’une des filles de noces et les fesses de saint Jean, incertain s’il resterait fidèle ou non à l’apôtre au menton ombragé d’un duvet léger : vous verriez ce qu’il en serait de nos peintres, de nos poètes et de nos statuaires ; de quel ton nous parlerions de ces charmes qui joueraient un si grand et si merveilleux rôle dans l’histoire de notre religion et de notre Dieu, et de quel œil nous regarderions la beauté à laquelle nous devrions la naissance, l’incarnation du Sauveur, et la grâce de notre rédemption.
Dans les sensations et les joies du style, il prenait très bien son parti de n’être pas un créateur.
Voici ses dernières paroles telles qu’on les trouve partout : « Mes amis, la nature me redemande ce qu’elle m’a prêté ; je le lui rends avec la joie d’un débiteur qui s’acquitte.
Poëtes, montez sur le trépied sacré, et respirez cet air pur de poésie qui souffle aux heures privilégiées ; dites de ces choses qui n’ont jamais été lues dans les livres, et sentez-vous pleurer et tressaillir et rire, dans la joie d’une création intime et personnelle. […] En même temps, vous trouverez que Dieu est juste, puisqu’il a donné au poète, pour prix de ses rudes épreuves, les pensées profondes, l’harmonie du langage, la foi en son art, et le talent qui mène à la renommée, cette joie éternelle de l’âme qui fait vivre vite et vivre beaucoup, et qui console le poète d’être venu au monde frêle et souffrant. […] c’est que la vie, avec ses inévitables misères, est bien légère à porter, quand la Muse donne abondamment ce qu’on lui demande, et que la renommée ne coûte pas de sueurs ; c’est qu’être assez fort pour entraîner un siècle indifférent par des idées toutes religieuses, assez privilégié pour n’avoir pas contre soi le troupeau des ignorants et des jaloux, assez heureux pour sentir, à certains jours, le besoin d’un peu de tristesse afin de se délasser, est un lot sur cette terre qui doit mettre bien de la joie au cœur d’un homme. Il ne me convient pas de franchir le seuil du poète ; mais je ne puis m’empêcher de remarquer combien le sentiment de la possession et du bien-être est naïf et profond dans ce vers : Des bois dont le murmure et l’ombre sont à moi… et combien il y a de joie domestique dans ceux-ci : Une femme, un enfant, trésors dont je m’enivre ; L’une par qui l’on vit, l’autre qui fait revivre ! […] Quelle meilleure preuve voulez-vous de la réaction que je signale, que j’ai vu venir avec joie, à laquelle j’applaudis de toute mes forces, quoiqu’elle doive moins profiter à moi, inconnu, moi que certains grands hommes de la littérature facile vont traiter d’obscur Zoïle, — de la même bouche pourtant dont ils me salueraient grand écrivain si je changeais ma thèse, — qu’à ces grands hommes eux-mêmes qui ont pu pécher impunément, parce qu’il leur a été donné de pouvoir se repentir glorieusement.
il y a quelque chose en nous qui en éprouve de la joie. […] L’âme dans cette contemplation ressent une joie douce et tranquille, une sorte d’épanouissement. […] Par voie d’association, elle peut les réveiller tous, mais directement elle en produit très peu ; et encore les plus simples et les plus élémentaires, la tristesse et la joie avec leurs mille nuances. […] En face, la mère Agnès, à genoux, la regarde avec une joie reconnaissante. […] En vain la belle pécheresse a-t-elle voulu renoncer aux joies du monde et s’attacher à la pauvreté de Jésus-Christ.
Pourquoi Rabelais ouvre-t-il une source intarissable de joie ? […] L’état de joie, qu’empêchent notre doute et la dureté de nos cœurs, pour le chrétien est un état obligatoire. Chaque être est plus ou moins capable de joie. Chaque être doit tendre à la joie. Le seul sourire de Gertrude m’en apprend plus là-dessus que mes leçons ne lui enseignent. » L’interférence de cette joie de Gertrude et de la docte joie enseignée au pasteur par son Évangile a été l’amour, ou plutôt l’illusion et le mensonge de l’amour, illusion et mensonge dont meurt la jeune fille quand elle les voit en face.
Mais si, dès 88 et 89, avec le poème dramatique Ancoeus et les poèmes de Joies, Viélé-Griffin outrepasse victorieusement les Palais Nomade dans ses réalisations toutes personnelles du Vers)libre, en 87, le poète artiste des Palaisentre plus avant dans la voie dont tous deux ont même souci. […] C’est l’année suivante que viendra son recueil intitulé Joies (cette Joie émanée de la nature et des musculatures en mouvement de la vie qui, philosophique plus tard, deviendra l’une des propriétés de son talent), mais dès 88, des Revues en publient des poèmes. […] Et si, au numéro d’Août 91, Abel Pelletier59 apprécie sévèrement le mot étrange mais où l’état d’âme du pessimisme idéaliste se dénonce » : L’immoralité absolue, c’est la joie de vivre » (Rémy de Gourmont) précédemment, en tête de la revue, George Bonnamour ardemment avait protesté contre la mesure qui privait de son emploi au Ministère de la Guerre, de Gourmont, pour avoir écrit qu’il ne sacrifierait pas à l’idée de patrie son petit doigt gauche… D’ailleurs, l’année précédente, en Décembre 89, le même souci de proclamer l’indépendance de l’écrivain avait opéré une même et plus large union lorsque le Ministre de la Guerre encore, demanda des poursuites contre le livre de Lucien Descaves60, Sous-offs « Depuis vingt ans, disait la protestation (Figaro, 25 Déc.), nous avons pris l’habitude de la liberté. […] Quand je les vois si enragés, je me dis avec une joie intime : Allons ! […] A cette condition s’élance le chant qui soit la Joie d’être allégé » (Divagations)88 Allégé c’est le mot qui se présente naturellement.
L’homme qui s’est livré aux travaux manuels y trouve toutes ses joies. […] Quand nous possédons l’objet, l’espérance disparaît à son tour pour faire place à la joie. Si la possession est continue, nous éprouvons un autre sentiment agréable, la joie de posséder, plus tranquille que la joie d’acquérir qui l’a précédée. Laissant le mot joie pour cette dernière émotion, on peut nommer encore sécurité la joie de posséder. […] Il y a pour lui deux passions primitives, la joie et l’amour.
Ne me parle donc plus que de sujets de joie, Souffre qu’a mes transports je m’abandonne en proie, Et sans me rappeler des ombres des enfers, Dis-moi ce que je gagne et non ce que je perds. […] De Créon : As-tu cru, maudit, qu’abandonnant sa proie, Le destin te ferait l’aumône d’une joie ? […] La joie en circulant me gagne ainsi qu’eux tous. […] Il va bondir de joie en apprenant que l’improvisateur Piron corrigeait tout comme un autre, plus qu’un autre, et que ses remaniements étaient des trouvailles et que c’est surtout en remaniant qu’il avait du génie. […] Explosion de joie sur toute la ligne des boulevards.
De même on dit indifféremment des pleurs de joie, ou des larmes de joie : cependant on dit des larmes de sang, plutôt que des pleurs de sang ; et des pleurs de rage, plutôt que des larmes de rage : ce sont là des bizarreries de la langue, sur lesquelles est fondée en partie la connaissance des synonymes. […] Il avait dit auparavant que la forme du distique avait d’abord été employée pour exprimer la plainte, et qu’elle le fut ensuite aussi pour exprimer la satisfaction et la joie : Versibus impariter junctis querimonia primùm, Post etiam inclusa est voti sententia compos. […] serait-ce que cette même forme, ou du moins le vers pentamètre qui y entre, aurait une sorte de légèreté et de facilité propres à exprimer la joie ?
» On peut imaginer une autre joie religieuse, plus discrète, et fière avec un peu plus de réserve, et qui n’ait pas cette exubérance ou, quelquefois, cette insolence magnifique. […] C’était un homme robuste et ardent, qui travaillait avec joie. […] L’auteur l’a dédié à sa mère morte ; et voici quelques lignes de cette dédicace, où le chagrin, la tendresse et l’intelligente rêverie composent une poignante parabole de vérité : « Ce livre, commence près de toi, dans la joie, dans la lumière, s’achève encore près de toi ; mais la joie s’est évanouie et la lumière est cachée. […] La fête nationale ne modifie pas la peine de Cécile : tant de peine, et le hasard peu important de cette joie aux alentours ! […] Gustave Geffroy si content qu’il cède, réaliste en vacances, à l’impulsion lyrique de sa joie : « Jeunesse !