Aristote ne voit guère dans la métaphore qu’une sorte de jeu d’esprit : c’est pour lui un exercice de l’intelligence beaucoup plus qu’un moyen de raviver la sensibilité ; il la distingue à peine de l’énigme, qui est une sorte de métaphore pour la pensée. […] Un des jeux de rimes lès plus justement admirés dans Hugo, c’est la page de la Légende où il dit que, si les Suisses ont pu se vendre à l’Autriche, ils n’ont pu lui vendre la Suisse. […] Pour Hugo, ce n’est qu’un jeu : Quel assembleur de bœufs pourra former un joug Qui du pic de Glaris aille au piton de Zoug ?
Il fut l’orgue, riche de jeux multiples, au clavier le plus étendu, mais trop sonore pour toujours vibrer. […] — Il y a un jeu de jeunes filles : quelle est votre fleur préférée ? […] Et l’avis motivé d’un grand nombre des poètes notoires de ce temps sera pour le lecteur attentif d’un enseignement meilleur que le jeu de pointage auquel nous pourrions nous livrer.
Je crois qu’il faut garder la forme de l’alexandrin, admirable par son jeu de nombres premiers qui additionnés donnent les dissonances, et multipliés, les eurythmies. […] Et voici des vers que, par jeu, le poète voulut bien écrire à notre intention pour cette enquête : Toute l’âme résumée Quand lente nous l’expirons Dans plusieurs ronds de fumée Abolis en autres ronds Atteste quelque cigare Brûlant savamment pour peu Que la cendre se sépare De son clair baiser de feu Ainsi le chœur des romances À ta lèvre vole-t-il Exclus-en si tu commences Le réel parce que vil Le sens trop précis rature Ta vague littérature Qu’on ne s’étonne pas si nulle ponctuation ne précise ces vers — banvillesquement rimés — : ce fut par expresse volonté du poète qui exprime ainsi le « flou du flou ». […] Je veux dire l’Odeur sacrée, pièce prosodiée ainsi qu’un chant de Virgile ; en laquelle l’auteur s’est fait une loi et un jeu de prouver et trouver les souplesses de notre langue, et son pouvoir, de par l’allitération (naïvement et souvent niaisement reprochée à de moins audacieux), de babiller en dactyles et s’alourdir en spondées, lutter enfin avec le latin et finalement, l’emporter sur lui, avec en sus l’avantage triomphant des tintinnabulantes rimes. […] Le Symbolisme seul, qu’on affecte assez généralement, aujourd’hui, de dédaigner, pourrait donner à toutes les tendances, à toutes les individualités le jeu nécessaire à leur expression, leur développement, à la seule condition de s’entendre (mais ?
Il ne les termina point pourtant sans suivre ses hautes classes aux Oratoriens de Niort, d’où sortait son frère aîné ; et celui-ci, poëte lui-même, dans leurs promenades aux environs de la ville et le long des bords de la fontaine Du Vivier, l’initiait déjà au jeu de la muse. […] Les jeux impurs d’Amathonte Ne sont pas la Volupté. […] La parole vive, spirituelle, brillante, y a son jeu, son succès, je le sais bien ; mais, tout à côté, la parole pesante y a son poids. […] La guerre qu’il faisait depuis quelques années aux novateurs, aux rimeurs hasardeux, était devenue si vive, qu’elle les ameuta contre lui, et il y eut ligue pour le forcer à quitter le jeu. […] Il publia la première fois sa traduction en vers du passage de Juvénal sur Messaline sous le nom de Thomas, et, pour soutenir le jeu, il commenta le morceau avec une part d’éloges.
Je comprends que ses défenseurs ne manqueront pas de dire qu’il a traité avec honneur la vraie probité, qu’il n’a attaqué qu’une vertu chagrine et qu’une hypocrisie détestable ; mais sans entrer dans cette longue discussion, je soutiens que Platon et les autres législateurs de l’antiquité païenne n’auraient jamais admis, dans leur république, un tel jeu sur la scène. […] Mascarille déjà était un enfant de Molière en personne, et bien étonné était Molière de se voir applaudi, doublement, pour son jeu et pour ses vers. […] J’aime le jeu, les assemblées, les visites, les cadeaux et les promenades ; en un mot, toutes les choses de plaisir. […] La puissance royale, qui était la première et presque la seule, s’est effacée devant quelques rhéteurs éloquents et convaincus ; la parole a remplacé l’épée ; cet avocat que Fabre introduit en sa comédie, bientôt il va prendre sa place dans l’histoire ; car, ne l’oubliez pas, cette comédie est jouée, pour la première fois en 1790, et nous n’étions pas loin des avocats du Jeu de Paume. […] Si vous voulez revoir mademoiselle Mars, vous qui l’avez vue, allez voir jouer, par une autre comédienne, Les Fausses Confidences, ou bien Le Jeu de l’amour et du hasard.
répéta-t-il en abattant son jeu. […] L’histoire de ce jeu paraîtra fort intéressante à tout amateur des cartes. Ainsi que la plupart des produits franchement nationaux de l’Amérique, il semble avoir été importé de l’étranger, et on peut en suivre l’origine jusqu’à un jeu italien du quinzième siècle. […] C’est une forme du jeu français de triomphe. […] Suspendre la loi comme un épouvantail à corbeaux dans le jardin, jusqu’à ce que tous les moineaux aient appris à s’en faire un jeu.
Car cet hôte disproportionné, une fois introduit dans notre esprit, finit par déconcerter le jeu naturel de nos sentiments, et, comme un parasite monstrueux, tire à soi toute notre substance397. […] Aucune n’entre en jeu hors de saison.
Les Voiture, les Malleville, les Sarrazin, les Godeau, les Saint-Amant, les Scudéry, les Scarron même lui opposent leur fantaisie : en eux se perpétue le lyrisme du siècle précédent, mais un lyrisme desséché, plus intellectuel que sensible on imaginatif ; leur art, très contraint dans son apparente liberté, n’est qu’un jeu d’esprit compliqué, dont la règle est de calculer toujours l’effet le moins attendu ou le moins nécessaire, pour le produire. […] Les pointes sont proprement des jeux de mots, qui consistent à prendre un mot tour à tour ou simultanément dans deux acceptions différentes, comme le propre et le figuré, etc.
Sans insister plus qu’il ne convient, on ne peut cependant omettre de dire qu’il y avait dans les gros recueils des casuistes une floraison d’imagination subtile et romanesque, fort analogue à celle qui se révèle dans la composition des thèmes oratoires sur lesquels s’exerçaient les rhéteurs de l’empire romain, et que, tout en condamnant la bizarrerie immorale de ces jeux d’esprit, il ne faut pas pourtant en exagérer la conséquence. […] Il l’est, comme tous les autres, parce qu’il est obstinément réaliste : son imagination représente les réalités concrètes dont sont extraites les abstractions sur lesquelles il opère ; — et parce qu’il est profondément sensible : chaque acte de sa pensée, chaque idée qu’il conquiert met en jeu, exalte on blesse toutes les émotions, les affections de son âme singulièrement délicate.
C’est par là qu’il s’élève quelquefois à des effets jusqu’à présent inconnus ; et c’est là aussi ce qui le fait tomber dans ce qu’on prendrait pour de misérables jeux de mots. […] Jamais en notre langue, même chez d’Aubigné, l’invective ne se haussa à un tel ton lyrique ; l’injure brutale, le calembour grandiose, les coups de canne et les coups de bottes, les acrobaties formidables et sinistres, virtuosité de la haine frappant l’ennemi avec ses armes discourtoises, seraient simples jeux de pamphlétaire ; mais, ici, les Euménides mêmes hurlent dans les strophes et, selon son vœu, le poète n’est plus … qu’un aspect irrité, Une apparition d’ombre et de vérité !
Il se piqua au jeu, et l’année suivante il revint à la charge, assisté d’un champion déjà plus que blessé, son Clovis réimprimé. […] Au mari, il avait dit dans une ode : Si j’exécute ce que j’ose, Et que mon vol hardi puisse plaire à tes jeux, Ton suffrage pour moi vaut une apothéose ; J’ai déjà le front dans les cieux.
Le jeu indépendant des éléments sociaux, des éléments de l’esprit, des éléments du monde s’y traduit sans cesse par des arrêts et des méprises. […] Et si toute morale a pour origine la poussée des autres qui sont en nous, la pression de l’instinct social, il est intéressant de voir par quel mécanisme compliqué, à cause de quel jeu indépendant des phénomènes sociaux et des éléments psychiques, la société en vient à marcher contre son but essentiel, et à imposer à l’individu, malgré lui et en quelque sorte malgré elle des actes pénibles pour lui et qui tendent à la détruire.