L’esprit de comparaison se forme insensiblement dans leurs tendres intelligences. […] Ce temps d’ivresse passé, quand chacun a trouvé enfin la mesure de sa taille en s’approchant d’un plus grand ; de ses forces, en luttant avec un plus fort ; de son intelligence, en voyant le prix remporté par un plus habile ; quand la maladie, la fatigue lui ont appris qu’il n’y a qu’une mesure de vie ; quand il en est arrivé à se défier même de ses espérances, alors revient le fabuliste qui savait tout cela, qui le lui dit et qui le console, non par d’autres illusions, mais en lui montrant son mal au vrai, et tout ce qu’on en peut ôter de pointes par la comparaison avec le mal d’autrui.
Chronique : Akedysseril36 Richard Wagner nous apparaît un Précurseur à l’Œuvre d’Art de l’avenir : en ses ouvrages poétiques et ses théoriques, il eut cette intelligence de l’Art complexe et unifié, où (après plusieurs siècles !) […] — Il avait compris que l’œuvre d’art doit être complète et vraie, c’est à dire le drame, mais un drame d’art complet, non de musique seule, et un drame d’action vraie, non de virtuosité conventionnelle ; il avait compris, encore, que cette œuvre d’art, complète et vraie, n’est point une frivole distraction, qu’elle est la création suprême de l’esprit, et que cette création, faite, d’abord, par l’auteur, et devant être, en suite, refaite, entièrement, par les auditeurs, peut par eux être connue, seulement dans l’oubli des soucis temporels et dans la paix, non troublée, de la contemplation intérieure, aux jours, très rares, de la sérénité ; enfin, il avait compris que l’art, demeurant complet et vrai, doit, aussi, donner à l’homme une révélation religieuse de la Réalité transcendante, être un culte offert à l’intelligence du Peuple, — de ce peuple idéal, qui est la Communion universelle des Voyants.
Colonne, par une très étonnante intelligence, suppléait encore aux imperfections nécessaires d’une si grosse entreprise. […] Il faudrait aussi admettre que Wagner fût allé à l’encontre de ses propres théories : « Dans le drame c’est par le sentiment que nous percevons… un sujet dramatique qui ferait appel tour à tour à l’intelligence et au sentiment serait un sujet sans cohésion, brouillé… le drame n’a qu’un seul but, agir sur le sentiment (IV, 97, 246, 253)… dorénavant deux chemins seulement s’ouvrent à la poésie ; ou bien elle peut quitter son domaine pour celui de l’abstraction, devenir philosophie, ou bien elle se confondra avec la musique… le langage de la musique ne peut être interprété selon les lois de la musique (VII, 150)… etc. » On pourrait m’objecter que dans ce cas spécial Wagner a oublié ces théories si clairement énoncées, si nous ne trouvions, dans ses propres œuvres, une preuve concluante du danger qu’il y a à vouloir voir des intentions philosophiques là où il n’y a qu’une œuvre d’art.
Ces différentes impressions passent par les sens et arrivent au cerveau : c’est la que s’opère ce que le maître a appelé la « Gefühlswerdung des Verstandes », c’est-à-dire l’intelligence sensuelle de l’œuvre. […] Alors sera atteint le but que Wagner disait à Berlioz, lequel n’y a rien compris : « Mon but était de montrer la possibilité de produire une œuvre d’art, dans laquelle ce que l’esprit humain peut concevoir de plus profond et de plus élevé fût accessible à l’intelligence la plus ordinaire, sans qu’il fut besoin de la réflexion ni des explications de la critique et c’est cet essai que j’intitulai l’œuvre d’art de l’avenir.
Il emploie à changer le moins possible toutes les ressources de son intelligence. « C’est ainsi que la plupart des inventions primitives, celles de l’habillement, celles qui touchent à l’alimentation, ont eu pour but, par des modifications artificielles des circonstances ambiantes, de permettre à l’homme de conserver ses dispositions organiques, son aspect, ses habitudes, en dépit de certaines variations contraires naturelles des mêmes circonstances31. » Les hommes, en passant d’un climat chaud dans un climat froid, se sont couverts de fourrures, et non d’une toison comme certains animaux ; les tribus frugivores ont transporté avec elles le blé dans toute la zone de cette céréale ; l’homme primitif, en fuyant devant les gros carnivores, au lieu de développer des qualités extrêmes d’agilité et de ruse, comme tous les animaux désarmés, a inventé les armes. […] En dernière analyse, le génie et son milieu nous donnent donc le spectacle de trois sociétés liées par une relation de dépendance mutuelle : 1° la société réelle préexistante, qui conditionne et en partie suscite le génie ; 2° la société idéalement modifiée que conçoit le génie même, le monde de volontés, de passions, d’intelligences qu’il crée dans son esprit et qui est une spéculation sur le possible ; 3° la formation consécutive d’une société nouvelle, celle des admirateurs du génie, qui, plus ou moins, réalisent en eux par imitation son innovation.
Le penseur, en ce siècle, peut avoir aussi sa foi sainte, sa foi utile, et croire à la patrie, à l’intelligence, à la poésie, à la liberté ! […] La science se compose d’un nombre défini d’idées, que l’entendement saisit tout entières : elle marque un triomphe et un repos de l’intelligence ; la poésie, au contraire, naît de révocation d’une multitude d’idées et de sentiments qui obsèdent l’esprit sans pouvoir être saisis tous à la fois : elle est une suggestion, une excitation perpétuelle.
Les artistes ne sont pas tous paresseux, et je suis sûr qu’il y a quelqu’un, fort près de moi, qui me démentirait, si j’affirmais que tous les artistes sont paresseux ; mais il est très vrai que la plupart des artistes — et je ne leur en fais nullement un reproche — ont des tendances à la paresse, à la rêverie, à la nonchalance, au farniente intelligent, au farniente rempli même, non seulement d’intelligence, mais de sensibilité, à une certaine langueur, et sont précisément, à cet égard, le contraire, ou l’inverse, des hommes d’action. […] Je vous dis cela pour vous préparer et pour vous faire comprendre ce qu’il y a de véritable passion, de passion sincère et profonde, dans des vers comme ceux-ci, que Corneille fait dire à une jeune femme dans la Suite du Menteur ; vous les connaissez pour la plupart, mais enfin je veux vous les citer encore : Quand les ordres du ciel nous ont faits l’un pour l’autre, Lyse, c’est un accord bientôt fait que le nôtre : Sa main entre les cœurs, par un secret pouvoir, Sème l’intelligence avant que de se voir.
Qui pourrait ne pas trouver qu’il est beau d’étudier une intelligence aux prises avec les problèmes les plus vivants qui soient ; la dépense prodigieuse d’énergie que suppose une affaire prospère ; la lutte contre la concurrence, et les angoisses, et l’orgueil des triomphes rapides ; l’obéissance d’un personnel nombreux aux ordres d’un seul homme ; ces milliers d’industries, qui sont autant de petits États dans l’État, ayant chacun sa politique extérieure et intérieure, sa dynastie, ses drames ? […] Tandis que la patience, le don de voir et de composer suffisent pour animer d’une vie parfaite un gentilhomme ou un bourgeois, il est besoin ici d’autre chose, et c’est de la foi, ou tout au moins de l’intelligence de la foi.
À la poésie grecque, à l’inspiration d’Eschyle et de Pindare il avait appartenu d’être à la fois idéale et vivante, de parer l’intelligence et d’animer le courage, de faire du génie d’un homme la vertu publique d’un peuple. […] là où l’intelligence, délivrée de cette prison mortelle, vivrait unie à ta lumière, libre, sans être errante !
Ces fantômes légers et capricieux, qui voltigent en pleine liberté au sein de l’intelligence, pâlissent et se dissipent devant le regard de l’attention.
Monsieur, en vous associant à la recherche et à la publication des monuments inédits relatifs à l’Histoire de France, j’ai appelé d’abord votre attention sur ce qui concerne l’histoire politique et civile ; mais les monuments qui se rapportent aux divers développements de l’intelligence humaine dans notre patrie, sont nombreux aussi et dignes de notre intérêt ; c’est vers les monuments de ce genre, vers les travaux et les manuscrits relatifs aux sciences, à la philosophie, à la littérature et aux arts, que je viens aujourd’hui diriger particulièrement votre zèle.
Voilà qui double reflet dramatique du récit, qui prépare l’âme à l’émotion, l’esprit à l’intelligence du fait.