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1142. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Molière s’imagina que toute la cour, toute la ville en voulaient à son épouse. […] Il fut complice de tout ce que Molière imagina pour amuser et corriger son règne. […] Molière se résigna et il attendit ; il avait tellement travaillé son sujet, qu’il ne pouvait s’imaginer qu’il se fût trompé.

1143. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

T’imaginais-tu donc l’univers autrement ? […] Hugo affirme avec Spencer que « l’éclosion future du bien-être universel est un phénomène divinement fatal », et il s’imagine, en poète, que « cette éclosion est prochaine207 » ! […] Tout tuteur honnête presse l’émancipation de son pupille… La Chambre… doit être le dernier échelon d’une échelle dont le premier échelon est une école. » Il s’imagine que toute brutalité « se fond au feu doux des bonnes lectures Humaniores litterae « quotidiennes. » Il faut faire faire au peuple ses hu-manités.

1144. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

Cette légion était le plus singulier ramassis qui se pût imaginer, des aventuriers de tout pays, parlant toutes les langues, ayant fait tous les métiers, ayant chacun son épisode orageux et ses naufrages de jeunesse : « Du reste, disait-il au premier coup d’œil, ces hommes feront, je l’espère, d’excellents soldats. […] C’est alors, après une dernière atteinte plus rude que les précédentes, qu’il recourut à un autre remède, à un auxiliaire puissant qu’on eût été loin d’imaginer.

1145. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

Naturellement, toute pensée politique manque. « On ne peut imaginer, dit le manuscrit, personne plus indifférente pour toutes les affaires publiques. » Plus tard, au plus fort des événements les plus graves et qui les touchent par l’endroit le plus sensible, même apathie. […] En ce cas si fréquent, toute l’exigence et toute la rapacité de l’entrepreneur, décidé à gagner ou tout au moins à ne pas perdre, s’abattent sur les paysans : « C’est un loup ravissant, dit Renauldon, que l’on lâche sur la terre, qui en tire jusqu’aux derniers sous, accable les sujets, les réduit à la mendicité, fait déserter les cultivateurs, rend odieux le maître qui se trouve forcé de tolérer ses exactions, pour le faire jouir. » Imaginez, si vous pouvez, le mal que peut faire un usurier de campagne armé contre eux de droits si pesants ; c’est la seigneurie féodale aux mains d’Harpagon ou plutôt du père Grandet.

1146. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

« Ne vous imaginez pas, Romains, à cause que vous vous êtes rendus maîtres de notre Germanie, que ç’ait été par votre valeur et pour n’avoir pas vos pareils à la guerre. […] « Vous vous imaginez peut-être que j’ai tout dit. » (Mais oui.) « Mais il s’en faut de beaucoup. » (Bon Dieu !)

1147. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

Mais ce goût pour la philosophie ne m’est pas si nouveau qu’on se l’imagine. […] Je m’étonnais auparavant (car dans ces lieux je ne m’imaginais que rochers et montagnes, trompé par vos discours et par vos vers), je m’étonnais que ce séjour vous plût si fort.

1148. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Si une âme religieuse en lisant ces lignes pouvait s’imaginer que j’insulte : « Oh ! […] Faust ne correspond qu’à une partie de ce que j’imagine.

1149. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre premier. La sensation, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. La sensation »

Les plus récents psychologues s’accordent à rejeter l’hypothèse de Kant qui imagine, à l’origine de la vie psychique, un ensemble de sensations détachées, sans aucun lien non seulement logique, mais même psychologique, et attendant là que le sujet pensant veuille bien faire leur synthèse. […] En juxtaposant ces sensations détachées, on aurait la conscience primitive imaginée par Kant.

1150. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

Dans ses descriptions, dans ses personnages, dans ses scènes, l’effort à imiter la nature, à imaginer vrai, à se rappeler de précises observations, est évident ; il est contenu par certaines incapacités natives, par des préjugés acquis, mais le romancier anglais n’en possède pas moins une marque qui le distingue nettement de tous les artistes idéalistes, dans ses préférences pour ces laideurs, ces vulgarités, ces irrégularités du réel, que ceux-ci s’empressent d’effacer, par le travail de sélection qui les caractérise. […] Nous sommes en présence d’un auteur explicite et outrancier, qui charge ses phrases de verve, qui se lance sans cesse à développer abondamment n’importe quelle idée, qui, usant tantôt d’indications descriptives ordinaires, plus souvent d’indications descriptives disconnexes, le plus souvent d’un dialogue merveilleusement nuancé, dessine ses personnages en charges outrées ; il les conçoit permanents dans leurs attitudes grotesques ou menaçantes, n’en compose que de fort simples, de puérils, de difformes et, malgré le mystère, la terreur, la bizarrerie, les ridicules dont il les doue, n’en imagine guère que de réels et de vrais, de cette vérité particulière des caricatures et des satires.

1151. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Parce qu’il a pris le pouvoir et qu’il l’a gardé toute sa vie, parce que sa litière orgueilleuse entrait dans les villes par la brèche, parce que notre esprit le revoit toujours montant ou descendant le Rhône sur les coussins de sa barque dorée, comme un Satrape appesanti ou rêveur, nous nous imaginons qu’il avait la joie disputée, conquise et superbe des possesseurs de ce qu’ils aiment, et cependant il ne l’eut jamais ! […] S’il est athée, c’est comme on l’était au xviiie  siècle, dans un temps où le perruquier de Chamfort disait avec la modestie de son état et le sentiment d’un homme qui sent où commence la dignité humaine : « Je ne suis qu’un pauvre merlan ; mais, après tout, il ne faut pas s’imaginer que je croie plus en Dieu qu’un autre ! 

1152. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

Nul, à moins de la voir, ne peut imaginer ce que l’artiste a mis de poésie intime, mystérieuse et romantique dans cette simple tête. […] qui ignorent d’abord qu’une œuvre de génie — ou si l’on veut — une œuvre d’âme — où tout est bien vu, bien observé, bien compris, bien imaginé — est toujours très-bien exécutée, quand elle l’est suffisamment — Ensuite — qu’il y a une grande différence entre un morceau fait et un morceau fini — qu’en général ce qui est fait n’est pas fini, et qu’une chose très-finie peut n’être pas faite du tout — que la valeur d’une touche spirituelle, importante et bien placée est énorme…, etc…, d’où il suit que M. 

1153. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

C’est alors qu’on apercevrait, j’imagine, combien les mailles du filet, toutes bien faites qu’elles sont, se trouvent trop larges et laissent souvent passer le poisson.

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