Mais les hommes faits par lui ne l’oublient plus, et ce sont eux, fidèles élèves, qui propagent et poussent ses idées, dans la mesure inégale de leur talent et de leur rayonnement divers. […] Et, en effet, quelle que soit la piété des disciples envers les idées de leur maître, cependant il peut arriver — et il arrive presque toujours ! — que ces idées n’ont pas, sous la plume la plus scrupuleuse et la mieux comprenante, toute la virtualité qu’elles auraient si l’esprit qui les a combinées les exprimait. […] Noirot, nous a-t-on dit, conteste à Tissandier l’exactitude complète du compte rendu de son enseignement ; mais, tel qu’il est pourtant, et pour qui sait voir les tenants et aboutissants des idées sur lesquelles on n’insiste pas, ce compte rendu inspire une grande confiance dans les aptitudes philosophiques du professeur. […] Le livre de l’abbé Noirot, ou, pour parler mieux, ses idées peuvent donner l’espérance que philosophiquement notre pays n’a pas perdu tout à fait le sentiment de la vérité métaphysique, c’est-à-dire, en somme, de la plus haute vérité.
Exposer l’opportunité et la raison des idées qui ont présidé à leur conception, sera donc prouver la légitimité des formes qu’ils ont revêtues. […] C’est alors seulement que l’idée de la beauté reparaît dans l’intelligence et l’idée du droit dans l’ordre politique. […] Celle-ci n’est qu’une idée très vague, revêtue de formes insaisissables. […] Aucun peuple n’est plus esclave des idées reçues, plus amoureux de la routine, plus scandalisé par tout ce qui frappe pour la première fois son entendement. […] Avoir des idées et mal écrire sont, en France, deux termes corrélatifs.
Le sentiment national et l’idée de la mort. — 3. […] Commynes : sa vie : son caractère, son intelligence ; les idées directrices de Commynes ; sa philosophie. […] Toute sa valeur est là : il sait mesurer la phrase à l’idée, le poème au sujet. […] Sentiment national et idée de la mort. […] Je ne parle pas de la qualité des idées, mais du rapport des idées à l’esprit.
Je ne prétends pas donner pour vraies toutes les idées que Vauvenargues émet dans ses lettres à Mirabeau. […] Mais, en solitaire qu’il est, il suit jusqu’au bout son idée et ne la quitte point. […] L’ambition est dans le cœur et dans la moelle des os de tous les gens de la Cour ; mais tous n’ont pas les mêmes idées, ni les mêmes sentiments, il s’en faut de beaucoup. […] Gilbert qui a étudié de si près ce point délicat et obscur, mais il ajoute que ces accidents sont le signe d’une inquiétude qui exclut l’idée de l’indifférence ou de la neutralité. » Et il continue de repousser absolument l’explication de M. […] [NdA] Me figurant Vauvenargues venu cinquante ans plus tard et dans les années de la Révolution, j’ai toujours aimé à le voir en idée à côté d’André Chénier et à peu près dans la même ligne politique.
Mais on en a bien assez pour se former dès à présent une juste et complète idée : la suite des lettres à M. […] Au contraire, le critique liseur, si je puis dire, celui qui, dans son fauteuil, reprenait pour la centième fois de vieux écrits et se mettait à penser tout haut en refermant le livre, c’est celui-là qu’il y avait plaisir à entendre et à faire causer : idées justes, idées fines ou hardies, boutades légères et inspirées, lui sortaient en foule à la fois. […] Le négliger c’est ne pas aimer assez les idées qu’on veut faire adopter aux autres. […] » Cela le mena à sacrifier son idée de république chaque fois qu’il y vit le salut du pays intéressé. Éviter tout pas rétrograde, tout faux mouvement de retour en arrière et vers l’ancien régime, était sa grande préoccupation et son idée première dans chaque crise
De là cette promptitude, que nous constatons sans cesse, à s’émouvoir sur des faits hypothétiques, ou sur des idées abstraites. […] Les faiblesses, les impuissances de l’exécution n’annulent point l’importance de l’idée première. […] Sur ces deux points, les idées de Diderot ont été fort attaquées : on ne met pas en général assez en lumière les vérités qu’elles contiennent. […] Quel malheur que de tant d’idées originales et parfois remarquablement justes, Diderot n’ait su faire que deux pitoyables pièces ! […] Mais, si l’on y regarde de plus près, il subsiste des idées, des exemples, des aptitudes, des germes : tout cela reparaîtra à son heure.
Bouglé admettrait toutes les conséquences et toutes les applications possibles de la loi de l’entrecroisement des groupes dans cet ordre d’idées. […] Et il pourrait ajouter qu’il se trompe lui-même, plus ou moins sciemment et volontairement C’est par cela que l’esprit du groupe se complaît dans les idées vagues, dans les idées qu’on laisse volontairement inanalysées, parce que leur obscurité favorise l’illusion et la duperie mutuelle. […] Ceux d’entre eux qui acceptent les idées admises dans leur groupe savent la plupart du temps à quoi s’en tenir sur la valeur de ces idées. […] Car le pragmatisme consiste à présenter les idées socialement utiles, non comme utiles, mais comme vraies. […] Sorel recommandant l’idée de grève générale, comme un mythe utile pour exalter les énergies révolutionnaires du prolétariat.
Joubert la naissance, l’inoculation de certaines idées si neuves, si hardies alors, et qu’il rendit plus vraies en les élevant et en les rectifiant. […] Joubert rendait encore à Diderot cette justice qu’il y a bien plus de folies de style que de folies d’idées dans ses ouvrages. […] En toutes choses il me semble que les idées intermédiaires me manquent, ou m’ennuient trop. » Ces idées intermédiaires, s’il s’était donné la peine de les exprimer, ne nous ennuieraient pas, ce semble, mais plutôt nous reposeraient en le lisant. […] « Ce n’est pas ma phrase que je polis, mais mon idée. […] Ici ce n’est plus seulement du Platon, c’est du saint Augustin à haute dose et sans la liaison des idées.
Il a, en un mot, pour parler son langage, plusieurs idées centrales, et plus d’un foyer de lumière ou de chaleur. […] M. de Kergorlay (pour une raison ou pour une autre) se contentait d’être le dépositaire et le critique intelligent des idées de celui qu’il admirait sans le flatter ; en écoutant la suite des confidences et des épanchements de M. de Tocqueville, celui-ci se définira de lui-même à nos yeux. […] J’ai un autre défaut pour le moment présent : je m’habitue difficilement à parler en public ; je cherche mes mots, et j’écoute mes idées ; je vois à côté de moi des gens qui raisonnent mal et qui parlent bien : cela me met dans un désespoir continuel. […] M. de Tocqueville parlait bien et très bien, quoi qu’il en dise ; il lui manquait, pour être décidément un orateur, la force des organes, les moyens d’action, et aussi, selon sa juste expression, il écoutait ses idées, plus qu’il ne les versait ; il avait un geste familier par lequel il s’adressait à lui-même et à son propre front plutôt encore qu’à ses auditeurs : il regardait son idée. […] Cependant comme, même chez les peuples qui lisent le moins, ce sont après tout certaines idées, souvent même certaines idées très abstraites qui, au fond, finissent par mener la société, il peut toujours y avoir quelque utilité éloignée à répandre celles-ci dans l’air.
Shakespeare, égalé quelquefois depuis par des auteurs anglais et allemands, est l’écrivain qui a peint le premier la douleur morale au plus haut degré ; l’amertume de souffrance dont il donne l’idée pourrait presque passer pour une invention, si la nature ne s’y reconnaissait pas. […] Cette répugnance orgueilleuse pour l’enthousiasme de l’obéissance, qui a été de tout temps le caractère des Anglais, a dû inspirer à leur poète national l’idée d’obtenir l’attendrissement plutôt par la pitié que par l’admiration. […] Les Anglais cependant se soumettront le plus tard possible au bon goût général ; leur liberté étant fondée sur l’orgueil national plus encore que sur les idées philosophiques, ils repoussent tout ce qui leur vient des étrangers, en littérature comme en politique. […] La douleur parle seule en eux ; l’idée dominante a fait disparaître toutes les idées communes de la vie ; tous les organes sont dérangés, hors ceux de la souffrance ; et ce touchant délire de l’être malheureux semble l’affranchir de la réserve timide, qui défend de s’offrir sans contrainte à la pitié. […] Son livre est un des meilleurs que possède l’Angleterre ; mais il a été composé pour les jeunes gens, et ne devait contenir que des idées analogues à ce dessein.
L’homme qui a cette disposition voit dans le monde beaucoup plus de sujets de jalousie qu’il n’en existe réellement ; et pour se croire à la fois heureux et supérieur, il faudrait juger de son sort par l’envie que l’on inspire : c’est un mobile dont l’objet est une souffrance, et qui n’exerce l’imagination, cette faculté inséparable de la passion, que sur une idée pénible. […] Il est certain d’abord qu’on soutient difficilement l’idée de savoir heureux l’objet qui vous a plongé dans le désespoir ; ce tableau vous poursuit, comme, par un mouvement contraire, l’imagination de la pitié offre la peinture des douleurs qu’elle excite à soulager. […] Ce qu’on a le plus de peine aussi à supporter dans l’infortune, c’est l’absorbation, la fixation sur une seule idée, et tout ce qui porte la pensée au-dehors de soi, tout ce qui excite à l’action, trompe le malheur ; il semble qu’en agissant, on va changer la situation de son âme, et le ressentiment, ou l’indignation contre le crime étant d’abord ce qui est le plus apparent dans sa propre douleur, on croit, en satisfaisant ce mouvement, échapper à tout ce qui doit le suivre ; mais en observant un cœur généreux et sensible, on découvre qu’on serait plus malheureux encore après s’être vengé qu’auparavant. […] Le même terme exprime l’assassinat de César, et celui d’Henri IV ; et les grands hommes qui se sont crus le droit de faire plier une loi de la moralité devant leurs intentions sublimes, ont fait plus de mal par la latitude qu’ils ont donné à l’idée de la vertu, que les scélérats méprisés dont les actions ont exaltés l’horreur qu’inspire le crime. […] La France ne peut être sauvée que par ce moyen, et les partisans de la liberté, les amateurs des arts, les admirateurs du génie, les amis d’un beau ciel, d’une nature féconde, tout ce qui sait penser, tout ce qui a besoin de sentir, tout ce qui veut vivre, enfin, de la vie des idées, ou des sensations fortes, implore à grands cris le salut de cette France.
. — Du vague dans les idées et le langage. — Hyperboles et lieux communs. — Diffusion et bavardage Dans l’état ordinaire des choses, l’esprit sommeille les trois quarts du temps. […] On n’a pas d’idées : on fait semblant d’en exprimer. […] On ramasse chaque jour ses idées du lendemain ; dès l’enfance on s’est habitué à ne rendre au public que ce qu’on lui a pris. […] Si la mémoire ne fournit pas assez, si l’on veut étoffer les lieux communs qu’on a ramassés, on pratique l’art de délayer : on apprend à répéter en dix lignes ce qu’on a dit en deux, sans y ajouter l’ombre d’une idée ; et quelquefois on y acquiert une malheureuse facilité. […] Au fond, on n’est pas méchant, ni même sot, on n’est que pauvre d’idées ; et, comme il faut parler, on médit.