« Je crois que Dieu a créé des êtres d’une beauté tellement harmonieuse et idéale qu’ils échappent à toute analyse et à toute description.
Dira-t-on que nous faisons une hypothèse arbitraire, et que cette perception idéale, obtenue par l’élimination des accidents individuels, ne répond plus du tout à la réalité ?
Et j’ai songé à un vers de Hugo sur les deux statuaires du temple de Jérusalem (cela est, je crois, dans la Légende des siècles) : L’un sculptait l’idéal et l’autre le réel. […] C’est une joie que d’accoupler pluviôse et grandiose, idéal et floréal, chimère et brumaire, rayon d’or et messidor.
Ces messieurs qui nous la font, avec des programmes à la Platon, des blagues philanthropiques, des thèses de gouvernement idéal : voilà le grand danger. […] À défaut de la création d’un jardin, ma cervelle s’occupera de la création d’une pièce, de l’arrangement et de l’ameublement d’une chambre, réalisés dans les conditions d’un idéal artistique, que d’autres achètent chez leur tapissier.
Arréat ne prouve guère que l’idéal moral soit plus élevé dans la littérature dramatique moderne que dans la littérature dramatique la plus ancienne, en revanche il prouve abondamment que le problème moral est le fond même de toute la littérature dramatique. […] Elle fait la théorie de l’amour idéal des précieuses : … Nous établissons une espèce d’amour Qui doit être épuré comme l’astre du jour ; La substance qui pense y peut être reçue, Mais nous en bannissons la substance étendue. […] La diction simple ne semble pas l’idéal cherché par l’auteur. […] Je construis en moi ce drame idéal, ce poème rêvé, le plus beau de tous, celui qui ne doit jamais être écrit, qui doit s’évanouir dans une pensée de détachement et dans une prière. — Prions… » Mme de Maintenon demanda à Racine une tragédie religieuse, en laissant au poète toutes ses aises et toute sa liberté de création.
Son idéal a cessé d’être le nôtre, mais il ne nous coûte nullement de convenir que, sous la discipline de l’Église, jamais peut-être de plus rares dévouements, de plus nobles sacrifices, de plus glorieuses folies n’ont honoré l’homme que dans ces mêmes siècles qu’encore aujourd’hui cependant quelques historiens et quelques publicistes voudraient nous représenter comme les âges triomphants de la sottise et de la barbarie. […] Mais cette concession, ou plutôt cette juste part une fois faite à la vérité, cette hauteur et cette beauté morale de l’idéal du moyen âge une fois signalées, nous en revenons à ce que nous disions. […] C’est Pascal, et ce sont avec lui tous les écrivains de son temps, qui savent et qui calculent les conséquences pratiques de tout ce qu’ils écrivent, ce sont eux qui s’appuient à l’expérience et qui ne quittent pas du pied le terrain de la réalité, mais ce sont précisément les écrivains du xviiie siècle, c’est Voltaire trop souvent, ce sont les Diderot et les Rousseau surtout, qui se meuvent dans l’abstraction, dans le domaine de la pure logique, et qui bâtissent à l’aventure ces cités idéales ou plutôt fantastiques, plus fantastiques en vérité que la Néphélococcygie d’Aristophane lui-même. […] Mais évidemment Fontanes, Chênedollé, Lebrun, Lemercier, beaucoup d’autres encore, ont rêvé d’un idéal qu’il ne leur a pas été donné d’atteindre et d’une rénovation qu’ils n’ont pas eu la force d’inaugurer.
Son principal talent naturel était pourtant, je le crois, vers l’épanchement de l’élégie ; mais on ne peut trop le décider, tant il a su convenablement s’identifier avec ses nobles personnages, dans la région mixte, idéale et modérément dramatique, où il se déploie à ravir.
7º On nous dit : le vers est le beau idéal de l’expression : une pensée étant donnée, le vers est la manière la plus belle de la rendre, la manière dont elle fera le plus d’effet.
Sans doute, la barbarie de Shakespeare monte quelquefois plus haut dans ses drames tragiques, et y atteint à des hauteurs philosophiques au-delà desquelles il n’y a rien à éprouver qu’un frisson de chair de poule et une angoisse d’admiration ; là, on ne peut le comparer à rien, il dépasse tout et efface tout ; il est Shakespeare, le synonyme du sublime, l’entre ciel et terre du génie ; mais il ne semble s’être élevé si haut dans l’Empyrée de l’idéal que pour vous précipiter dans la boue et pour vous étourdir par la chute.
Disciple de Rousseau, qu’il n’a pas lu, Laurent L… vivait seul, en 1865, en pleine forêt, poursuivant l’idéal de la vie de nature, étrangère à toute industrie.
En revanche, il approuve Bartoli, pour qui Béatrice est la femme terrestre regardée par les yeux mystiques de l’homme du moyen âge, et en particulier de ces Blancs de Florence de la fin du xiiie siècle ; la femme où l’ange apparaît par degrés ; quelque chose d’abstrait et d’impalpable, qui devient concret sur un beau visage, puis s’évapore et s’évanouit… Enfin, Béatrice, c’est l’idéal. […] « Le comédien, insiste Diderot, qui jouera de réflexion, d’étude de la nature humaine, d’imitation constante d’après quelque modèle idéal, d’imagination, de mémoire, sera un, le même à toutes les représentations, toujours également parfait : tout a été mesuré, combiné, appris, ordonné dans sa tête ; il n’y a dans sa déclamation ni monotonie, ni dissonance… » Voilà pourquoi le comédien, véritable artiste, sait graduer les mouvements de son jeu qui ne risque pas d’être journalier.
C’est passer de l’ordre idéal à l’ordre physique que d’imaginer un autre système. […] C’est peut-être ce qui a doné lieu à un grand nombre d’erreurs où les homes sont tombés, faute d’avoir reconu que les mots dont ils se servoient en ces ocasions n’étoient que les signes des afections de leur esprit, en un mot, de leurs abstractions, et non l’expression d’objets réels ; delà l’ordre idéal confondu avec l’ordre physique ; delà enfin l’erreur de ceux qui croient savoir ce qu’ils ignorent, et qui parlent de leurs imaginations métaphysiques avec la même assurance que les autres homes parlent des objets réels.